Nelson Mandela était-il franc-maçon?

  • 09/12/2013
  • Source : direct.cd
Une photo où l’on peut voir Nelson Mandela habillé en tenue maçonnique circule sur internet depuis ce matin, alimentant la thèse qu’il aurait été d’obédience maçonnique. Retour sur la Franc-maçonnerie en Afrique.

Une vieil polémique refait surface sur internet depuis la mort de Nelson Mandela, héros de la lutte contre l’Apartheid en Afrique du Sud. Le site wikistrike.com affirme notamment que l’homme aura été un grand franc-maçon de son vivant. En Afrique, le roi Hassan II était franc-maçon, et aujourd’hui les présidents Idriss Deby du Tchad, Denis Sassou Nguesso du Congo, Mamadou Tandja du Niger, Gnassingbé Eyadéma du Togo, Paul Biya du Cameroun, Blaise Compaoré du Burkina Faso et Omar Bongo du Gabon sont francs-maçons, tous membres de la Grande Loge Nationale Française (Glnf) ou d’obédiences africaines affiliées à cette dernière. Le général Robert Gueï, auteur du coup d’Etat de décembre 1999 en Côte d’Ivoire, était également initié.

Les autres obédiences françaises, Grand Orient de France (Godf) et Grande Loge de France (Glf) sont aussi implantées en Afrique francophone, soit directement soit par obédiences africaines affiliées ou alliées. Ainsi, l’ancien président du Congo, Pascal Lissouba, avait été initié au Grand Orient. La Glnf a opéré une percée spéciale en Afrique francophone. Si la franc-maçonnerie est fortement implantée en Afrique noire francophone, mais aussi en Amérique latine (Simon Bolivar était maçon) et aux Etats-Unis (le président Franklin Roosvelt l’était également) sans parler de l’Europe.

La création de la première loge en Afrique noire francophone, par le Grand Orient, remonte à 1781, à Saint-Louis du Sénégal. En sont membres des Français expatriés, pour la plupart militaires et commerçants liés à la Compagnie du Sénégal, aucun Africain n’y figure. Il s’agit d’une franc-maçonnerie « coloniale » et non pas d’une franc-maçonnerie africaine. Plusieurs francs-maçons ont illustré l’histoire de la colonisation française. Tout d’abord les deux promoteurs de l’abolition de l’esclavage, l’abbé Grégoire, sous la Révolution, puis Victor Schœlcher, secrétaire d’Etat à la Marine sous la IIe République qui fit abolir l’esclavage définitivement en 1848. Puis Abd-El Kader a été reçu au Grand Orient en 1864.

Le grand artisan de l’expansion coloniale française, Jules Ferry, était franc-maçon. Comme le fut le député sénégalais Blaise Diagne. Et comme le gouverneur guyanais, Félix Eboué, qui rallia le Tchad à la France libre. Les francs-maçons (ou « frères des lumières ») furent assez nombreux dans l’administration coloniale, notamment à Madagascar. Après la Seconde Guerre mondiale, les francs-maçons français en Afrique noire, notamment les fonctionnaires militèrent pour la plupart en faveur de l’indépendance des pays africains et de plus en plus d’Africains rejoignent les loges. Les francs-maçons français recrutaient aussi des Africains en métropole, où les étudiants noirs étaient fréquemment sollicités par les loges.

Un écrivain béninois, Olympe Bhely-Quenum a tiré de son expérience de ce genre de pratique un roman L’initié. Après 1960, l’année des indépendances, la franc-maçonnerie a continué à assumer, en s’africanisant et s’émancipant par rapport aux obédiences françaises. Dans la plupart des pays africains francophones, des obédiences nationales se sont créées, mai elles ont conservé des liens plus ou moins étroits avec les obédiences françaises, dont elle reflètent le clivage. La franc-maçonnerie est multiple, voire morcelée, plus peut-être en France qu’ailleurs.

Il y a une multitude d’obédiences. Malgré l’intérêt des francs-maçons français pour l’Afrique, seuls deux d’entre eux ont été à la tête du ministère de la Coopération, le socialiste Christian Nucci, membre du Grand Orient et le gaulliste Jacques Godfrain, initié à la Gnlf. Guy Penne, l’ancien conseiller aux Affaires africaines de François Mitterrand à l’Elysée de 1981 à 1986, aujourd’hui sénateur des Français de l’étranger, est membre du Grand Orient. D’une manière générale, les obédiences nationales d’Afrique francophone sont issues de la fusion de loges du Grand Orient et de la Grande Loge de France qui existaient avant l’indépendance.

C’est le cas au Gabon, au Cameroun, au Bénin, au Congo, en Côte d’Ivoire, au Togo. Au Sénégal, les loges proches de ces deux institutions ont également conservé leur identité respective, mais la Gnlf est également présente. La plupart des obédiences liées au Grand Orient et à la Grande Loge de France participent aux Rencontres humanistes et fraternelles africaines et malgaches (Rehfam) qui se réunissent chaque année depuis 1992 dans une capitale africaine et auxquelles sont invitées ces loges françaises.

Les dernières réunions ont eu lieu en 1996, en 1997 à Cotonou, en 1998 à Libreville, en 1999 à Lomé et en 2000 à Antananarivo. Les francs-maçons n’ont jamais manqué d’ennemis (Hitler, Mussoloni, Salazar, Pinochet, Pétain). En 1992, le Parti communiste français a exclu les francs-maçons de ses rangs. Quant au Vatican, sa position a quelque peu évolué.
Du côté franc-maçon, rien n’interdit de pratiquer la religion de son choix, y compris au Grand Orient pourtant réputé très laïque. En 1963, Houphouët-Boigny a réprimé des francs-maçons ivoiriens sous le prétexte de complot (Jean-Baptiste Mockey, Jean Konan Banny, Amadou Thiam et Ernest Boka qui mourut en prison). Fily Dabo Sissoko, Hamadoun Dicko au Mali et Barry Diawando en Guinée sont des francs-maçons qui moururent en prison.

L’ex-président Nelson Mandela, Tolbert et William Tubman sont des francs-maçons. Paul Biya était rosicrucien, selon la rumeur publique. Au Sénégal, on trouve des francs-maçons dans les sphères du pouvoir malgré l’hostilité d’une frange intégriste islamiste. Wal Fadjri et le Musulman s’en sont pris aux francs-maçons.