Médicaments buvables : attention aux erreurs de dosage

  • 10/12/2013
  • Source : sante.lefigaro.fr
Il est risqué de doser un sirop avec la cuillère prévue pour un autre, ou de mal comprendre les graduations indiquées sur le dispositif de délivrance. L'ANSM lance une campagne pour limiter les erreurs.

Il est risqué de doser un sirop avec la cuillère prévue pour un autre, ou de mal comprendre les graduations indiquées sur le dispositif de délivrance. L'ANSM lance une campagne pour limiter les erreurs. Donner des médicaments aux enfants n'est pas toujours simple. Et nul n'est à l'abri d'une erreur de dosage, surtout lorsque pipettes et cuillères-mesure dansent la chamade dans l'armoire à pharmacie. «Ne vous mélangez pas les pipettes!», alerte donc l' Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) .

L'ANSM décompte 109 rapports d'erreurs d'administration de produits buvables entre 2005 et 2012, la plupart concernant des enfants de 2 à 11 ans et pour des médicaments donnés à domicile. Plus d'un tiers ont entraîné un effet indésirable, grave dans la moitié de ces cas.
Deux grandes sources d'erreurs sont identifiées. La plupart sont le fait de celui qui a donné le produit: il a utilisé pour doser un médicament le dispositif fourni avec un autre (73 % des erreurs humaines), a délivré X pipettes de liquide là où il en était prescrit X gouttes (7 %)… Mais dans près de 30 % des cas, les systèmes de délivrance sont montrés du doigt: la prescription diffère de la graduation indiquée (26 % des erreurs attribuées au système de délivrance), deux systèmes de graduation coexistent (21 %), le nom du produit n'est pas indiqué sur le système de délivrance (18 %), celui-ci est peu maniable ou ses graduations peu lisibles (16 %).

«C'est difficile pour les usagers de comprendre que la densité de deux produits n'est pas la même, donc que leurs dispositifs de délivrance ne sont pas interchangeables», concède Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens. Elle raconte ainsi ces parents qui rangent le sirop d'un côté et sa pipette ailleurs, puis finissent par doser l'ibuprofène avec la seringue prévue pour le doliprane… Exposant leur enfant à des risques de sous-dosage, ou à des surdosages avec leur cortège d'effets indésirables. «Il faut toujours conserver un médicament en y accrochant le dispositif qui est vendu avec», conseille donc Isabelle Adenot. Et ne pas hésiter à interroger son pharmacien. «Très souvent, les gens sont perdus dans leurs médicaments. Nous devons veiller à ce qu'ils aient bien compris la prescription, et leur montrer comment se servir du dispositif.»

L'Agence nationale de sécurité du médicament a donc édité une affichette qui, dans les cabinets médicaux ou les officines, rappellera aux usagers quelques règles clés: ne jamais utiliser pour un médicament un dispositif d'administration prévu pour un autre, toujours lire la notice et, en cas de doute, ne pas hésiter à interroger son pharmacien ou son médecin. Lesquels sont invités à s'assurer que le mode d'administration a bien été compris par le patient, quitte à lui montrer en détail comment il convient de donner le médicament. Par ailleurs, une réflexion est engagée pour sécuriser les dispositifs (pipettes, seringue orale, compte-gouttes, cuillère-mesure, gobelets…) fournis avec les médicaments. «Les signalements d'erreurs d'administration avaient déjà donné lieu, à notre demande, à des mesures correctives par les laboratoires», explique-t-on à l'ANSM. Des mesures ponctuelles, prises au fil des erreurs signalées. L'ANSM proposera donc bientôt une série de recommandations plus générales, à destination des industriels.

«Lorsqu'un industriel obtient une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour une solution buvable il y a dans tous les cas un système de délivrance fourni, qui a eu sa propre approbation», explique Catherine Lassale, directeur scientifique du Leem, qui regroupe les entreprises du médicament. Mais cela ne concerne que les nouvelles AMM, 15 % des 410 spécialités vendues sous forme de solution buvable en flacon multidoses n'ont donc pas encore de système de délivrance spécifique. Reste la petite cuillère: «5 millilitres», explique la présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens. Or rien n'oblige les fabricants de petites cuillères à respecter strictement ce volume…

Quand système de délivrance il y a, celui-ci n'est pas toujours d'une absolue simplicité d'usage. Lorsqu'est indiquée la quantité à prendre en fonction du poids du patient (on appelle cela une «dose-kilo»), tout va généralement bien, indique Isabelle Adenot. Pour un certain nombre de produits disponibles sans ordonnance (31 % des solutions buvables vendues en pharmacie), cela permet de «choisir» soi-même la dose adaptée. Mais parfois les choses se compliquent… La pharmacienne évoque ainsi une vitamine D destinée aux nourrissons ; sur la pipette, trois graduations: L, 1 et 2. Et la notice de préciser qu'il faut donner, «800 à 1000 UI/j soit une dose L à une dose n°1 par jour»… «Si je n'explique pas à mes clients, comment voulez-vous qu'ils comprennent?», s'interroge Isabelle Adenot.

Parmi les préconisations aux laboratoires que l'ANSM doit publier au premier semestre 2014, figurent donc la fourniture systématique de dispositif d'administration y compris pour les «vieux» médicaments, des graduations en cohérence avec la posologie usuelle, l'inscription du nom de la spécialité sur le dispositif d'administration… «Ce sont souvent des questions de bon sens», explique Catherine Lassale, du Leem. Mais selon elle, l'essentiel est que «le patient fasse plus attention. Ce que l'on constate, c'est que les dispositifs d'administration sont beaucoup plus répandus chez nous qu'aux États-Unis, où ils donnent encore beaucoup de médicaments à la petite cuillère. Et pourtant, leurs patients étant beaucoup mieux éduqués, il y a moins d'erreurs!».