Les préliminaires sexuels c'est en permanence

  • Source : marichesse.com


Une injonction féminine, les préliminaires ? Moments sensuels complices, ils cachent des secrets insoupçonnés et peuvent concentrer les enjeux du couple.

Préparation sensorielle à l'amour, les préliminaires attisent l'imagination et les désirs de certains, et soulèvent, pour d'autres, de grandes inquiétudes. Moment de la rencontre des corps et de l'expression du désir, « ils concentrent les enjeux relationnels du couple. Grandioses quand le désir circule librement. Réfrigérants lorsque les difficultés, les frustrations et les récriminations s'en mêlent », observe Brigitte Martel, gestalt-thérapeute.

Si bien que, dans les cabinets de psys, les préliminaires font souvent l'objet des premières plaintes. « Elle n'a jamais envie », « Il n'est pas assez tendre »… Un regret que l'on imagine plus féminin. A raison : l'enquête (1) sur la sexualité montre qu'ils constituent, pour les femmes, le moment préféré de l'amour. Mais 67 % des hommes de plus de 50 ans et 48 % des trentenaires admettent s'y adonner d'abord pour leur compagne. Peut-être par méconnaissance de leurs bienfaits.

Ils sont d'autant plus transgressifs que nous nous autorisons ce qui fut longtemps considéré comme des pratiques dégradantes – fellation, cunnilingus. A condition de se laisser aller à des pensées que nous jugeons parfois honteuses, incompréhensibles ou qui nous effrayent. Car « ici plus qu'ailleurs dans la sexualité, nous faisons remonter les parties sombres et inavouées de nous-mêmes, reprend le sexothérapeute et psychanalyste. Les fantasmes, donc l'inconscient, s'y expriment de façon ludique, déchargeant ses pulsions. En cela, ils ont, à l'instar du rêve, une fonction compensatrice pour l'équilibre psychique ».

Ni début ni fin
Quand commencent-ils ? Au lit ou bien avant ? « Attention, prévient Alain Héril (2), les préliminaires, c'est la circulation du désir, dès que les amants se le disent et se le montrent », poursuit-il, incluant donc la phase de séduction : porter de la lingerie sexy, érotiser un dîner au restaurant, s'envoyer des « sextos » de plus en plus chauds. Quand finissent-ils ? Là encore, les avis divergent. Selon Danièle Flaumenbaum (3), c'est le prélude à la pénétration.

Si la femme a appris, petite, que son sexe se prolongeait à l'intérieur de son corps et qu'il était fait pour recevoir celui de l'homme, « être pénétrée est le signe d'une sexualité adulte assumée. Sinon, elle reste ignorante de sa capacité d'accueil, comme une poupée qui n'a pas de vagin », ajoute-t-elle. « Bien sûr, la pénétration est importante, modère Alain Héril, mais elle n'est plus une fin en soi. Nous sommes revenus de la vision freudienne de la sexualité, selon laquelle seul vaut l'orgasme vaginal, qui n'a d'ailleurs de vaginal que la localisation de la sensation. Car ce sont les bulbes vestibulaires du clitoris, descendant le long de la paroi du vagin et gorgés de sang, qui font toute la sensation orgasmique. »

Un langage en soi
Grand moment de communication lorsqu'ils sont investis à leur juste valeur, ces prémices peuvent aussi cristalliser les conflits du couple. Car ce que nous faisons ou pas, à cet instant-là, dit beaucoup de nos difficultés. Comment entrons-nous en relation avec l'autre ? Qu'aurions-nous envie qu'il nous dise pour que nous nous sentions considéré ? Lui disons-nous ces besoins ? Sommes-nous à l'écoute des siens ? « C'est aussi le moment de toutes les ouvertures », analyse Brigitte Martel, qui conseille à ses patients en difficulté de prêter attention à ce qui s'y joue. Moment d'apprivoisement, d'harmonisation des désirs, c'est celui de l'élan vers l'autre, de l'intimité, mais aussi de l'écoute de soi. Pour tout cela, les préliminaires nourrissent le lien amoureux… bien au-delà de la chambre à coucher.

(1) Publiée dans « Les Hommes, le Sexe et l'Amour et Les Femmes, le Sexe et l'Amour » de Philippe Brenot (Les Arènes, 2011 et 2012). (2) « Femme désirée, Femme désirante » (Payot, " Petite Bibliothèque ", 2011). (3) « Femme épanouie, mieux dans son désir, mieux dans son plaisir » (Payot, 2012).

En savoir plus
> Le sexologue Charles Gellman (*) a élaboré le « cycle de la réponse sexuelle », qui décrit les huit étapes de l'acte amoureux.

Les étapes. L'intérêt pour la sexualité ; le désir pour quelqu'un ; l'excitation physique ; le plateau (phase de forte excitation) ; l'orgasme ; la résolution (phase de détente), parfois concomitante à la période réfractaire (où les stimulations peuvent être désagréables) ; l'élaboration psychique (intégration de l'expérience).

Le principe. Les préliminaires concernent les quatre premières étapes. Pour les améliorer, Brigitte Martel, gestalt-thérapeute, propose de les « revisiter au ralenti afin que chacun puisse repérer et nommer plus précisément ses difficultés ». Les questions à se poser : Est-ce que j'interromps le cycle ? Est-ce que je continue alors que je n'en ai pas envie ? Quelles croyances me poussent à le poursuivre (« Ne pas être une allumeuse », etc.) ? Suis-je en écho avec le cycle de mon partenaire ? « La bonne santé sexuelle, c'est la capacité à parcourir les étapes selon ses désirs, ou à les interrompre sans culpabiliser », conclut Brigitte Martel.

(*) Ancien président de la Société française de sexologie clinique, coauteur des « Thérapies sexuelles » (ESF, 1983). Lire aussi : « Sexualité, Amour et Gestalt », de Brigitte Martel (InterÉditions, 2007).