En Côte d’Ivoire, les vieux démons de la violence verbale refont surface

  • 19/09/2018
  • Source : Jeune Afrique
Le ton monte progressivement depuis quelques semaines sur la scène politique ivoirienne. Une escalade verbale qui fait planer le spectre d'un retour des discours de haine qui ont marqué la décennie de crise militaro-politique.

Chemise verte de treillis, jeans délavé et barbe de révolutionnaire, Justin Koua, secrétaire national à la Jeunesse du Front populaire ivoirien (JFPI), est apparu offensif au meeting d’Ensemble pour la démocratie, à la Riviera Anono (commune de Cocody, à Abidjan). « Nous allons faire porter à Alassane Ouattara ses habits de deuil et le conduire à sa dernière demeure », a-t-il lancé à la foule, dans une ambiance surchauffée. Des propos particulièrement violents et – il faut le dire –  irresponsables, qui ont été salués par un tonnerre d’applaudissement, donnant le ton de la rencontre. Très vite, samedi 16 septembre, la vidéo de l’intervention de Koua a inondé les réseaux sociaux.

"À PEINE SORTI DE PRISON, MOÏSE LIDA KOUASSI A TENU DES PROPOS AUX RELENTS ETHNICISTES NAUSÉABONDS"

Proche d’Aboudramane Sangaré, Justin Koua, est coutumier de ce genre de saillies même si, jusque-là, il s’était abstenu de pousser si loin le bouchon de la violence verbale. En avril 2015, il a été condamné à 30 mois de prison ferme pour « discrédit sur une décision de justice », avant d’être libéré en novembre 2017. Pour ses partisans, Koua a payé là ses critiques violentes à l’encontre du pouvoir.

Autre ancien détenu, autre dérapage. À peine sorti de prison – il a été libéré le 8 août après la décision d’amnistie présidentielle -, Moïse Lida Kouassi, ex-ministre de la Défense de Laurent Gbagbo et vice-président du FPI, proche lui aussi de Sangaré, a tenu des propos aux relents ethnicistes nauséabonds.

Ce sudiste aux thèses ultra-nationalistes avait avancé qu’ « aujourd’hui, celui qui parle au nom des Dida de Lakota à l’Assemblée nationale, s’appelle Kouyaté Abdoulaye. Je trouve inadmissible que celui qui parle au nom des Abbey à l’Assemblée nationale s’appelle Adama Bictogo, que celui qui parle au nom des Agni d’Aboisso s’appelle Sylla ». Tous les noms « incriminés » sont ceux de natifs du Nord. Depuis, devant l’indignation unanime des milieux intellectuels face à ses propos, Lida a observé le silence.

Mais les dérapages verbaux ne sont pas l’apanage de l’opposition.Début septembre, Hamed Bakayoko, en pleine campagne électorale en vue des municipales à Abobo, fief du RDR et épicentre à Abidjan de la crise postélectorale en 2011, a réveillé de vieux démons, donnant l’impression d’appeler ses supporters à une forme de défiance de l’autorité des agents de l’ordre et de la sécurité...