Infrastructures routières: Jean-Philippe Kouamé (Directeur de la commercialisation de la route): « Le pesage et le péage vont nous rapporter 19 milliards FCFA »

  • 18/09/2013
  • Source : L'Inter
Afin d’avoir des ressources additionnelles pour mieux entretenir les routes ivoiriennes, le Fonds d’entretien routier (FER) a mis en place une direction chargée de la commercialisation des routes. Le directeur en charge de ce

 Quels sont les outils dont dispose la Côte d'Ivoire pour commercialiser ses routes ?

La route est un endroit aménagé où circulent les véhicules. La Banque mondiale considère cette infrastructure comme un service marchand qu’il faut mettre en vente pour que les usagers, c’est-à-dire ceux qui l'utilisent puissent apporter une contribution pour son entretien. Et cela, afin que la route soit fréquentable, praticable en toute saison et à tout moment. Au niveau de la Côte d'Ivoire, le FER, dans sa volonté d’avoir toujours des ressources afin de remplir sa mission d’entretien des routes a mis en place la direction de la commercialisation de la route.

Le faisant, il s’agissait pour le FER de s’aligner sur le vœu de la Banque mondiale. La direction de la commercialisation de la route a pour objectif donc d'apporter des ressources additionnelles, au-delà de ce que nous avons comme la Taxe spécifique unique sur le pétrole (TSU), les patentes et les vignettes. La direction a pour mission de mettre en place un système de péage, des systèmes de pesage et toutes autres activités liées à l'emprise routière qui puisse permettre de générer des ressources.

Combien de postes de pesage avons-nous en Côte d'Ivoire ?


On a quatre (04) postes de pesage fixes. Ouangolo, Divo, Anyama et Bonoua. Et 10 postes de pesage mobile pour faire des contrôles inopinés. Ces postes servent à peser les gros camions. Parce que si les camions ne respectent pas le dimensionnement, le gabarit, les poids et la charge à l'essieu, c'est sûr qu'une route qui a une durée de service de 15 ans va se détériorer au bout de cinq (05) ans. Et, il faudra revenir chercher le financement pour refaire cette route. Le pesage nous permet donc d'optimiser les ressources. Moins on gâte la route, plus on a de l'argent pour faire autre chose. Nous avons prévu 14 postes de pesage fixe jusqu'en 2015.

Suite à l'installation des postes de pesage, combien de chauffeurs ont-ils été appréhendés pour surcharge?


Pour l'instant, on n'a pas encore commencé la répression. On ne fait que des sensibilisations. La répression va débuter d'ici le début de l'année et à partir de ce moment, les chauffeurs seront obligés de se conformer à la réglementation. Par exemple, un camion qui charge ici pour aller au Ghana, avant de rentrer sur le territoire ghanéen, il est obligé de revoir sa charge, parce qu'au Ghana, il y a le respect, la répression et des tarifs à payer. Bientôt nous allons rentrer en phase de répression. Parce qu'on ne va pas dépenser près de 300 milliards de FCFA pour faire la nouvelle autoroute, réhabiliter l'ancien tronçon à coup de milliards de FCFA et laisser les gros camions nous le bousiller au bout de trois mois. Les camions surchargés continuent de gâter nos routes. Pour l'instant on les laisse partir.

On leur dit simplement qu'ils sont en sur-poids et que si on était en phase de répression, il devait payer une somme d'argent. Quand vous faites le transit international, en cas de surcharge, vous payez 60 000 FCFA par tonne de plus. Par exemple, si vous êtes en surcharge de 10 tonnes, vous payez 600 000 FCFA. Au niveau national, si vous êtes en surcharge, la tonne fait 20 000 FCFA. Vous payez, on ne vous laisse pas partir. On décharge le surplus de marchandises. Vous payez et vous partez avec la charge normale. Et vous venez rechercher le surplus après.

A côté des pesages, on a des postes de péage. En Côte d'Ivoire, combien de postes de péage avons-nous ?


On a trois postes de péage, mais qui ne sont pas encore fonctionnels. Ils vont démarrer en décembre 2013. En plus de ces trois postes, nous avons deux autres postes qui seront également livrés. Ça fera au total cinq (05) postes de péage. Il y en aura trois sur l'autoroute du nord et deux sur l'axe Abidjan-Abengourou.

Combien doit-on payer à chaque passage ?


Bientôt le tarif sera connu. Ce sont les cabinets ministériels qui fixent les tarifs après propositions des différentes études. Mais, le tarif sera proportionnellement acceptable, payable, parce que nous pensons qu'il y a un gain de temps et la sécurité. Ce que nous prévoyons faire au niveau de la sécurité sur l'autoroute du nord est énorme. Ce sont des caméras installées partout pour surveiller l'axe, des glissières de sécurité. Tout ce qui est normes internationales parce que la Banque mondiale est très vigilante sur la question. Si vous commercialisez une route, il faut qu'il y ait des normes qui soient respectées pour la sécurité et pour le gain de temps. Parce que quand vous payez, personne ne doit vous arrêter encore pour des contrôles. On est en train de mettre en place tout un système pour que la sécurité sur la route soit garantie. On ne peut pas faire payer la route pour qu'il y ait des coupeurs de route.

