Interview exclusive : Ouattara Bakary, le chef du village raconte Kong « depuis le massacre des populations par Samory Touré à l’accession de son fils Alassane Ouattara au pouvoir… »

  • 27/08/2018
  • Source : UPLCI
Dans le cadre de la caravane dite « Découverte » qu’elle a initiée, l’Union des Patrons de Presse en ligne de Côte d’Ivoire (UPLCI) a séjourné dans la ville de Kong du 19 au 22 juillet 2018. À cette occasion, le chef du village a accordé une interview synchronisée à l’ensemble des journalistes de l’Uplci. Sa Majesté Ouattara Bakary a retracé la riche et triste histoire de cette ville mythique depuis le massacre de ses populations par Samory Touré à l’accession au pouvoir d’Etat de son fils Alassane Ouattara. Les souffrances, les satisfactions, les rêves et les attentes des populations de la région d’origine de l’actuel chef de l’Etat ivoirien n’ont pas été occultés par le garant de la tradition de Kong. Mais à la fin le garant de la tradition a lancé un message de paix et de réconciliation. Lisez plutôt.

Chef, comment Kong a vécu les événements au cours de la crise que la Côte d’Ivoire a connue et comment se présente Kong aujourd’hui, quand on sait que Alassane Ouattara est le fils de Kong, et qui luttait pratiquement avec Laurent Gbagbo ? Est-ce que Kong a été particulièrement éprouvé, attaqué et visé parce que Ouattara vient d’ici ?

Justement, comme vous le dites, on a été vraiment visés. Il faut avoir le courage de le dire, on a été visés directement par le président Gbagbo. Son adversaire était notre frère et nous aussi en son temps on avait bien dit et précisé qu’Alassane Ouattara était le choix de Kong ou rien. Dès le départ même, quand sa candidature avait été refusée à la magistrature suprême en 2000 nous, à Kong ici, nous nous étions réunis au grand foyer, avions pris la   décision avec tous les chefs de villages et notables du département de Kong pour qu’il soit le député de Kong. Cette candidature avait été aussi rejetée. C’est à ce moment que nous avons décidé à l’unanimité de faire le boycott actif. Et ça été vraiment actif. Kong est resté cinq ans sans avoir un seul siège à l’Assemblée nationale.

Et pendant ce temps comment l’administration fonctionnait-elle ?

On n’avait qu’un seul sous-préfet à l’époque ici. C’est avec lui qu’on se débrouillait et qu’on faisait tout. Et, comme nous savions bien que ce que nous avons fait ne plaisait pas au pouvoir, nous étions prêts à assumer parce qu’on ne peut pas faire d’omelettes sans casser des œufs.

Est-ce à dire que Kong a été marginalisé, lésé dans le développement de la Côte d’Ivoire à cause de cette situation que le fils de Kong a vécue ?

Oui, le terme même est moins dit. J’allais dire même que Kong a été mis aux oubliettes. Personne ne parlait de Kong. Même les quelques fonctionnaires qu’on affectait à l’époque à Kong ici venaient très très difficilement. Puisque dans votre ministère, dès qu’on dit que vous êtes affectés à Kong, vos collègues qui sont aux alentours, tout le monde pleure et vous dit ‘’Yako’’. Sur le plan administratif, on a vraiment souffert.

Sur le plan médical même, c’était encore pire. La ville n’avait ni médecin ni infirmier. À l’époque, on était considéré comme des hommes contre le pouvoir et donc des gens à bannir. Le pouvoir refusait de nous affecter une ambulance. Les gens, à l’époque, étaient obligés de transporter les malades et les femmes enceintes dans des camions de trois tonnes chargés de maniocs ou d’ignames pour les emmener à Ferké (Ndlr/ Ferkessedougou).

Comment Kong a vécu la crise entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara ?

Nous avons vécu cette crise plus que les autres ivoiriens, puisque l’adversaire clé même de Laurent Gbagbo était Alassane Ouattara, originaire et digne fils de Kong. Laurent Gbagbo aussi, en son temps, a fait ce qu’il pouvait faire à Kong. Durant le règne de Gbagbo, nous sommes restés à Kong ici 90 jours sans électricité. Durant trois bons mois. Et pourtant, Il n’y avait pas de panne. Et c’était dans le mois de carême.  On jeûnait. Toutes les démarches entreprises dans ce sens à Ferké et Korhogo sont restées vaines. Pendant trois mois, on ne pouvait pas boire d’eau glacée et quand on partait à la prière on n’avait pas de lumière. Nous étions des laissés- pour-compte.

