Sécurité et defense : les dozo, un os dans la gorge du pouvoir

  • 27/09/2013
  • Source : L'Inter
Le pouvoir en place doit être bien embarrassé. Aujourd'hui, il fait face à la menace des dozo, chasseurs traditionnels, qui n'apprécient pas le ton du discours du ministre de la Défense, Paul Koffi Koffi à leur endroit.

 En effet, face à la recrudescence des attaques, notamment dans la région de Yamoussoukro, la capitale politique de Côte d'Ivoire, attaques attribuées aux dozo, le ministre Koffi Koffi a cru bon de monter au créneau pour interpeller ceux-ci. A Toumodi où il était le mardi 23 septembre 2013, il a mis en garde tous ceux qui tirent sur les forces de sécurité, en l'occurrence les dozo : « il y a des gens qui se promènent en armes et qui les utilisent contre les forces légales. Nous ne sommes pas dans la jungle, à l'ère des animaux.

Nous n'allons plus accepter et tolérer cela. Nous ne voulons plus avoir en face, des dozo ». Ces propos du ministre de la Défense traduisent le ras-le-bol des autorités ivoiriennes face aux comportements des chasseurs traditionnels. Mais en même temps, ces comportements mettent mal à l'aise le pouvoir qui a bénéficié du soutien important de ces chasseurs traditionnels qui sont réputés pour avoir des pouvoirs surnaturels. Ils ont, en effet, combattu pendant la crise post-électorale, aux côtés des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI), contre les forces restées fidèles à l'ancien président, Laurent Gbagbo.

On leur attribue même la victoire sur les forces libériennes à Yopougon, après l'arrestation du prédécesseur du président Ouattara. On les voit également jouer le rôle d'agents de sécurité dans certaines localités et se distinguer par des arrestations de bandits de grand chemin, là où quelquefois les forces régulières n'y parviennent pas.

Bref, ces dozo, dont la présence est décriée par une partie de la population, participent, pour ainsi dire, à la sécurisation du territoire national. Seulement voilà ! Depuis quelque temps, il leur est reproché d'en faire un peu trop. Trop même ! En tirant sur les forces de l'ordre, ils se retournent contre l’État, donc contre celui qui l'incarne, Alassane Ouattara. Que faire ? Faut-il les chasser, au risque de les avoir comme ennemis ? Faut-il négocier avec eux et être perçu comme complice des actes délictueux dont-ils se rendent coupables ? Voici le dilemme dans lequel se trouve l’État. Apparemment, les autorités ivoiriennes veulent opter pour la première solution, c'est-à-dire chasser les chasseurs traditionnels. Or, le faisant, il n'ignore pas les conséquences.

En effet, impatients d'être pris en compte par les différents programmes de réinsertion, des ex-combattants, ayant pourtant combattu aux côtés des FRCI pendant la crise post-électorale, se sont érigés, pour certains, en coupeurs de route, menaçant chaque jour la vie des usagers des routes ivoiriennes. Alors qu'il tente de trouver une solution à ce fléau, l’État ne peut prendre le risque de se mettre les dozo à dozos sur son dos.

D'ailleurs, voyant le tsunami qui se prépare contre eux, les chasseurs traditionnels ont réagi aux propos du ministre de la Défense. « (…) Cependant, je voudrais rappeler que le ministre est allé un peu trop vite en ce qui concerne notre éventuel retour à la vie civile. Parce que des gens qui ont fait la guerre, on ne les chasse pas comme ça. (…) Je pense que nous savons que nous sommes des chasseurs, mais il faut pouvoir les amadouer un peu, surtout que les dozo ont un statut. La question de sécurité n'est pas seulement théorique, mais pratique et même au-delà.

Les dozo ont fait leurs preuves dans ce sens », a réagi Diabaté Lamoussa, de la confrérie des dozo de Côte d'Ivoire (CODOCI). Message on ne peut plus clair en direction du pouvoir, qui voit ces dozo devenir ainsi un os dans sa gorge. Il urge pour l’État de trouver la solution idoine pour éviter un clash avec ces chasseurs traditionnels qui pourraient constituer une menace.

Y.DOUMBIA