La commercialisation de la route n'est donc pas effective pour l'instant.


La direction de la commercialisation de la route met en place les outils qu'elle va, à un moment donné, exploiter. Nous pensons que dans trois mois nous allons commencer à exploiter tout ce qu'on a pu mettre en place. Mais au-delà des postes de péage, il y a les aires de repos, de stationnement, de service et de détente que nous allons construire sur l'autoroute du nord, au carrefour de Tiassalé et au kilomètre 103 sur l'axe Abidjan-Yamoussoukro. Nous prévoyons construire tout un système de supermarchés, des restaurants africains, fast-food européens, des motels autour de 50 chambres et des hangars pour le stockage de marchandises de grandes entreprises. Nous allons faire tout cela pour que celui qui prend la route soit à l’aise. Nous allons construire des pharmacies pour pouvoir donner les premiers soins sur l’autoroute. Nous avons mis les outils, mais à cause de la crise, l’exploitation de la route n’a pas pu commencer. Aujourd’hui, nous sommes prêts et nous pensons que d’ici à deux ou trois mois, l’exploitation va commencer. La direction de la commercialisation sera donc en phase d’exploitation.

Combien pensez-vous pouvoir mobiliser au niveau du pesage et du péage ?


Nous pensons pouvoir mobiliser autour de 19 milliards de FCFA par an.

Ces 19 milliards de FCFA peuvent-ils couvrir les besoins d’entretien routier ?


Absolument. Parce que c’est vers les routes qui sont payantes qu’ira la mobilisation de ces ressources d’abord. C’est 12 milliards de FCFA qui seront effectives sur le long terme. Parce qu'en ce qui concerne le pesage, lorsque le respect des charges à l’essieu va commencer, on aura plus d’argent à ce niveau. Mais, dans la première et la deuxième année, c’est sûr qu’on aura 4 milliards de FCFA qui viendront du pesage pour compléter les 12 milliards de FCFA du péage. Même les 12 milliards de FCFA du péage iront grandissants, parce que plus les routes sont bonnes, plus la fréquentation est énorme. Aujourd’hui sur l’autoroute, nous avons 7 000 véhicules/jour.

L’entretien périodique et courant, c’est autour de 3 à 4 milliards de FCFA par an. On a donc de l’argent qui va partir de l’autoroute pour aller entretenir d’autres routes. On peut même construire d’autres routes. Nous avons 82 000 km de routes dont 6 500 km de routes bitumées. Aujourd’hui, il y a de nouvelles routes que nous avons bitumées mais qui ne sont pas encore immatriculées et prises en compte. A terme, d’ici 2015, nous serons au-delà de 90 000 km de routes.

Si les Ivoiriens comprennent le bien-fondé des péages et des pesages, et qu’ils pensent que c’est une contribution qui ne va pas à la perte, mais qui permet d’avoir des routes fréquentables en toute saison, une contribution qui permet d’amoindrir les coûts d’exploitation de leurs véhicules, nous aurons réussi un grand pari. Parce qu’aujourd’hui, lorsque vous prenez la route Adzopé-Abengourou ou Adzopé-Agnibilékro, vous y passez pratiquement 4 heures, vous vous cassez un à deux amortisseurs. Vous cassez deux à trois pneus. Nous ne voulons plus voir ça d’ici trois à quatre mois.

Avec les 19 milliards de FCFA à mobiliser dans le cadre de la commercialisation de la route. Pouvez-vous prétendre ne plus avoir besoin de l’appui de l’Etat ?


Nousne pouvons pasdirecela parce que les besoins seront tellement énormes. Au niveau de la TSU, c’est autour de 18 milliards de FCFA par an. Nous diversifions nos activités. Donc, nous avons plus d’enveloppes qui arrivent vers le fonds. Nous avons au niveau des vignettes et patentes, autour de 15 milliards de FCFA par an. Si demain au niveau de la commercialisation routière nous avons 20 milliards de FCFA, c’est une enveloppe globale de 50 milliards de FCFA que nous aurons. Avec cette enveloppe, vous pouvez facilement aller sur le marché financier et lever des fonds autour de 500 milliards de FCFA sur 5 ans ou 10 ans. Avec cette somme, au bout d’un certain temps, vous avez fini de remettre à neuf le réseau routier ivoirien. Vous aurez fini de bitumer de nouvelles routes et vous ne feriez que rembourser les dettes. Mais vous l’aurez réalisé.

A un moment donné de la vie d’un individu ou d’une Nation, il y a des choses qu’on est obligé de faire. Pendant 50 ans, on a roulé sur les routes ivoiriennes gratuitement. Aujourd’hui l’Etat de providence est fini. Si l’Etat pouvait le faire, il allait le faire tout le temps. Mais, il y a tellement de choses qui sont prioritaires aujourd'hui. Il y a l’éducation, la santé…Si on veut relever le niveau de nos routes, il faut qu’il y ait un peu de soutiens financiers. Nous demandons aux Ivoiriens d’accepter le péage, de fréquenter les routes et s’ils ne sont pas satisfaits, de se plaindre. Bientôt, ils verront des routes praticables. Mais, on leur demande de contribuer tout juste un peu.