Point de presse d'Affi N'guessan relatif à l'ouverture du procès de 89 pro-Gbagbo

  • 21/10/2014
  • Source : Partis Politiques
Le point de presse de ce jour est consacré à l’ouverture du procès en cour d’assisses Ministère public contre le Premier ministre Aké N’Gbo et quatre-vingt-neuf (89) autres militants du Front Populaire Ivoirien et Pro-Gbagbo, dont Pascal Affi N’Guessan, Sangaré Abou Drahamane et Simone Ehivet Gbagbo, président, 1er Vice-président et 2ème vice-présidente du Fpi, les ministres Danielle Boni-Claverie, présidente de l’URD ; Professeur Georges Armand Ouégnin ; Jean-Jacques Béchio, président du Parti pour la Côte d’Ivoire ; le gouverneur Henri Philippe Dacoury-Tabley ; Geneviève Bro-Grebé, présidente des femmes patriotes de Côte d’Ivoire, etc.

Sur cette liste, figurent également des citoyens ordinaires, simples employés ou agents de l’administration, des amis du Président Laurent GBAGBO qui ont eu le malheur de se retrouver au mauvais endroit, au mauvais moment, et un jeune enseignant d’Université dont le tort est d’être le fils ainé du Président Laurent GBAGBO.
 
Sur les 89 accusés, ce sont 83 personnes qui comparaîtront. Au terme de l’instruction, 05 personnes ont bénéficié d’un non-lieu et, comme vous le savez, notre camarade, notre frère, le syndicaliste Manhan Gahé Basile qui était en prison avec nous, et qui figurait sur cette liste, est mort des suites de sa longue et douloureuse détention. Il ne sera pas avec nous à la barre pour prouver lui-même son innocence dont nous autres nous sommes convaincus.

Nous devons rendre hommage à sa vie et à son combat pour les droits sociaux et les libertés politiques en Côte d’Ivoire. Il sera toujours présent dans nos cœurs et dans nos esprits, particulièrement durant ce procès qui s’ouvre.
 
C’est aussi dans un contexte de deuil que se tient ce point de presse avec la disparition brutale de la mère du Président Laurent Gbagbo, Gado Margueritte qui nous a quittés ce mercredi 15 octobre 2014, sur le chemin de son retour d’exil, alors qu’elle était en route pour rejoindre sa terre natale ; pour retrouver les siens qu’elle avait dû quitter pour échapper à la mort après l’arrestation de son fils, le 11 avril 2011.

Pour le Président Laurent Gbagbo lui-même, pour le Front Populaire Ivoirien et ses militants, pour tous ceux qui portent le Président Laurent Gbagbo dans leurs cœur, et ils sont des millions en Côte d’Ivoire, en Afrique et à travers le monde, le décès de sa mère, alors qu’il est toujours en détention loin de son pays, est un moment de douleur et de peine. Je voudrais donc que nous nous levions pour observer une minute de silence à la mémoire de cette grande Dame qui a donné un Chef d’Etat à la Côte d’Ivoire, et associer à cet hommage, notre camarade Mahan Gahé Basile.
 
D’après le courrier adressé à leurs avocats par le Procureur Général près la Cour d’Appel d’Abidjan, ce procès se tient conformément à l’Arrêt n-144 du 10/07/2013 de mise en accusation et de renvoi devant la cour d’assises, rendu par la Chambre d’accusation de la Cour d’Appel le 10 juillet 2013.
 
Les infractions retenues contre ces personnalités sont, entre autres : Atteinte à la défense nationale, attentat ou complot contre l’autorité de l’État, constitution de bandes armées, direction ou participation à un mouvement insurrectionnel, trouble à l’ordre public, rébellion, coalition de fonctionnaires, usurpation de fonction, tribalisme et xénophobie.
 
Il faut le dire tout net : ce procès est un procès politique. La qualité des personnalités concernées, le choix de la Cour d’Assises pour les juger et le contexte de ce procès le montrent.
 
Avec ce procès, nous sommes dans la troisième phase de la crise postélectorale. La première phase a été la phase militaire. Elle visait à installer Monsieur Ouattara au pouvoir par les armes. Cette phase a vu l’arrestation du Président Laurent Gbagbo à la résidence officielle du Chef de l’Etat bombardé durant dix jours, suivie de sa déportation, d’abord dans le Nord du pays puis à la prison de La Haye.
 
Nous avons assisté ensuite à la seconde phase, que l’on peut appeler la phase institutionnelle. Elle a consisté à chasser les pro-Gbagbo de toutes les institutions de l’Etat, en les excluant notamment du processus électoral et en mettant en œuvre une politique d’épuration dans l’administration, à travers le concept de « rattrapage ethnique ».
 
Nous voici à présent, dans la troisième phase, la phase judiciaire. Elle est destinée à priver les pro-Gbagbo de leurs droits politiques à travers une véritable persécution judiciaire, comme l’a titré ce matin l’un de vos Confrères.

