Abengourou: Enfants ‘’possédés’’, bon débarras des parents dans les camps de prières

  • 15/11/2016
  • Source : Fraternite Matin
Abobo dans le District d’Abidjan, courant 2014. A la faveur d’une séance de prières, une jeune dame résidente, reçoit une nouvelle ahurissante. A.L., sa fille de 12 ans est, dit-on, sous l’emprise d’un esprit maléfique.

A en croire le guide religieux qui fait la révélation, la fille est si possédée par cet ‘’esprit démoniaque’’ qu’il est pratiquement impossible de la délivrer. La mère, désemparée, se rend plus tard, dans un camp de prières à Aniassué (22 km au sud d’Abengourou). Là, elle confie sa fille à un prophète, sans jamais revenir.

Dans cette localité, trois (3) camps de prières ont été installés. A côté ; on note aussi la présence d’autres camps, dans les sous-préfectures de Niablé, d’Abengourou et de Yakassé-Féyassé. A.L abandonnée par sa mère dans le camp de prière d’Anuassué, n’est malheureusement pas le seul cas isolé.
 

Bon débarras !

De nos investigations, il ressort que de nombreux enfants se retrouvent dans le même cas. Selon le prophète Elisée du camp ''Les larmes d’Ezéchias'' au nord d’Abengourou, c’est une trentaine d’enfants vulnérables laissés pour compte qui sont à sa charge. Non loin de Zinzénou (16 km au nord d’Abengourou, dans la sous-préfecture de Yakassé Féyassé), une quinzaine d’enfants ont été aussi délaissés dans d’autres lieux de prières.


Du côté d’Aniassué, treize (13) cas d’enfants dont l’âge varie entre 6 et 17 ans ont été signalés par le service des affaires sociales d’Abengourou. Le dénominateur commun de ces différents cas, c’est qu’il s’agit « de bon débarras ». Car pour la plupart, les enfants abonnés ont perdu leurs parents ou alors ils sont dépourvus de ressources. « Ces enfants se retrouvent abandonnés là, soit parce qu’on les accuse d’être sorciers, soit parce que les parents, démunis, veulent simplement leur trouver un refuge. Souvent aussi, lorsque les parents trouvent l’enfant trop turbulent et agaçants, ils viennent carrément les déposer », révèle une assistante sociale à la direction régionale de l’Indénié-Djuablin.


Un cas parmi tant d’autres, celui d’un enseignant en poste dans la sous-préfecture d’Aniassué. Après le décès de son épouse et en proie à des difficultés financières, cet éducateur a confié sa progéniture à un prêtre dans un camp de prières. Affecté dans le district d’Abidjan, l’enseignant a en définitive abandonné son enfant aux mains du prophète.


L’autre cas similaire, toujours dans la sous-préfecture d’Aniassué, est celui d’une veuve qui s’est retrouvée avec trois (3) enfants en bas-âge. Elle aussi confrontée à des problèmes financiers, elle les a laissés dans un lieu de prières pour se fondre dans la nature.


De sérieux problèmes de prise en charge

Dans ces camps, généralement excentrés, les enfants abandonnés sont pour la plupart des cas, confiés à des femmes qui y sont installées. Ces femmes qui souvent, totalisent plusieurs mois de présence, vivent dans des cases construites hâtivement et faites de matériaux de bricolage, en terre battue, de feuilles de palmes et de bâches noires.


Ces camps de fortune se présentent donc comme ceux des réfugiés. Improvisés dans l’urgence ! A l’évidence, la promiscuité qui règne ne garantit aucun confort. Ici, chacun a son problème. Au lever du jour, chaque famille (démunie dans la plupart des cas) lutte comme elle peut pour trouver son pain quotidien. Ici, on se débrouille pour manger ! Normal, puisque le prophète, souvent en voyage, ne peut prétendre assurer la pitance de ce beau monde.


Pourtant, des règles de fonctionnement rigoureuses sont bien établies. Les sorties sont contrôlées et les absences aux prières ne sont pas tolérées. « Une adolescente avait abandonnée, pour se nourrir, se rendait en ville pour faire le ménage dans des familles. Quand elle revenait, elle était ligotée et bastonnée. La raison, elle n’a pas eu d’autorisation. On estimait que c’est la présence d’un esprit en elle qui guidait son comportement. Finalement, on a du contacter sa mère à Taï pour venir la récupérer », révèle un habitant d’Aniassué.

En raison du manque de moyens, la prise en charge des enfants abandonnés est difficile. Sur treize cas recensés dans les camps de prière d’Aniassué, un seul est inscrit à l’école. Mais, à la suite de mille et une difficultés! Pourtant les guides religieux à la tête des centres ne manquent pas de volonté. Bosson N’Goran dit ‘’Prophète Elisée’’ du camp ‘’Les larmes d’Ezéchias’’ de Gbêkro (axe Abengourou-Agnibilékrou) confie: « Nous avons l’ambition de créer une école dans notre camp pour encadrer les enfants abandonnés. Malheureusement, les moyens manquent. Car, nous ne vivons que sur la base des offrandes. C’est pourquoi, nous lançons un appel à l’État et aux Ong pour nous soutenir ».


Des mesures urgentes

Pour la direction régionale de la famille, de la femme et de l’enfant de l’Indénié-Djuablin, il faut trouver des solutions conforment aux textes règlementaires. « A défaut de pouvoir retirer ces enfants de ces lieux pour les intégrer dans une structure spécialisée, il faut améliorer leur cadre de vie », a proposé une assistante sociale au Centre social d’Abengourou.


Par ailleurs, elle estime qu’il est nécessaire de sensibiliser davantage les parents car, a-t-elle expliqué, ces enfants abandonnés ne sont pas souvent acceptés quand ils retournent en famille. « Après un séjour dans un camp de prières, l’enfant qui retourne dans sa famille est souvent objet de méfiance », a-t-elle révélé.


Zéphirin NANGO