Bombardement de Bouaké: le général français Poncet accuse Philippe Mangou et dédouane Gbagbo

  • 12/04/2021
  • Source : Avec Autre Presse
Le général Poncet s’est présenté le 9 avril 2021, au procès du bombardement de Boauké, en accusant le général Philippe Mangou.

Costume bleu, chemise blanche, cravate et pas assuré, le général Henri Poncet s’est présenté vendredi devant la cour d’assises de Paris fidèle à son image: déterminé, droit dans ses bottes et fier de son bilan dans la crise franco-ivoirienne de 2004.

A 71 ans, il a beaucoup à dire dans ce procès où trois hommes, un mercenaire biélorusse et deux officiers ivoiriens, sont jugés en absence depuis le 29 mars.

Il n’a d’abord aucun doute sur le fait que le bombardement ivoirien du 6 novembre 2004 sur le camp français de Bouaké a été voulu et sciemment exécuté.

Pas forcément par le président Gbagbo, qu’il décrit comme un homme intelligent et cultivé, mais hélas à l’époque dépassé par un entourage radical, qui voulait « humilier la France », voire la « faire partir » du pays.

Il accuse plutôt le commandant des opérations, le général Philippe Mangou, et celui de l’armée de l’air, le colonel Séka Yapo, et un petit groupe de proches de l’épouse du président, Simone Gbagbo, revanchard et décidé à reprendre aux rebelles la moitié nord du pays perdue deux ans plus tôt.

Après les « donneurs d’ordres », le général Poncet passe aux « facilitateurs », ciblant d’abord l’ONU, coupable à ses yeux d’avoir maintenu ses forces de paix en Côte d’Ivoire, dont les Français, dans un mandat passif.

Il accuse également la « Françafrique », ces réseaux troubles d’industriels, conseillers et marchands divers proches à la fois de Paris et des dirigeants africains.

Le général raconte que quelques mois auparavant, lors d’une visite à Abidjan, le conseiller Afrique de l’Elysée, Michel de Bonnecorse, lui avait dit qu’il fallait « désarmer les rebelles », en totale contradiction avec le mandat onusien de la France.

Il y a vu « le premier signal du changement position de certains courants de la vieille Françafrique » qui veut avant tout réunifier le pays pour faire repartir les affaires, quitte à accepter le maintien de Laurent Gbagbo, bien que peu apprécié à Paris.

  • « Singes bouddhistes » –
    C’est également selon lui « le premier signe du feu vert donné à Gbagbo » que Paris ne s’opposera pas à son offensive. Il la déclenche début novembre: elle s’interrompra le 6, avec le bombardement des Français à Bouaké.

Le général Poncet s’auto félicite de sa gestion de la crise qui suit, dont la destruction totale de l’aviation ivoirienne, face aux risques de nouvelles frappes « imminentes » et violentes manifestations menaçant les milliers Français sur place.

Il est moins élogieux sur la curieuse décision de Paris, deux semaines plus tard, de ne pas arrêter un groupe de mercenaires bélarusses appréhendés au Togo, et que celui-ci proposait de livrer à la France. Dont celui qui sera identifié comme le pilote qui a tiré sur les Français: Yury Sushkin, l’un des trois accusé du procès.

Les militaires français les connaissaient: « Certains de mes hommes les avaient tamponnés (rencontrés, ndlr). Il suffisait d’aller dans les boîtes (de nuit) de Yamoussoukro boire quelques coups avec eux », explique le général avec son language fleuri.

Alors pourquoi, à Paris, trois ministères (Affaires étrangères, Défense, Intérieur) ont-il répondu en même temps au Togo de « ne pas s’occuper » des Bélarusses, que Lomé relâchera deux semaines plus tard faute de réaction de Paris?

C’est l’une des principales énigmes de ce procès, où des familles de victimes soupçonnent Paris d’avoir privilégié l’apaisement avec la Côte d’Ivoire.

Le général Poncet se montre soudain plus sibyllin, lâchant qu’il « ne fallait pas que les mercenaires « puissent raconter certaines choses ». Et préconise de « poser la question aux ministres » concernés, Michel Barnier, Michèle Alliot-Marie, Dominique de Villepin », attendus à la barre lundi et mardi.

« Je ne pense pas que vous aurez beaucoup de réponses des ministres, qui vont s’inspirer des trois singes de la sagesse bouddhiste: je vois rien, je ne dis rien, je n’entends rien », glisse-t-il avant de prendre congés.

Lorsqu’il quitte la salle, certains de ses soldats, blessés à Bouaké, se lèvent pour le saluer.