La succession d’Alassane Ouattara, enjeu des législatives ivoiriennes

  • 17/12/2016
  • Source : L'opinion
Moins de deux mois après l’adoption d’une nouvelle constitution, les Ivoiriens se rendent aux urnes le 18 décembre pour élire leurs 250 députés lors d’un scrutin à un tour.

Près de 1 300 candidats se présentent dont 248 appartenant à la majorité présidentielle, grandissime favorite qui rafle toutes les consultations électorales depuis 2011. Politologue ivoirien, Franck Hermann Ekra, analyse les enjeux de ce scrutin.

Quels sont les enjeux de ces élections législatives ?

Les enjeux sont de deux ordres. Le premier niveau concerne le pays légal, le second le pays réel, même si ce dernier aspect semble négligé. En ce qui concerne le pays légal, la première législature de la 3e république, représente dans l’histoire de nos institutions une expérience inédite. La nouvelle configuration devrait naturellement renforcer la concentration des pouvoirs du président de la république, Alassane Ouattara.

Ce dernier est l’unique métronome d’un système taillé à sa mesure, sans équilibre effectif des pouvoirs. Dans ce dispositif, l’exécutif peut s’inviter, quand bon lui semble, dans le périmètre du législatif et cela sans aucune forme de responsabilité vis-à-vis de lui.

Cet absolutisme présidentiel s’inscrit dans une tradition de consentement de l’opinion ivoirienne au pouvoir fort. Quant au pays réel, l’observation du niveau de la participation populaire au scrutin permettra de savoir si le nouvel édifice peut contribuer à enrailler la mécanique d’abaissement de la légitimité démocratique, en cours depuis la guerre post-électorale de 2010-2011. L’abstention structurelle traduit le sentiment de dépossession qui traverse toute la société. L’indigence de la campagne qui s’achève n’incite pas à l’optimisme.

L’opposition, contrairement à 2011, y participe. Le jeu de la chaise vide ne semble pas avoir payée...

La culture de l’épreuve de force et la politique de la chaise vide sont rarement bénéfiques. La frange du Front populaire ivoirien (FPI, principal parti d’opposition) qui s’enferme dans une politique du refus, pour manifester sa solidarité avec l’ex-président Gbagbo, toujours en procès à La Haye, devrait se souvenir que le Rassemblement des républicains (RDR) du président Ouattara avait lui aussi opté pour une politique de boycott systématique, sans plus d’efficacité.

Le risque est de se marginaliser, d’insécuriser sa base, de se tenir durablement écarté des voies d’expression démocratique. Cela étant, l’aspect de ses revendications qui porte sur la nécessité de garantir l’équité et la transparence des processus électoraux est compréhensible.

Depuis 2011, la coalition au pouvoir écrase tout politiquement. Est-ce un frein à l’expression de la démocratie ?

Les apparences sont parfois trompeuses. Contrôler tous les leviers peut paradoxalement provoquer des situations d’inconfort. D’abord pour définir les contours de sa majorité, ensuite pour prendre en compte toute la palette de ses sensibilités. Le tour de vis autoritaire qui a prévalu après l’annonce des investitures du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP, majorité au pouvoir) est de ce point de vue symptomatique.

Les appareils ont de moins en moins d’emprise. Le légitisme des militants, n’induit pas qu’ils se comportent en béni-oui-oui, en moutons de Panurge. Le nombre pléthorique des candidatures hors-système pourrait déboucher sur une restructuration du champ politique.

La scène gagnerait en horizontalité, si d’aventure les élus indépendants, arrivaient à se fédérer autour d’une plateforme consensuelle. Ce serait un progrès indéniable compte tenu de l’excès de verticalité du système ivoirien, dans lequel tout dépend toujours du ou des mêmes. Cette question va bien au-delà de la cosmétique et du casting, elle touche au partage de responsabilité...LA SUITE