C’est une illustration de plus de la justice des vainqueurs à l’œuvre en Côte d’Ivoire et à La Haye depuis le 11 avril 2011. Le régime Ouattara veut faire passer les victimes pour des bourreaux pour se donner une légitimité. Ce procès en assises est le pendant national du procès du Président Laurent Gbagbo à la CPI.
 
Les personnalités concernées par ce procès sont, en effet, toutes d’anciens collaborateurs du Président Laurent Gbagbo et des citoyens qui subissent un harcèlement juridique, depuis bientôt quatre ans, pour leurs choix politiques lors de la crise postélectorale de 2010-2011. Il s’agit, en réalité, d’écarter des adversaires politiques par des artifices juridiques.

D’où la présence, sur la liste des personnalités à comparaître, des trois premiers responsables du FPI, le principal parti de l’opposition, de la présidente de l’URD et du président du P.P.C.I, deux partis et un mouvement en alliance avec le FPI.
 
En choisissant, par ailleurs, de les juger en cour d’assises, le régime Ouattara veut les faire passer pour de grands criminels afin de les priver de tout droit politique, espérant ainsi pouvoir se retrouver sans une opposition significative en face de lui.
 
Qu’est-ce en effet qu’un procès d’assises ? A la différence des autres tribunaux, la Cour d’assises est composée de trois juges et de citoyens tirés au sort. Elle juge les personnes accusées de crimes, de tentatives et de complicité de crime : meurtre, viol, vol à main armée, bref, elle juge les bandits de grands chemins et les grands criminels ; les personnes dont les infractions sont passibles de 10 ans d’emprisonnement voire de la prison à vie.

Voilà l’idée que le régime Ouattara a de ses opposants politiques. Et comme dans le cas d’espèce les accusations portées n’ont aucun fondement, le régime veut arriver malgré tout à ses fins à travers un jury exclusivement composé des membres d’une même ethnie, celle du Chef de l’Etat, dans un pays multiethnique.
 
En engageant ce procès maintenant, le régime Ouattara veut enfin décapiter et museler l’opposition à l’approche des échéances électorales de 2015 et, au-delà de ces élections, il veut faire reculer la Côte d’Ivoire au temps du parti unique. Estimant qu’il a d’ores et déjà « neutralisé » les autres partis membres du Rhdp (la coalition au pouvoir) au profit de son parti, le Rdr, il entend à présent parachever son œuvre de fragilisation du Fpi et de toute l’opposition.
 
Je voudrais tout d’abord, au nom de tous les co-accusés et en mon nom personnel, en appeler à la grande responsabilité des magistrats chargés de ce procès et, au-delà, de tout le corps judiciaire en Côte d’Ivoire dans cette phase cruciale de l’histoire de notre pays.

La justice est le pilier principal de la paix dans un pays. C’est pourquoi, l’opinion nationale et internationale attend de la justice qu’elle dise le droit, rien que le droit. Nous comptons sur les magistrats pour soustraire la justice ivoirienne de toute instrumentalisation politique et faire progresser la liberté, la justice et la démocratie dans notre pays.
 
Je voudrais exprimer toute notre gratitude aux avocats qui œuvrent, depuis 2011, avec abnégation, un sens du devoir et une conscience professionnelle sans faille, à la défense de ceux que l’on persécute par la justice et à la manifestation de la vérité.
 
Aujourd’hui, le noble combat qu’ils mènent leur cause d’énormes préjudices. Qu’ils soient assurés, qu’au-delà des personnes qu’ils assistent, c’est l’histoire de la Côte d’Ivoire qu’ils contribuent à écrire.
 
Mais au-delà de ces considérations, une question se pose : ce procès est-il nécessaire ? En quoi contribue t-il à la normalisation, à la paix et à la réconciliation nationale ? Comment le gouvernement peut-il dire, à l’issue du dernier conseil des ministres, qu’il continue de tendre la main à l’opposition et ouvrir en même temps les portes des prisons pour y conduire les opposants et les enfermer à perpétuité ?
 
Je continue de dire qu’il n’y a pas de solutions pénales à une crise politique et qu’il faut engager, ici et maintenant, un processus de justice transitionnelle, à travers les Etats Généraux de la République.
 
En tout état de cause, l’impérieuse nécessité de la réconciliation nationale, qui passe par la libération du Président Laurent Gbagbo et son retour en Côte d’Ivoire, disqualifie la tenue de ce procès. En refusant d’entendre la voix de la sagesse et en persistant dans la voie de la crispation et de la répression, à travers l’ouverture de ce procès en assises, le pouvoir a choisi la fuite en avant.
 
Le FPI et les démocrates de Côte d’Ivoire ne se déroberont pas comme en 1992, lors du procès des événements du 18 février, comme chaque fois que ses cadres et ses militants ont été trainés devant les tribunaux pour leur opinions et leurs convictions, nous relèveront encore une fois le défi du droit et de la vérité.
Nous avons le droit avec nous. Et le droit triomphera. C’est notre espérance.
 
C’est pourquoi nous appelons à la mobilisation de tous les militants du FPI, de tous les démocrates en Côte d’Ivoire et à travers le monde de faire en sorte que ce procès soit celui de la démocratie, de la souveraineté et de la dignité humaine.
 
Je vous remercie.