Bilan de la Cdvr : des Grins de Gagnoa chargent Banny

  • 02/09/2013
  • Source : Nord-Sud

A quelques semaines de la fin du mandat de la Commission dialogue vérité et réconciliation (Cdvr) dirigée par Charles Konan Banny, la question de la reconduction ou non du dirigeant de cette institution fait débat. Les Grins ‘’Traoré’, ‘’Binkadi’’ et ‘’Golf’’ de Gagnoa, visités le samedi dernier par notre correspondant local, ne semblent pas satisfaits du bilan de l’ex-Premier ministre. Le Grin ‘’Traoré’, du nom de son fondateur, Traoré Sékou, est basé au quartier Château de Gagnoa, juste derrière l’école primaire.

Ce sont les animateurs de cet espace d’échanges, tout comme ceux des Grins voisins dénommés ‘’Binkadi’’ et ‘’Golf’’, qui se sont prononcés sur le thème du jour. « Charles Konan Banny doit-il continuer sa mission ? », tel est l’intitulé de ce sujet d’intérêt national, qui n’a pas manqué de susciter des murmures dans l’assistance. Traoré Sékou, en sa qualité d’hôte a pris la parole.
« Je n’ai pas senti la Cdvr tout au long de ce mandat. Elle n’a eu aucun impact sur les populations », juge-t-il. Le décor étant planté, les intervenants dans l’ensemble n’ont pas été tendres avec l’ancien gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (Bceao). Les critiques les plus acerbes demandent à Banny de céder son fauteuil, pour insuffisance de résultats. « Il faut mettre quelqu’un d’autre à la place de Banny. Je n’ai pas de nom à donner, mais je pense que Banny doit passer le témoin », soutient Fofana Abou, chauffeur. Cet avis est partagé par Ibrahim Koné.

« On peut reconduire la Cdvr, à condition que Banny soit écarté », pense-t-il, avant d’ajouter : « Il (Banny) est politiquement marqué. Tant que celui qui dirige cette institution n’est pas un homme neutre, la Cdvr aura toujours des problèmes ». Selon l’intervenant, la Côte d’Ivoire doit s’inspirer du modèle sud-africain où la commission en charge de la réconciliation était dirigée par un homme de Dieu, en la personne de Desmond Tutu. Cependant, certains débatteurs estiment que l’on peut faire encore confiance à Banny. « Néanmoins, qu’il sache qu’on attend plus que ce qu’il nous a donné l’occasion de voir. La réconciliation est utile pour un pays comme la Côte d’Ivoire qui sort de crise.

Il faut que nous sentions ses actions sur le terrain », conseille Ouattara Issa. Les griefs retenus contre la Cdvr se résument en la lourdeur de la machine que dirige l’ex-Premier ministre et le problème de communication de la structure. « Le problème ici à Gagnoa, on ne sait pas où se trouve les locaux de la Cdvr. Même au plan local, Banny peine à assurer correctement sa mission », accuse Coulibaly Lacina, dit Lasso, mem­bre du Grin ‘’Binkadi’’, qui signifie en Malinké, ‘’l’entente est utile’’. Quant à Diarra Youssouf, il ressort de ses analyses que les actions de la Cdvr doivent aller au-delà de la chefferie pour s’étendre aux jeunes. « Pour la réconciliation, il faut aller vers les jeunes et chercher à les convaincre de la nécessité d’aller à la réconciliation, parce qu’ils ont payé un lourd tribut à la crise », recommande le retraité.
Le disant, il a en mémoire tous les jeunes qui ont payé de leur vie pour l’instauration de la démocratie dans le pays. Dans le cas spécifique de Gagnoa, Traoré Sékou est présenté comme le garant moral des martyrs. Si bien que son Grin affiche complet lorsqu’il lance une invitation à ses membres. Ici, les animateurs estiment que la réussite du mandat de Banny dépend la réélection ou non du président Ouattara à la présidentielle de 2015 et vice versa. Un échec de la Cdvr, cela aura incontestablement une incidence sur la conquête du pouvoir d‘Etat. Pour eux, c’est l’une des raisons qui devraient incliner les Grins à dénoncer sans complaisance les dysfonctionnements ­ au niveau de cet outil de promotion de la réconciliation. Ainsi lancent-ils un appel au pouvoir d’Abidjan à donner une âme à la Cdvr qui n’est que l’ombre d’elle-même en l’état actuelle des choses.

Alain Kpapo à Gagnoa