Le succès de DJ Arafat s’explique par "la reconnaissance" de la jeunesse dans son style, décrypte un critique

  • 20/08/2014
  • Source : AIP
Abidjan - Professeur de littérature, écrivain, journaliste, critique littéraire, Macaire Etty estime que le succès de l’artiste DJ Arafat est le fait de "la reconnaissance de la jeunesse en sa révolte contre l’ordre établi".

Dans un article publié par "100 pour 100 culture", un site dédié à l’art africain, l’auteur affirme qu’"en sortant des canons traditionnels de façon déchaînée, Arafat crée un art qui plaît à la rue, à la jeunesse qui, désaxée et désorientée par un avenir incertain, est en quête de repère et de boussole dans un univers tourmenté et renversé".
 
Arafat incarne en cela, "leur soif de désordre, de révolte, de chamboulement en vue d’un nouvel ordre. Avec lui, ils ont retrouvé un messie capable de les conduire au bout de leurs colères".
 
Ainsi, sa musique serait, en fin de compte, "une sublimation de ses irritations et fureurs qui ne sont rien d’autres que celles de tous les jeunes qui se reconnaissent en lui".
 
Mais aussi, l’auteur estime que sa naissance dans une famille d’artistes dont la génitrice, Tina Glamour, "peu commode", au style sensuel et romantique, lui a imprimé "depuis son jeune âge, ce caractère amplifié par une presse avide de sensations’’.
 
"La violence de son art n’est qu’une tentative désespérée de transcender cette "honte", un exutoire pour se délester de ses "démons". Ses colères expriment une révolte contre l’autorité gérontocratique. Instable dans ses relations, Arafat est tel un "mutant" en quête d’une nouvelle identité", écrit Macaire qui en veut pour preuve l’accumulation de sobriquets tels que "Apache", "Yôrôbô", "Commandant Zabra", "Baracuda", "Commandant Kôrô", "Le tueur de taureaux", "Commandant deux fois  koraman".
 
Toutefois, Macaire Etty salue le double lauréat du Kora du meilleur artiste masculin de l’Afrique de l’Ouest qui a déjà marqué sa génération.
 
"Rebelle, il l’est. Mais l’art, fondamentalement, n’est-il pas une sorte de rébellion ? Le désordre apparent qui coule dans sa création a quelque chose de sublime. Car c’est justement cette négation du "déjà entendu" qui lui donne toute sa dimension artistique. Transgresseur devant l’Eternel, Dj Arafat nous rappelle que l’art et même tout art est une forme du désordre dans la mesure où il est un écart par rapport à l’ordre établi", rappelle-t-il.
 
La musique d’Arafat Dj est aux antipodes des normes de bon nombre de mélomanes qui lui refusent la noble étiquette "d’artiste musicien".
 
Pour Macaire Etty, ses créations musicales sont en effet caractérisées par une explosion sonore. La batterie enragée libère des notes musclées et déroutantes. La voix enraillée et hurlante de l’artiste, accouplée aux gémissements assourdissants des instruments de musique, accouche une musique apparemment cacophonique pour l’oreille "classique".
 
Le chant n’est pas une douce coulée de mots tissés avec harmonie. Il s’agit plutôt d’un déferlement bruyant, de cris dépêtrés avec rage. La violence des mots n'est pas faite pour séduire les mélomanes épris d’harmonie et de douceur.
 
Sa chorégraphie caractérisée par sa vitesse d’exécution et les gestes saccadés et enchainés avec une véhémence à donner le tournis sont autant de marques distinctives d’Arafat.
 
Aussi, l’apparence artistique de Yorobo constitue un choc visuel. Sa tenue vestimentaire rompt avec les habitudes vestimentaires traditionnelles. Le souci du double "kora" est de porter l’estocade aux codes sociaux et autres conventions. 
 
L’art de DJ Arafat vient donc comme une sorte de pavé dans la quiète marre de la musique ivoirienne et africaine.
 
En réalité, analyse l'auteur, tout en cet artiste "atypique"  se veut révolte contre l’ordre social, moral et artistique. Il est loin du profil de l’artiste accoucheur du beau, pourvoyeur de douces émotions. Le "coupé décalé" d’Arafat est "décalé" des sentiers reconnus, et surtout "coupé" des fondamentaux de la musique de départ créée par Douk Saga. Arafat apporte à la tradition "coupée-décaleuse" un son rock viril et saignant. La danse "kpangor" et le son "rage 2012" arrachent le coupé-décalé du "farot" pour le propulser à la cime d’un art du refus.
 
Refus des frontières, refus des règles tyranniques.  Il n’est plus question de faire le boucan, mais du volcan. Il s’agit de briser les chaînes, toutes les chaînes. La rage contenue dans la voix de Dj Arafat et cette surdose de sons troublants n’est que révolte. Son message met en lumière un "égo surdimensionné et un narcissisme troublant".  La danse "arafatienne" elle-même se veut une succession de gestes difficiles et surréalistes. Ni Ziké ni Michaël Jackson ne peuvent bitumer dans son jardin.
 
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