Le général Bi Poin : « Le directeur de la police avait la responsabilité exclusive des opérations le 16 décembre »

  • 30/03/2017
  • Source : Ivoire Justice
Ex-patron du CECOS et témoin de l’accusation considéré comme central dans l’affaire Gbagbo-Blé Goudé, l’ancien général de division Georges Guiai Bi Poin a été longuement questionné aujourd’hui sur la marche du 16 décembre 2010 vers la Radio télévision ivoirienne (RTI).

Par Anne Leray

Pressée par le juge Tarfusser qui court toujours après le temps pour faire avancer un procès fleuve, la représentante du procureur Melissa Pack avait prévenu hier : « les choses progressent moins vite que prévu, il me reste encore trois mois de crise à parcourir ». Alors que le compteur affichait déjà sept heures d’interrogatoire, le juge italien lui avait lancé : « Je vous donne demain pour terminer ». Jonglant avec des liasses de documents classés et surlignés, la représentante du procureur, qui avait promis de faire de son mieux, n’a pu boucler son interrogatoire à l’heure dite ce soir.

Un plan détaillé présenté à l’état-major deux jours avant la marche

La journée s’est ouverte sur la marche des partisans d’Alassane Ouattara vers la RTI. Melissa Pack a alors remonté le cours des événements et le général Guiai Bi Poin, très impliqué dans sa déposition et peu avare de détails, a répondu à ses nombreuses questions de façon précise. Il a plusieurs fois indiqué que le dispositif de sécurisation et la conduite des opérations destinés à empêcher cette marche avaient été confiés au directeur général de la police nationale, Brédou M’Bia. « Il a eu la responsabilité exclusive des opérations de l’ensemble de cette journée. Selon le principe du commandement unifié, aucun des autres généraux ne devait faire interférence et devait mettre à sa disposition les hommes dont il avait besoin ». Deux jours avant la marche, Brédou M’Bia aurait présenté, lors d’une réunion à l’état-major, les détails de son plan et les besoins qui en découlaient.  

Lors de son témoignage en février dernier, Brédou M’Bia avait donné une autre version des faits. Il avait en effet déclaré n’avoir été informé de cette marche que le jour même par ses organisateurs, et avoir alors pris « de vagues dispositions sur Abidjan ». Il avait aussi indiqué que « le préfet de police, soutenu par le directeur des unités d’intervention Claude Yoro, était le chef des opérations ».

D’après  Georges Guiai Bi Poin, l’objectif dudit plan était « d’éviter tout rassemblement sur la voie publique et de renforcer les lieux sensibles » tels que la RTI, le Plateau et les casernes. Dans les divers endroits où ils étaient déployés, les hommes étaient armés « de boucliers, de bâtons, de grenades lacrymogènes, de fumigènes, de grenades assourdissantes et de kalaches. Les véhicules étaient équipés de mitraillettes et de kalaches. Mais les armes devaient être utilisées en cas de légitime défense ».  

Des FDS « cramés » à bord de leur véhicule

Georges Guiai Bi Poin a répété que les hommes du CECOS intervenus lors de cette journée, et « surtout les éléments de la BMO mis à disposition » n’étaient pas sous sa responsabilité « mais sous celle du directeur général de la police ». Le jour J, il déclare qu’il était à l’école de gendarmerie. « Je suivais la journée à la radio sans y être collé, avec mon téléphone portable au cas où le chef d’état-major aurait cherché à me joindre ».

Melissa Pack est ensuite revenue sur les civils blessés et tués pendant l’événement. « Attention, les personnes qu’on considère comme des civils étaient armées » a souligné le témoin, le terme « civil » ayant fait débat dans le prétoire. Selon ses dires, le bilan « exhaustif » établi à la fin de ce jour sanglant se serait surtout concentré sur les « six » membres des Forces de défense et de sécurité tués. « Certains ont été cramés dans leur véhicule à Abobo, avec des roquettes antichar. C’est surtout la mort de nos hommes avec ces armes de guerre qui n’avaient rien à faire dans une marche qui nous a frappés et fortement émus. C’est là-dessus que le directeur de la police s’est appesanti. Il a rapporté qu’il y avait partout des personnes armées dans la foule des marcheurs et qu’elles tiraient sur les FDS ». Aucune enquête n’aurait été ouverte à propos des victimes, ni du côté des marcheurs, ni de celui des FDS.