Prêts usuraires ou margouillats : La gangrène des travailleurs (2)

  • 30/08/2016
  • Source : Lebabi.net
Deuxième épisode de notre dossier sur les Prêts usuraires ou margouillats

 Les motivations des débiteurs 
Mais quel problème peut pousser des travailleurs de l’administration publique et privée à embrasser cette voie ? 
« Entrepreneur en bâtiment, j’ai gagné 6.000.000Fcfa à la loterie nationale. Alors, je décide de diversifier mes activités en invertissant dans la vente des bouteilles de gaz domestique et charbon. Devant le succès de mes affaires. J’ai voulu recapitaliser mon chiffre d’affaire, et c’est ainsi qu’un ami m’a introduit dans le milieu des margouillats  qui acceptent de me prêter la somme de 2.000.000Fcfa, avec un taux de 100% », déclare KS. Et d’indiquer en outre que ses magasins de vente de bouteilles de gaz et de charbons dans le contrat étaient la garantie. 
 
Quant à BK, ce sont les problèmes familiaux qui l’ont amené dans les bras des usuriers. « Instituteur, j’étais dans un village de l’ouest montagneux de la côte d’ivoire où ma famille et moi, menions une vie paisible. Un matin, mon épouse me propose de solliciter une affectation pour la ville. Sous prétexte qu’elle est fatiguée de la vie  rurale. Ce que je fis pour lui faire  plaisir je choisis une ville proche de Yamoussoukro. Dès mon arrivée, je deviens automatiquement le tuteur de plusieurs enfants de ma famille fréquentant le collège. N’étant plus en mesure de satisfaire convenablement aux besoins élémentaires de ma famille, je sollicite un prêt 1.000.000 Fcfa auprès des margouillats de la ville pour arrondir les angles », affirme –t-il.  
 
Mme Kouman se souvient que son oncle, un instituteur, a atterri dans les bras des margouillats après avoir été victime d’un vol. En effet, parti chercher son rappel de salaires, il, se fait chiper l’argent par des voleurs dans un véhicule, que dire à sa femme et à son entourage qui attendaient patiemment pour fêter l’événement,  face à cette honte, il fallait faire preuve d’imagination pour garder son honneur sauf devant les siens. Et là, la  solution était la voie des margouillats. 
 
Une raison autre que celle qui a poussé A.Y dans l’univers infernal des usuriers. « Quand ma génitrice a quitté le monde des vivants, il fallait organiser les funérailles et accompagner à sa dernière demeure avec beaucoup de dignité. En tant qu’ainé de la famille et de surcroit seul fonctionnaire, toutes les dépenses étaient à ma charge. Or ma banque me prélevait déjà pour un prêt contracté. Donc je ne pouvais plus solliciter son concours. La seule alternative, était les usuriers pour compléter mon argent pour les funérailles. Et c’est comme ça pour la première fois, j’ai eu recours à ces margouillats pour résoudre mon problème », avoue A.Y.     
 
    Les « margouillats » peuvent accepter d’accorder toute sorte de crédit à leur client. Mais au préalable, des critères sont à définir.
 
Les critères d’accès au crédit
 
YO, est un margouillat, et il reconnaît les difficultés que rencontrent les travailleurs qui les sollicitent pour des prêts. «  Ces derniers temps au niveau de notre corporation, nous avons remarqué un fort taux de maladies et de mortalité des personnes qui recourent à nos services ». Et de rectifier rapidement que ce n’est pas la faute aux margouillats. 
 
En ce sens qu’ils ne forcent pas la main à ces derniers à venir s’endetter auprès d’eux. « Nos conditions sont sues de tout le monde. Il suffit pour celui qui vient nous voir d’observer ces conditions qui consistent à avoir un chéquier, une carte magnétique,  un bulletin de solde,  la photocopie d’une  carte d’identité et certains papiers relatifs au compte du client compte. A défaut, posséder un bien matériel ou immobilier (voiture ou maison) susceptible de garantir nos intérêts au cas où le client se montre insolvable », précise-t-il.
 
Pour ce qui concerne les margouillats, à contrario des clients, jamais ils ne  sont pas perdants. Et ce, parce que le taux usuraire, pour la plupart d’entre eux qui se chiffre à 100%, est révélateur en la matière. Autrement dit, dans 90% des cas, les usuriers y sortent toujours gagnants.
 
 C’est le cas de DZ, usurier de profession qui, aujourd’hui, se la coule douce dans commune d’Abidjan. Venu de son Mali natal tout démuni, son activisme dans ce milieu de margouillats et l’aide de ses amis marabouts, dont le rôle est d’envoûter certains clients à revenus alléchants, lui ont permis d’être cités parmi les plus nantis de la cité. 
 
Car, ce dernier revendique plusieurs maisons et voitures à son actif. Et aujourd’hui, ses tentacules s’étendent malheureusement au monde agricole. Si  DZ,  peut se targuer d’être parvenu à ses fins dans cet univers obscur des usuriers, ce n’est pas le cas de SY, qui dénonce la mauvaise foi de ses clients, surtout certains fonctionnaires.
 
Selon lui, beaucoup de ces travailleurs viennent vers eux quand ils savent qu’ils ne peuvent plus compter sur l’établissement bancaire qui gère leur compte. Souvent, les prêts contractés ne lui permettent pas de respecter l’échéance. 
 
Dans la mesure où lui n’est qu’un simple démarcheur (intermédiaire) entre  ce qu’ils appellent, les agents à capacité de financement(ACP) et les agents à besoin de financement (ABF). Autrement dit certains margouillats bénéficient des fonds de certaines personnes cossues. 
 
Et certaines indiscrétions font état de ce que des personnalités de toutes les couches socioprofessionnelles seraient les bailleurs de fonds et même  sein de chaque banque et des structures de finance, il existe des personnes spécialisées dans cette opération. C’est une sorte d’entreprise parallèle dans les banques et les structures de finances pour recueillir des intérêts. 
 
D’où l’intransigeance des margouillats  vis-à-vis des clients. Parce qu’ils doivent, à leur tour, être solvables auprès de celles-ci,  afin de toujours espérer bénéficier de leur concours. Force est de reconnaître que parfois les margouillats font preuve de mauvaise foi, en usant de stratagèmes pour continuer à soutirer de l’argent au client, alors que celui-ci a fini d’honorer son engagement.
 
La suite mardi prochain