Ont-ils donné les raisons à ces cas de coupure ?

Nous-mêmes savions les raisons. Sinon comment on peut priver une population d’électricité sans avoir une raison ? Ils avaient leurs raisons. On le comprenait, mais ça, c’est la politique africaine. Sinon ils n’avaient pas le droit de faire ça. L’électricité, c’est une compagnie commerciale où nous payons nos factures. Ce n’était pas une panne et c’était fait exprès. Et comme le pouvoir était le plus fort à ce moment, il a fait ce qu’il pouvait faire. Nous en avions énormément souffert. Hélas !

Alors chef, on nous parlait d’insécurité, d’attaques de coupeurs de route et d’assassinat à un moment donné à Kong. Aujourd’hui, qu’est-ce qu’il en est ?

Aujourd’hui, on peut se frotter les mains. On peut même pousser un ouf de soulagement. Il faut reconnaître que le commandant de brigade qui est présentement à Kong, M. Ouattara Fangama, fait l’essentiel au plan sécuritaire. Depuis que moi-même je suis né à Kong jusqu’à présent (j’ai plus de 50 ans) je n’ai jamais vu un CB aussi compétent, efficace et travailleur que ce monsieur. Avant son arrivée ici, il ne se passait pas deux jours sans qu’il n’y ait mort d’homme. Et ces coupeurs de route faisaient le tour de la région.

Quand on apprend le matin qu’ils ont coupé la route de Dabakala à deux kilomètres d’ici, en moins d’une heure, vous allez apprendre encore qu’ils ont coupé la route de Ferké. En moins de 40 minutes, on apprend encore qu’ils ont coupé la route de Bouna. Ils ne sévissaient pas sur une seule route.  Ils faisaient le tour de la région en un seul jour sans être inquiétés. Ils s’attaquaient aux véhicules en provenance d’Abidjan et de Bouaké. Il ne se passait pas deux jours sans qu’on ait un mort parmi les passagers.

Aujourd’hui on peut dire merci à ce vaillant commandant. À l’époque, même pour aller dans son propre champ, le fait de voir un homme devant toi, tu ne pouvais plus avancer. Tu reculais. Et effectivement, ces gens-là ont vraiment sévi ici. Ces bourreaux n’hésitaient pas à dire ouvertement aux passagers que depuis que le président Alassane Ouattara a eu le pouvoir, il les a oubliés.  Donc, ils vont prendre ‘’pour eux’’ (Ndlr : leurs salaires ou leur récompense) dans les mains de ses parents (Ndlr : les parents du chef de l’Etat). Ils disaient ça aux passagers. Avec l’arrivée du CB Fangama Ouattara, aujourd’hui, on peut circuler tranquillement dans le département de Kong sans du tout s’inquiéter. Oui, il faut le dire honnêtement, la région de Kong est totalement en sécurité, actuellement.

Qui étaient réellement ceux qui agressaient ainsi ?

Ce sont les ex-combattants qui agressaient. Ils n’acceptaient pas que les gens regardent droit dans leurs yeux. Ils ont toujours leurs cagoules. Ils n’attaquaient pas à visage découvert.

Vous étiez le point de mire des adversaires de votre fils. Depuis 2011 que votre fils est au pouvoir, est-ce qu’il vous a rendu l’ascenseur pour les efforts que vous avez consentis pour lui ?

Il faut avoir le courage de le dire. Il nous a rendu largement l’ascenseur. Aujourd’hui, au niveau du département de Kong, je peux dire que tout le monde est satisfait. Comme un être humain n’est jamais totalement satisfait, même si on l’envoie au ciel, il demandera toujours quelque chose. En sept ans, ce qu’il a fait pour nous, si on avait eu ça depuis l’indépendance jusqu’à ce qu’il accède au pouvoir, Kong serait aujourd’hui un petit Paris.....