Nouveau phénomène à Abidjan. Des jeunes gens s’autoproclamant fan-club attendent les célébrités à la sortie des bars, des boîtes, des supermarchés, des stades, dans la rue… pour leur demander de l’argent. Parfois, ils se montrent violents. Eux, ce sont les “winzins”.
Jeudi 13 juin 2013, Dj Léo est en spectacle dans un maquis-bar du côté de Yopougon- Niangon Nord. Autour de 2 heures du matin, quand le Dj finit son show, un groupe de jeunes gens l’aborde. Ces jeunes appelés les “winzins” scandent «Dj Léo ! Dj Léo ! Tu es le plus fort, y a pas l’homme pour toi !» Ils ont même des pancartes qu’ils brandissent. En quelques secondes, la voiture de Dj Léo est encerclée par ces «racketeurs» d’un nouveau genre. Ils veulent forcer la main au Dj pour qu’ils “travaillent” sur eux. Dj Léo veut donner quelque chose, mais au moment de faire le geste, c’est plusieurs mains qui s’agitent en même temps, dans un désordre indescriptible. Dans ce cafouillage, le rétroviseur de la Hummer du Dj est cassé. Pour sortir de là, l’artiste est obligé de forcer le passage en accélérant... «J’ai toujours donné de l’argent aux ‘’winzins’’, je leur ai même rendu hommage dans une de mes chansons parce que j’ai aussi souffert dans la vie. Mais, ce jour-là, je voulais juste savoir qui était leur responsable parce que j’avais 40 000 f CFA à leur donner. Malheureusement, ils n’ont pas pu s’organiser pour désigner quelqu’un. En essayant de me sortir de là, mon rétroviseur a été cassé. C’est un peu regrettable ! C’est pourquoi j’évite certains endroits lorsqu’on me sollicite», confie Dj Léo.
Bébi Philip, lui sortait d’un bar de la Rue Princesse aux environs de 3 heures du matin quand des “winzins” l’ont envahi. Ils ont exigé qu’il leur donne de l’argent avant de partir. Ils ont bloqué le passage, empêchant sa voiture d’avancer.
«C’est un phénomène qui existe depuis belle lurette. Mais ce sont des jeunes qui me comprennent lorsque je n’ai rien à leur donner. Dans ce cas-là, je démarre en trombe pour quitter les lieux», explique Bébi qui n’a pas oublié qu’un soir également, après un concert au Palais de la culture, ces jeunes ont entouré sa voiture. Il a tenté de forcer le passage sans rien leur donner. Ces gars ont commencé alors à taper sa voiture avec tout ce qui leur tombait sous la main. Son pare-brise a explosé.
Kédjévara est une autre célébrité qui a eu maille à partir avec les “winzins”. Il y a quelques semaines, à la sortie d’un bar, le Dj était en train de distribuer de l’argent aux “winzins” quand son téléphone portable est tombé. Il ne l’a pas remarqué. Certains “winzins” l’ont ramassé et caché jusqu’à son départ. Quand Kédjévara s’est rendu compte que son mobile n’était pas avec lui, il est revenu le chercher. Aucun n’osait le lui remettre. Il a fallu que les vigiles fassent parler la force de leur muscles pour les obliger à rendre l’appareil.
Quant au footballeur Max Gradel, il sortait du Golf Hôtel en voiture lorsque les “winzins” ont fondu sur lui. Pour l’empêcher de passer, un des “winzins” a placé son pied sous un des pneus de la voiture de Max Gradel. Le footballeur qui l’ignorait a accéléré. Sa voiture a marché sur le pied du “winzin”. Gradel était donc obligé de prendre le “winzin” dans sa voiture pour l’emmener à l’hôpital.
A ce rythme, il va falloir éviter ces gars. Car ils deviennent dangereux pour les personnalités publiques, surtout celles qui ont beaucoup d’argent. Car plus on leur en donne, plus ils en redemandent. Sans égard. Le même Gradel en a fait l’amère expérience à Yopougon, quartier Maroc. Ce jour-là, après une virée nocturne, le footballeur voulait faire plaisir à un “winzin”. Il a sorti un billet de banque qu’il lui a remis. Mais c’était un billet de 500 F vraisemblablement. Mal lui en a pris, les “winzins” l’ont traité de tous les noms. Parce que pour eux, il est ‘’inacceptable’’ qu’un footballeur plein aux as ne donne qu’un billet de 500 F CFA à quelqu’un.
Généralement, les “winzins” se postent à l’entrée des bars, maquis et boîtes de nuit. Quand ils voient une célébrité garer sa voiture, ils se transforment en fan-club et commencent à scander le nom de la star. Ils le suivent jusqu’à ce qu’il s’installe.
Au départ, chez les “winzins”, il n’était pas question de vol. C’était même une joie pour certaines célébrités d’être acclamées de la sorte. Certaines d’entre elles leur donnaient de l’argent. De fortes sommes d’argent parfois. Et quand c’est comme ça, les “winzins” font fabriquer des tee-shirts à l’effigie de leur bienfaiteur, pour lui rendre hommage. Lorsque ce dernier revient dans le même bar et qu’il voit ces tee-shirts, ça l’encourage à “travailler” encore davantage sur les “winzins”. Mais, en toute chose, il y a toujours des brebis galeuses. Et il en existe parmi les “winzins”. Ces indélicats qui délestent parfois les célébrités de leur téléphone portable, volent les sacs à main des filles.
«Aujourd’hui, les gens ont peur des “winzins”. On est obligé de leur dire de se mettre de l’autre côté de la route pour ne pas indisposer nos clients. Sinon dans le milieu de la nuit, s’il n’y a pas de ‘’winzins ‘’ devant un bar, c’est souvent vu comme un signe que ce bar ne marche pas», explique un manager de bar.
Pour les “winzins” que nous avons rencontrés, on leur fait un faux procès. Selon eux, s’ils sont dans la rue, c’est pour avoir de quoi manger et éviter de tomber dans la délinquance. Issus généralement de familles pauvres, ils essaient ainsi de se bat-tre pour survivre. C’est ainsi que certains “winzins” ont pu rencontrer des âmes généreuses qui leur ont permis de passer le permis de conduire pour devenir chauffeur de “wôrô wôrô”. «Nous n’obligeons personne à nous donner de l’argent. Nous, on “ambiance” les gens pour leur faire plaisir. S’ils sont contents de nous, ils font un geste», disent-ils.
Par Charly Légende
charlylalegende@topvisages.net
Harcelement des stars dans la rue :Les “winzins” sont là ! - Photo à titre d'illustration