L'armée ivoirienne apaisée après des promesses du gouvernement

  • 19/11/2014
  • Source : AFP
Le ministère de la Défense a appelé les soldats, qui réclament de l'avancement et de meilleurs soldes, à regagner leurs casernes. Son collègue de l'Intérieur a accédé à certaines des demandes.

Des centaines de militaires réclamant de l’avancement et de meilleures soldes ont manifesté mardi dans plusieurs villes de Côte d’Ivoire, un signe de la fragilité persistante de l’armée ivoirienne trois ans après la fin de la longue crise politico-militaire qui embrasa le pays, selon des observateurs. 

La vague de protestation est partie de Bouaké, deuxième ville de Côte d’Ivoire, puis s’est étendue à Abidjan, la capitale économique, Ferkéssédougou et Khorogo, deux villes du nord, ainsi que Bondoukou et Abengourou, dans l’est.
 
Le ministre de la Défense Paul Koffi Koffi est intervenu dans la journée à la télévision pour répondre aux militaires mécontents, annonçant une série de mesures et leur demandant «de regagner leurs postes». Son allocution est passée en boucle toute l’après-midi à la télévision publique. Mardi soir, le ministre de l’Intérieur Hamed Bakayoko a annoncé lui aussi des mesures allant dans le sens des revendications des militaires.
 
Un groupe de 575 militaires, intégrés dans l’armée en 2011, et un autre groupe de 8 400 caporaux demandaient la prise en compte d’arriérés de soldes à partir de 2009, a déclaré Bakayoko. «La réponse est positive», a affirmé le ministre, venu selon ses dire «rassurer tout les jeunes pour dire que leur message a été entendu». «Vous vous êtes exprimés, le président a compris. Il a donné des instructions au gouvernement pour régler vos problèmes», a lancé Hamed Bakayoko lors d’une intervention à la télévision publique.
 
Des cris de joie et un concert de klaxon ont ensuite été entendus à Bouaké, où plusieurs militaires démontaient dans la nuit les barrages de fortune installés le matin même sur l’un des principaux axes de la ville, a constaté un journaliste de l’AFP. «Nous sommes satisfaits. Dès [mercredi], nous mettons fin aux manifestations», s’est réjoui un officier basé à Abidjan. «J’ai tellement crié de joie que j’ai perdu la voix», a souri un militaire, d’une voix à peine audible, tout en surveillant des commerces à Bouaké.

Cette vague de protestations inquiète toutefois à moins d’un an du scrutin présidentiel d’octobre 2015. Fausses rumeurs et appels inquiets se sont multipliés mardi au sein de la population ivoirienne. «On est toujours dans le syndrome d’une révolte possible, après 10 ans de crise», a observé une source sécuritaire, dénonçant la «complotite» sévissant en Côte d’Ivoire.
 
BOUAKÉ «LA REBELLE»
Les autorités ivoiriennes se félicitaient régulièrement de la diminution de la violence dans le pays, nécessaire au retour des investisseurs étrangers qui portent la reprise économique, gage selon elles d’un enracinement de la paix sociale. Lors de la décennie de crise politico-militaire de 2002 à 2011 qui fit des milliers de morts et pendant laquelle la Côte d’Ivoire fut coupée en deux, Bouaké fut la capitale de la rébellion qui contrôlait le nord du pays. Cette rébellion était favorable à l’actuel président Alassane Ouattara.
 
Le sud du pays était tenu par les forces loyales à l’ancien chef de l’Etat Laurent Gbagbo, actuellement détenu à La Haye par la Cour pénale internationale qui l’accuse de crimes contre l’humanité. Selon plusieurs sources sécuritaires, d’anciens éléments rebelles, intégrés en 2009 dans les forces de sécurité nationales à la suite de l’accord de paix de Ouagadougou, signé en 2007, sont à l’origine du mouvement de contestation de ce mardi, qui s’est ensuite étendu au reste du pays.

Le mécontentement des militaires couvait depuis longtemps, notamment du fait de la méfiance entre les anciens rebelles pro-Ouattara et les militaires de carrière, qui voient d’un mauvais œil leurs nouveaux compagnons d’armes, qualifiés d’indisciplinés et d’incompétents.
 
L'«amalgame» n’a pas pris, estime un bon connaisseur du dossier, qui plaide pour une réforme de la politique de défense ivoirienne. A Abidjan, principale ville ivoirienne qui compte cinq millions d’habitants, plusieurs dizaines de sapeurs-pompiers et de militaires ont entravé dans l’après-midi le trafic aux abords du Plateau, le quartier administratif et d’affaires, a constaté un photographe de l’AFP.

Ils ont depuis lors libéré les lieux. «La colère a gagné partout dans les casernes, notamment le camp d’Akouédo», le plus important de la ville, a expliqué à l’AFP un officier sous couvert d’anonymat.
 
Des militaires se sont aussi regroupés à Ferkéssédougou et Khorogo, où les check-points d’entrée et de sortie étaient encore fermés en début de soirée, ont rapporté des témoins. «Je suis bloqué à Ferkéssédougou.

Les FRCI (armée) sont partout sous le regard impuissant de la police et de la gendarmerie», s’était plaint un voyageur vers midi (heure locale et GMT). Dans les villes de Bondoukou et d’Abengourou, des soldats ont affirmé à l’AFP avoir tiré en l’air pour appuyer leurs revendications.