En Équateur, une prison surpeuplée devient un hôtel de luxe

  • 27/01/2015
  • Source : 20minutes.fr
L'établissement «accueillait» jusqu'alors 4.000 prisonniers...

Ils dormiront bientôt derrière les barreaux, de leur plein gré, et paieront même le prix fort pour ça. A Quito, l'ancienne prison surpeuplée de la ville s'apprête désormais à recevoir des pensionnaires très heureux, avec sa conversion programmée en hôtel de luxe, dans le centre colonial de la capitale équatorienne.
Inauguré en 1875, avec à l'époque 270 détenus, le pénitencier Garcia Moreno, le principal de Quito, a fermé en avril dernier, croulant sous le poids de plus de 4.000 prisonniers.

De luxueuses reconversions

«Imaginez comme c'est beau : (passer) d'une prison à un hôtel», s'est félicité le président Rafael Correa, à l'initiative de ce projet qui a déjà connu des précédents dans le continent américain. A Montevideo, la capitale de l'Uruguay, une prison est devenue un centre commercial huppé et, dans la ville de Boston aux États-Unis, un hôtel prestigieux.

«L'hôtel le plus luxueux de Boston, c'est l'ancienne prison de la ville. Je ne le savais même pas quand j'ai proposé l'idée», a souligné le chef de l'État, un dirigeant socialiste qui a affiché comme l'un de ses combats la lutte contre la surpopulation carcérale.

Avant l'arrivée des touristes, les détenus de l'ex-pénitencier de Quito ont été transférés vers de modernes «centres de réhabilitation sociale».
Depuis la fermeture, le site, splendide bâtiment de l'époque républicaine, s'était transformé en un centre d'exposition photographique sur la rudesse des conditions carcérales. On pouvait aussi y visiter les cellules de moins de 8 mètres carrés, où s'entassaient jusqu'à dix personnes. Seul un narcotrafiquant avait réussi, moyennant quelques pots-de-vin, à changer sa cellule en chambre digne d'un hôtel cinq étoiles.

Préserver la mémoire

Alors que le gouvernement choisira dans les prochains mois l'entreprise chargée de la restauration de la prison, des voix s'élèvent pour conserver son histoire.
Pour l'architecte et historien, Alfonso Ortiz, cette initiative doit être «analysée en profondeur» afin de préserver la «mémoire» de cette enceinte. Il craint qu'une fois transformé en hôtel ce lieu, où furent prisonniers nombre d'intellectuels et d'hommes politiques, dont d'anciens présidents comme Lucio Gutierrez (2003-2005) ou encore Eloy Alfaro (1895-1901), «perde son essence».

Ce défenseur du patrimoine suggère au gouvernement de puiser son inspiration dans d'autres exemples connus en Amérique latine, comme la prison mexicaine de Lecumberri qui héberge les archives nationales, ou celle de Bogota, qui abrite le Musée national de Colombie.

D'autres habitants, pas forcément convaincus par la construction de l'hôtel, songent à des motifs plus économiques, à l'image de Gabriela Paez. Cette commerçante ressent déjà «la nostalgie de la prison» en raison des clients qu'elle drainait dans le quartier à l'occasion des visites, mais aussi pour «la sécurité» garantie par les policiers qui protégeaient les lieux.

Toutefois, hôtel ou non, les autorités soulignent que les jours du pénitencier étaient comptés. «La corruption, l'insalubrité, la surpopulation et la violence élevée l'ont condamné à son effondrement», a récemment justifié le ministère de la Justice.