Interdiction des excursions sur les plages de Bassam: Comment la mesure est bravée

  • 03/12/2013
  • Source : Soir Info
Le samedi 30 novembre 2013, vers 15H, les plages d'Azuretti ne sont pas animées comme d'habitude. Seuls quelques petits groupes de jeunes, les uns jouant au ludo ou les autres à la dame, étaient à la plage, non loin du cimetière.

De temps à autres, ils sont nombreux à courir à la rencontre des vagues qui se jettent sur la plage. « Nous sommes plus nombreux d'habitude. Nous ne sommes que dix, aujourd'hui. On est venu pour voir comment est appliquée la mesure d'interdiction des excursions sur les plages de Bassam. Chaque deux ou trois mois, on vient se reposer ici », nous apprend l'un d'eux, K. L, après avoir longtemps hésité à répondre à nos questions.

Contrairement à leur habitude d'arriver en car de 50 places, selon lui, pour ne pas attirer l'attention des uns et des autres, ils ont effectué le déplacement en taxi. En effet, ils se sont donné rendez-vous au grand carrefour de Koumassi. Là, sous le coup de 13H, ils ont emprunté deux véhicules de marque Peugeot 504. Mais au lieu d'être en maillots de bain, avec de grosses glacières, ils étaient normalement habillés de sorte qu'on ne se doute de rien. Comme tout le monde, ils ont payé, chacun, 500 francs Cfa. Une fois à Grand Bassam, ils se sont repartis à quatre dans des taxis.

Chacun a payé 200 francs Cfa, la course pour aller à la plage.Mais quand le premier véhicule est parti, il a fallu attendre près de cinq minutes avant que le second ne prenne le chemin d'Azuretti. C'est ainsi qu'ils se sont retrouvés, à la plage. « Quand on est arrivé à la descente du pont, vers la mairie, les forces de l'ordre ont sifflé mais ils ont simplement échangé avec le conducteur », nous apprend KL qui souligne que cette façon de faire l'excursion ne les arrange pas du tout. « La prochaine fois, nous allons nous faire enregistrer comme il se doit en payant 200 francs Cfa par personne pour avoir une autorisation.

Si nous donnons l'assurance que nous allons bien nous comporter, nous sommes sûrs que l'accès à la plage ne nous sera pas refusé. Une excursion sans tam-tam, ne vaut rien. Quand on vient, il faut s'amuser au maximum», souligne-t-il non sans ajouter que pour cette excursion, il n'y avait que deux sacs de vêtements et d'objets pour tout le monde.Et ces sacs n'étaient pas dans le même taxi. «Nous sommes venus pour voir comment nous allons nous organiser la prochaine fois puisque c'est la première fois que nous venons ici, depuis que nous avons appris que les excusions ont été interdites », relève notre interlocuteur.
Pour ce jour, aucune réservation n'avait été faite pour occuper un espace et acheter de quoi manger.

Mais, il est possible de se procurer de la nourriture dans les restaurants au bord de la mer. Le coût des plats de poulet ou de poison braisé, avec un accompagnement, soit de l'attiéké soit de l'aloco, tourne autour de 8500 francs Cfa, le plus cher payé. Et quatre personnes peuvent en manger à satiété. Des vendeuses de noix de coco, à raison de 100 francs Cfa par noix, permettent d'étancher la soif, en ce jour ensoleillé. Les vendeuses de banane braisée passent et repassent pour proposer leur produit à 100 francs Cfa l'unité. De quoi ne pas trop ruiner son portefeuille.
 
Pour ces vendeuses, la décision d'interdiction des excursions sur les plages de Grand-Bassam, n'est pas encore ressentie sur les chiffres d'affaires. Même son de cloche pour des tenanciers d'espaces qui donnent sur la mer.
 
La stratégie
 
« Pour le moment, nous n'avons pas de problème, par rapport à nos activités relativement à l'interdiction des excursions sur les plages. Quand des gens appellent, néanmoins, nous leur conseillons la prudence. Nous leur demandons de garer leur car, loin de la ville de Grand Bassam et de venir en taxi. Ils feront comme s'ils ne se connaissent pas dans le véhicule. Et puis ici, nous aussi, on veille à ce que les doses de boisson ne soient pas dépassées au point de provoquer des bagarres », fait savoir un tenancier d'espace de repos qui nous demande si nous voulons venir avec des personnes.
 
Quand nous répondons à l'affirmative, il nous indique que pour 3500 francs Cfa, notre groupe et nous, avons la possibilité de passer une journée à occuper son espace qui donne sur la mer. Mais pour un bungalow (construit en paille et en chambre salon avec une mousse à l'intérieur de la chambre), il faudrait prévoir 3000 francs cfa. « On peut toujours revoir tous ces montants à la baisse », rassure le tenancier qui nous présente quatre bungalows dont certains sont dotés de table, au salon.
 
Quand nous lui faisons savoir après la visite que le tarif est assez élevé, il nous fait remarquer que si c'était des chambres de passage, à raison de 1000 francs Cfa par heure, il gagerait plus. En longeant la plage, nous faisons le constat que des jeunes, des listes de menu en main, se précipitent vers toute personne qui se dirige vers eux ou sur la terre ferme, sur tout véhicule qui circule. Quand vers 18H, nous retournons vers la gare d'Abidjan à Bassam, les excursionnistes savourent encore les derniers instants à la plage, avant le coucher du soleil.

Les forces de l'ordre veillent toujours au grain, à la descente du pont, vers la mairie. Mais pour savoir ce qui se passe du côté de la plage pour éviter des débordements, il faudrait peut-être y avoir des forces de l'ordre.
Rappelons que le préfet de Grand-Bassam, Beudjé Djoman Mathias, il y a près de trois semaines, a pris un arrêté pour interdire les excursions sur les plages. La raison, c'est que ces derniers temps, ces endroits sont devenus des lieux où des jeunes excellent dans la consommation de l'alcool et de la drogue. De fait, il y a près de deux semaines, des jeunes arrivés d'Abidjan, sous l'effet de l'alcool et de la drogue, en sont venus aux mains. Du sang avait même coulé à Azuretti. Ce que le chef du village avait dénoncé.
Aussi, la débauche avait-elle atteint le sommet sur les plages de Bassam, une ville faisant partie du patrimoine de l'Unesco (ville historique). Ce n'est pas tout. Sur des cars et autres motos, les excursionnistes se livraient à des scènes de trapéziste appelées bôrô d'enjaillement. Ainsi, la quiétude des habitants était perturbée par les vrombissements des engins. La décision du préfet vient donc siffler la récréation et mettre de l'ordre dans l'anarchie qui règne dans l'organisation des excursions. Désormais, toute excursion est soumise à autorisation préalable de la mairie.
Dominique FADEGNON