Côte d’Ivoire : mutins pyromanes et argent roi

  • 22/05/2017
  • Source : Jeune Afrique
Dans la nuit du mercredi 22 au jeudi 23 décembre 1999, un petit groupe de soldats, dont certains ont le visage grimé ou dissimulé par une cagoule, s’empare sans coup férir de la poudrière du camp d’Akouédo, sur la route de Bingerville, à l’est d’Abidjan.

À la tête du commando, les sergents-chefs Souleymane Diomandé et Boka Yapi, épaulés par les caporaux Issa Touré, Neman Gnepa, Oumar Diarra Souba et Yves Gnanago. Pas vraiment le gratin de l’état-major… Les auteurs de cette opération spectaculaire entendent obtenir le paiement d’arriérés de soldes et de primes et, au-delà, l’amélioration de la situation des hommes du rang. Vers midi, plusieurs dizaines de mutins sèment la panique dans les rues de la capitale économique, tirant en l’air et réquisitionnant véhicules particuliers, taxis ou gbakas, ces petits bus de transport collectif. Tout le monde connaît la suite : la chute du président Bédié au profit d’une junte dirigée par le général Robert Gueï.

Mais comparaison n’est pas raison : Alassane Ouattara n’a rien à voir avec un Sphinx de Daoukro incapable de comprendre qu’il n’était pas de taille à jouer les Houphouët ni, a fortiori, de prendre la mesure de sa fonction comme de la situation. Bien sûr, la Côte d’Ivoire de l’époque n’était pas celle d’aujourd’hui, en particulier sur le plan politique. Il n’empêche : il faut se souvenir de décembre 1999. Il n’est jamais bon, ici comme ailleurs en Afrique – nombre d’ex-chefs d’État peuvent en témoigner –, de laisser des mutins, pour la plupart sans éducation, jouer les pyromanes, menacer l’autorité de leurs supérieurs et du gouvernement, et se convaincre, comme un acquis pavlovien, que tirer en l’air et prendre en otage les populations aboutirait nécessairement à la satisfaction de leurs desiderata.

Les leçons de cette nouvelle crise – rappelons que des événements similaires se sont déroulés en novembre 2014, puis en janvier et en février 2017, ce qui est proprement effarant – sont nombreuses. Alassane Ouattara ne pourra faire l’économie d’une vaste revue de ses « troupes ». Comment cela a-t-il pu se produire sans que personne – à la tête de l’armée comme au sein du gouvernement ou des services de renseignements – n’ait rien vu venir ? Comment peut-on passer d’une cérémonie en grande pompe et en sa présence, le 11 mai, au cours de laquelle un sergent, prétendument porte-parole des militaires, annonce que « tous les soldats renoncent définitivement à leurs revendications d’ordre financier », aux jours de panique qui ont suivi ? Qu’attend le gouvernement pour accélérer...