Les Samedis de Biton : Mieux que Lamouchi ?

  • 30/11/2013
  • Source : L'Intelligent d'Abidjan
Dans son livre intitulé « Au propre et au figuré » Jacques Attali écrivait que ce qui change le moins chez l’homme, ce sont les questions qu’il se pose lui-même. Chacun doit pouvoir se rappeler les mots, chaque jour et chaque soir, de l’illustre écrivain français. A chaque fois qu’un entraineur ou un sélectionneur prend une équipe en main, ici ou dans le reste du monde, la lune de miel entre le public et lui ne dure pas très longtemps, ici ou ailleurs dans le monde.

 Il suffit de ressortir les articles consacrés à chaque sélectionneur ou entraineur dans ce pays ou ailleurs. Le peuple a une tendance très forte à l’oubli. Il ne vit qu’au présent. Le passé n’existe pas. Encore moins l’avenir. Il veut tout, ici et maintenant. Et pire, tout pour lui seul. Il est souvent mal dans sa peau et ne trouve un semblant de bonheur que dans la critique systématique des autres, et surtout de ceux qui font l’actualité. Les hommes politiques, c’est en leur honneur, sont vaccinés contre la critique acerbe.

D’ailleurs, le vrai politicien, c’est celui qui ne se laisse pas abattre par les cris d’indignation du peuple et qui fait son travail selon le programme pour lequel il a été élu. Il sait qu’il a des échéances électorales pour être jugé objectivement. Un jeune sélectionneur n’a pas ce choix. On ne le juge pas forcément aux résultats. On veut sa tête et rien que sa tête. Pour un seul match il sera la cible de la vindicte populaire. Le peuple ne s’intéresse pas au passé. Je l’ai écrit plus haut. Le politique écoute toujours la grogne de la population.

C’est pourquoi dans tous les pays du monde un remaniement ministériel est la plus grande joie de l’année. Voir partir des têtes c’est le plaisir du peuple. La guillotine sera le spectacle préféré d’un peuple qui se croit malheureux. Le pauvre Lamouchi. Il ira tôt ou tard. Le pouvoir n’a pas le choix. Mais la question que chacun doit se poser dans ce débat est celle de savoir s’il fait mieux que Lamouchi ? Le Christ disait : « Hypocrite, ôte d’abord la poutre de ton œil, et alors tu verras clair pour ôte la paille de l’œil de son frère. » Le mécanicien qui trouve Lamouchi incompétent, peut-il nous dire que ses clients sont contents de lui ? Combien de fois n’a-t-il pas eu maille avec les propriétaires des voitures ? Combien de fois n’a-t-il pas menti sur les achats des pièces ?

L’instituteur qu’on entend, tous les soirs, dans les maquis, vociférer sur le sélectionneur peut nous sortir les résultats de ses élèves ? Un entraineur ce n’est pas seulement sur un terrain de sport mais aussi et surtout dans la classe. Il faut se regarder, chaque matin, dans le miroir et se dire combien d’enfants, d’élèves, a-t-il réussi à qualifier pour les examens ? A voir les résultats des examens dans le pays, on doit se poser la question de savoir si on fait mieux que Lamouchi. Surtout ne pas dire que ce sont les enfants qui ne travaillent pas.

Un entraineur peut répliquer aussi en affirmant que ce sont ses joueurs qui ne marquent pas. Le fonctionnaire qui s’acharne sur Lamouchi peut-il nous monter sa fiche d’évaluation ? Végéter au même poste depuis des années est l’illustration parfaite qu’on ne mérite pas mieux que Lamouchi. Tout travailleur brillant ne tardera pas à obtenir une récompense. Toute injustice ne durera pas longtemps devant la compétence. On ne cache pas les résultats. La propriétaire du salon de coiffure qui dit que le sélectionneur est un vaurien peut-elle nous dire, pourquoi elle se plaint, constamment, que son salon ne marche pas ? N’est-ce pas son incompétence qui fait que son salon n’attire pas la clientèle ?

Pourquoi un magasin marche et chez l’autre ça ne marche pas ? La clientèle c’est reconnaitre le bon produit. Si on ne vend pas, inutile de s’en prendre aux autres. Vous manquez tout simplement de formation et de compétence. Il n’est jamais trop tard pour faire mieux que Lamouchi, un incompétent qui nous qualifie pour la coupe du monde. « Ne jugez pas, afin de ne pas être jugés, car, du jugement dont vous jugez on vous jugera, et de la mesure dont vous mesurez on vous mesurera. Qu’as-tu à regarder la paille qui est dans l’œil de ton frère ?

Et la poutre qui est dans ton œil à toi tu ne la remarques pas ! » A quand le prochain sélectionneur pour le livrer, tôt ou tard, à la vindicte populaire ? Dans un pays où on compte près de vingt millions de « sélectionneurs », il est évident que le nouveau se fera étaler comme les autres par le public. C’est dans l’ordre des choses. Une position enviable ou confortable est visée par des « bales » de mauvais chasseurs.

Désormais chacun doit montrer, dans son travail, qu’il est plus compétent que Lamouchi. Et c’est le pays qui en sortira grandi. Imaginons que chacun juge sa performance, et constate qu’il fait mieux que Lamouchi dans son travail, alors on n’attendra pas 2020 pour l’émergence mais 2015. Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.
 
Par Isaïe Biton Koulibaly