Transfèrement de Blé Goudé: mais enfin, que veut le FPI ?

  • 25/03/2014
  • Source : Le Pays
Avec le transfèrement de Blé Goudé à la CPI, « l’union sacrée » entre Ivoiriens a de nouveau volé en éclats. En effet, pour le Front populaire ivoirien (FPI), ce transfèrement est interprété comme un acte d’agression politique contre ses militants par le régime ADO.

Selon le FPI, il s’agit là, d’ « une entrave grave à la réconciliation nationale », quand l’actuelle direction de ce parti ne manque pas de mots pour dénoncer « la rupture du dialogue par le gouvernement d’Alassane Ouattara ». C’est à n’y rien comprendre. Que d’incohérences ! Le FPI devrait pourtant se réjouir de ce transfèrement, lui qui dénonçait naguère seulement les conditions de détention de l’ex-ministre de la rue.

L’amnésie ne guérira pas les blessures de la nation ivoirienne
 
Après avoir appelé au boycott du recensement initié par le pouvoir ivoirien, le FPI exige la libération immédiate de tous ses militants et dirigeants, à commencer par l’égérie de la crise post-électorale, Simone Gbagbo.

De même, les dirigeants du parti fondé par Laurent Gbagbo viennent de lancer un appel au boycott des auditions entreprises par la Commission dialogue, vérité et réconciliation (CDVR), pour écouter les victimes des multiples crises ivoiriennes, notamment celles de la crise post-électorale.
 
Comme on peut le voir, avec de tels discours et une telle stratégie politique, le FPI ne semble pas prêt à admettre même le plus léger remords au sujet de sa responsabilité politique lors de la crise post-électorale. Prêt à tout pour se débarrasser des faits déplaisants de cette crise, le FPI tente par tous les moyens de substituer l’oubli à la réconciliation.
 
A l’heure actuelle, le FPI reste enfermé dans un entêtement politique suicidaire, car pour ce parti, il n’y a rien d’ADO qui puisse mériter un oui. Et la parade quand ce parti est mis face à ses responsabilités, c’est de prendre les Ivoiriens à témoin, en martelant qu’ADO est inapte à réconcilier les Ivoiriens, quand il ne cesse de dénoncer une justice à deux vitesses.
 
Réduit à l’immobilité politique, utilisant un langage démagogique violent, la stratégie actuelle du FPI fait que ce parti ressemble de plus en plus à une secte religieuse dans laquelle toute référence à la vérité, à la justice, à la tolérance, est suspecte.
 
Pourtant, avec la crise post-électorale, le FPI a abusé du pouvoir dans une mesure ouvertement criminelle. Toutes ces victimes de la crise post-électorale ont-elles été tuées pour rien ? Et, au nom de quoi ce passé criminel du FPI est-il condamné à être oublié comme s’il n’avait jamais existé ?
 
Une chose est sûre et certaine, le FPI devra bel et bien adopter, un jour, ce nouvel impératif catégorique : l’amnésie ne guérira pas les blessures de la nation ivoirienne, mais la justice, qu’elle soit nationale ou internationale. Car qu’on le veuille ou non, la Côte d’Ivoire reste encore, à l’heure actuelle, ce fleuve de douleurs dans lequel des crimes monstrueux n’ont pas encore été véritablement punis. Dès lors, ADO ne peut ignorer la souffrance silencieuse, digne et invisible des familles des victimes.
 
Evidemment, en choisissant la voie de la réconciliation, et en dépit de tant de « prophéties » pessimistes, ADO n’a-t-il pas le droit de s’en féliciter ? Car la réconciliation est en marche au sein de la société ivoirienne, c’est-à-dire que les Ivoiriens ont retrouvé entre eux la joie de vivre et le goût de la fraternisation.

Le FPI se perd dans une vaine agitation politique
 
Mais c’est sur le terrain politique que se pose vraiment la question de la réconciliation. Ainsi, elle se réduit à un bras de fer entre le RHDP et le FPI.
Dans le camp des partisans du régime ADO, certains n’hésitent plus à dénoncer, face au jusqu’au-boutisme du FPI, la légèreté politique avec laquelle des dirigeants importants de ce parti ont été libérés de manière provisoire. Car, disent-ils, ce parti ne renoncera jamais à sa culture politique bâtie autour de la rue et de la violence.
 
Pourtant, il lui faudra bien emprunter le chemin difficile de la vérité, de la justice et enfin de la réconciliation. Et, pour se réconcilier, il faut dialoguer. Or, en refusant tout dialogue avec le pouvoir ADO, on ne peut manquer de se demander : mais enfin, que veut le FPI ?
 
En vérité, ce parti a raté la phase de sa révolution générationnelle. De surcroît, ses dirigeants actuels ont du mal à comprendre qu’un véritable parti démocratique doit survivre à son fondateur. Or, le FPI ne semble pas chercher à faire le deuil politique de son fondateur, en se refondant sérieusement, et conformément à son idéal.
 
Bien sûr, la Côte d’Ivoire est condamnée à ouvrir un nouveau chapitre de son histoire. Et la prochaine élection présidentielle est déjà à ses portes.
Décidément, face à un tel enjeu politique majeur, quelle sera la stratégie du FPI ?
 
Les mois à venir nous éclaireront. Mais en attendant, à force de tout refuser, le FPI continuera à végéter dans la pénombre politique.
Quant à Blé Goudé, à l’heure actuelle, il doit éprouver la solitude existentielle d’un homme face à ses présumés crimes contre l’humanité. Face à un tel sort, on peut, en vérité, dire que le FPI se perd dans une vaine agitation politique.