Situation politique, Présidentielle 2020: Tiken Jah prend un engagement pour Gbagbo

  • 18/05/2019
  • Source : Soir Info
L'artiste ivoirien Tiken Jah Fakoly était « le Rédacteur en chef » de la Radio France internationale (Rfi) durant toute la journée du mercredi 16 mai 2019.

Sur « la radio du monde », il a abordé plusieurs sujets d'intérêt, liés au réchauffement climatique et à la question du maintien au pouvoir de certains présidents africains.

Pour ce qui concerne la Côte d'Ivoire, son pays, la star du Reggae a marqué son inquiétude face à la danse des doyens de la classe politique. « J'aurais souhaité que 2010 soit derrière nous. Malheureusement, 2020, je pense que les Ivoiriens sont inquiets. Moi, je pense que les choses vont bien se passer si le président Alassane Ouattara, le président Henri Konan Bédié, le président Laurent Gbagbo décident d'aller à la retraite. Et de nous organiser des élections libres et transparentes », a-t-il affirmé sur Rfi, hier matin. Pour lui, ces leaders, qui ont fait leur temps, ont « le droit d'avoir des poulains qu'on peut pousser dans le dos ou ouvertement ». « Mais je crois que si c'est trois-là prennent cette décision, d'ailleurs nous, on leur promet un grand concert au stade Félix Houphouët-Boigny pour leur rendre hommage. Je crois qu'il n'y a que comme ça qu'on pourra éviter les mêmes scénarios », a indiqué Tiken Jah dont le dernier album est sur le marché dès ce vendredi 17 mai.

« Si Gbagbo décide d'aller à la retraite, il a le droit à la retraite en Côte d'Ivoire. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée qu'il rentre aujourd’hui et qu'il retombe dans l'arène politique », a-t-il soutenu, interrogé sur l'opportunité d'un retour ou non de l'ancien président ivoirien dans son pays, après son acquittement, le 15 janvier 2019, et sa libération sous conditions, le 1er février dernier, par la Chambre de première instance 1 de la Cour pénale internationale (Cpi).

Par ailleurs, Tiken Jah Fakoly a regretté que des présidents africains continuent de manœuvrer pour s'éterniser au pouvoir. Il a salué les peuples algériens et soudanais qui ont eu raison de leurs dirigeants qui voulaient se maintenir au pouvoir. « J'ai beaucoup aimé comment ils ont conduit ces manifestations. L'Algérie, il n'y a pratiquement pas de casses. Ils ont manifesté, ils avaient un objectif et maintenant, ils sont en train d'atteindre cet objectif, puisqu'ils ont réussi à faire démissionner Boutéflika qui paraissait indéboulonnable. Le Soudan aussi, aujourd’hui, ce qu'on constate, c'est qu'ils sont en train de démontrer que c'est le peuple qui a le pouvoir. Parce que les dirigeants africains ont fait croire que c'est eux qui ont le pouvoir. Et ce qui est en marche, aujourd’hui, dans ces deux pays, c'est une démonstration de force du peuple », s'est-il réjoui.

Appel à la résistance

Avant de recommander : « je pense que si le peuple se met au-dessus des religions, des ethnies, des histoires de régions, des histoires de parents, et que le peuple décide de se mettre ensemble pour défendre l'intérêt commun, partout, ça peut passer. Je pense que si le peuple continue de résister, si le peuple est ensemble, l'armée est obligée de le soutenir, puisque dans ce peuple, il y a la famille, les parents, des proches. Je pense que le plus important, c'est de résister… et tout faire pour atteindre son objectif ».

À l'écouter, les dirigeants africains « font des calculs politiques, ils sont encouragés par leurs proches, par ce que j'appelle les branches et les fruits qui s'inquiètent… C'est dommage ! Quand on reste dans le temps, ça finit toujours mal. Je pense que c'est aux présidents de prendre la décision de laisser tomber l'histoire… ». Tiken Jah a appelé au changement de mentalité des peuples africains. Pour lui, les peuples doivent s'assumer et prendre leurs responsabilités, face au « manque de respect » des dirigeants. « Mais il y a un manque de respect pour les populations. Les dirigeants savent qu'ils ont affaire à des populations qui sont, pour la majorité, analphabètes. Les capitales réagissent souvent, mais tout le monde sait que dans les campagnes, comment expliquer à une personne que le président qui vient de sa région ne fait pas l'unanimité, ne fait pas l'affaire du peuple ? Il faut qu'il parte ? Et c'est un peu compliqué. C'est un gros problème et les dirigeants le savent. Ils savent qu'ils ont affaire à des populations qui peuvent voter pour un tee-shirt, qui peuvent voter pour 1000 F Cfa. Maintenant, c'est au peuple de réagir. Ce que les Algériens sont en train de faire, ce que les Soudanais sont en train de faire, c'est la bonne manière pour faire reculer ces dirigeants », a martelé l'invité de Juan Gomez dans l'émission « Appels sur l'actualité ».

Il a estimé que tous ceux qui font planer des doutes sur leurs départs du pouvoir, préparent forcément des choses. « Tous ceux qui font planer le doute, ont d'autres intentions parce que le président Issouffou du Niger a été clair et net. Tout le monde sait aujourd’hui qu'il ne va pas se présenter. Moi, je le dis, et je l'ai dit au président Alpha Condé, que ce n'est pas une bonne idée, que les troisièmes mandats ne passeront pas en Afrique de l'ouest parce que la jeunesse s'est réveillée… Pour quelqu'un qui a lutté pour la démocratie, ce serait dommage de sortir par la petite porte », a asséné l'artiste chanteur, accusant les oppositions de ne pas prendre leurs responsabilités. Selon lui, il faut cesser de boycotter les élections, éviter la politique de la chaise vide. « Je pense que c'est un problème de génération aujourd’hui. Notre génération ne veut pas de 3e mandat. Il faut que ceux qui sont au pouvoir le sachent… », a mis en garde Tiken Jah, soulignant qu'il faut un « front des populations » dans certains pays.

L'artiste, invité spécial de la radio française, s'est prononcé aussi sur le réchauffement climatique. Son nouvel album, intitulé « Le monde est chaud », en parle largement.

Hervé KPODION