Violée, elle proteste avec son matelas

  • 08/09/2014
  • Source : lematin.ch
Emma a choisi de porter son matelas sur le campus de l’Université Columbia pour protester contre l’inaction de la direction face à son agression.

Emma Sulkowicz se déplacera avec son matelas sur le campus de la prestigieuse Université Columbia à New York tant que son violeur, un étudiant lui aussi, ne sera pas expulsé de la faculté. L’étudiante en arts graphiques a opté la semaine dernière de faire de cette initiative originale son sujet de thèse. «Ce matelas symbolise le poids que je dois porter chaque jour en tant que victime d’un viol, raconte-t-elle. Il est assez lourd pour compliquer mes trajets quotidiens, mais pas assez pour m’empêcher de me déplacer.»

L’étudiante avait dénoncé l’agression dont elle avait été la victime dans le dortoir de l’université il y a deux ans, mais les autorités de la Columbia University, l’alma mater de Barack Obama, n’avaient pas bronché. En avril dernier, Emma Sulkowicz a rendu son cas public et elle s’est jointe à une plainte collective déposée par 23 étudiantes contre l’université pour des cas d’agression sexuelle.

La semaine dernière, elle a croisé le doyen de sa faculté alors qu’elle portait son matelas. «C’est lui qui avait décidé de ne pas donner suite à ma dénonciation, raconte-t-elle. Il m’a vue, mais s’est éloigné de moi.» L’étudiante explique pouvoir en revanche compter sur le soutien inconditionnel de son professeur: «Sans lui, cette initiative n’aurait pas pu avoir lieu.»

Sur le campus, les étudiants approuvent la démarche d’Emma Sulkowicz et la jeune femme pense que sa performance peut faire évoluer les mentalités. «Hier soir (vendredi, ndlr), j’ai rencontré deux gars «balèzes» et ivres dans les couloirs de mon dortoir, glisse-t-elle. Ils m’ont demandé si j’étais la fille au matelas. Je leur ai répondu que je m’appelais Emma et que, oui, je portais un matelas. Ils m’ont alors dit que leur équipe de hockey soutenait mon projet. Je n’aurais jamais imaginé que ç’aurait pu être le cas.»

Emma Sul-kowicz est en dernière année d’études à Columbia et son agresseur aussi. S’il n’est pas renvoyé, la jeune femme pourrait avoir à porter son matelas pour les neuf prochains mois. «Je m’y suis préparée», affirme-t-elle. Une autre étudiante a créé un site Internet sur lequel il est possible de s’inscrire pour l’aider à porter le matelas. D’ici là, Emma Sulkowicz va compiler des photos et des impressions qu’elle livrera dans sa thèse en juin prochain: «J’espère qu’un jour nous n’aurons plus besoin de ce genre de démarche pour que les autorités réagissent.»