Avenir de la réconciliation, détention d’autres leaders du FPI et justice ivoirienne : «Simone Gbagbo est un otage de M. Ouattara», selon Moussa Zeguen Touré, activiste pro-Gbagbo

  • 13/08/2013
  • Source : Africatime

Touré Moussa Zeguen est le président de la CONARECI (Coalition Nationale des Résistants de Côte d’Ivoire) en exil et actuellement vice-président de la COPIE (Coalition des Patriotes Ivoiriens en exil). Ses décisions et son radicalisme au sein de la famille FPI (Front populaire ivoirien) lui valent d’être respecté au sein de la JFPI (Jeunesse du Front populaire ivoirien). Ce ‘’Gbagboïste’’, comme il se fait appelé, quitte la Côte d’Ivoire pour l’exil quelques jours après le 11 avril 2011, date de l’arrestation de son mentor Laurent Gbagbo. Cette semaine, Touré Moussa Zeguen est l’invité d’Africatime. Dans cette interview, l’activiste pro-Gbagbo passe l’actualité nationale en revue dans langue de bois. Interview !!!

Comment va Moussa Zeguen Touré ?

Je me porte bien, malgré tout, grâce à Dieu. Comment et à quel moment êtes-vous sorti de la Côte d’Ivoire ? Je suis sorti de la Côte d’Ivoire le 19 avril 2011 par la mer à l’aide d’une pirogue de pêche jusqu’au Ghana. Je vous épargne des autres détails de deux jours et demi en mer dans une pirogue de fortune après la traversée de l’embouchure de Grand-Lahou (Sud-ouest d’Abidjan). Quel commentaire faites-vous de la décision de la justice ivoirienne d’accorder la liberté provisoire à 14 personnalités proches du régime Gbagbo ? Je suis heureux comme tout le monde du fait que nos compagnons de lutte soient libérés et surtout de la sortie du président Affi N’guessan et des autres leaders de la direction du parti comme Sangaré Aboudramane, Alphonse Douaty et Lida Kouassi Moïse. Mais franchement, cela dit nous constatons que nous avons encore plus de 700 détenus politiques ivoiriens civils et militaires confondus qui demeurent dans les goulags à travers le pays comme la Première dame Mme Simone Gbagbo pour lesquelles nous devons continuer le combat sans relâche. Considérant la détention du président Laurent Gbagbo aussi à la Haye, pour nous il faut reconnaître que ces libérations de nos 12 compagnons de lutte ne représentent qu’une goutte d’eau dans la mer. La moisson est maigre. Ce pouvoir de M. Ouattara a intérêt véritablement à se pencher sur leurs cas afin de les libérer le plus tôt possible s’ils veulent vraiment faire baisser la tension dans le pays et amorcer une véritable décrispation pour une paix durable. Car, nous souffrons tous de cette fracture sociale qui bloque tout et freine la réconciliation pour une paix durable en Côte d’Ivoire.

Avez-vous le sentiment que cette décision est de nature politique ou judiciaire ?


Personne n’est dupe. Nous savons tous que M. Ouattara n’a aucune volonté personnelle pour faire baisser la tension en Côte d’Ivoire. Mieux, nous savons toutes les largesses dont il a bénéficié depuis deux ans de ses soutiens et bailleurs de fonds dits internationaux. Ces libérations sont donc politiques et même je dirais, arrachées de force par d’une part la mobilisation forte des Ivoiriens du monde et d’autre part ses soutiens internationaux, qui commencent à avoir honte de toutes les incapacités d’un régime impopulaire qui devient infréquentable. Oui ! M. Ouattara a été contraint de faire un geste et il sait que ce geste n’est pas suffisant. Quoi qu’il en soit, que ces libérations soient politiques ou judiciaires, pour nous, seule la remise en liberté de nos compagnons nous importe surtout qu’ils n’ont jamais été réellement jugés et condamnés auparavant…

La justice ivoirienne rechigne à accorder la liberté provisoire à Madame Simone Gbagbo. Que pourrait justifier ce refus ?


M. Ouattara continue sa politique de répression et de négation de la démocratie et des droits humains avec ce qu’il a donné de constater depuis deux ans. Alors que Laurent Gbagbo lui avait déroule un tapis rouge en son temps… Simone Gbagbo est un otage de M. Ouattara et cela est intolérable. Lui et ses Com’zones seuls peuvent vous dire pourquoi il en est ainsi. Heureusement que nous ne sommes plus les seuls à les dénoncer… J’invite ce régime tortionnaire et ivoiro-phobe à tirer toutes les leçons de l’échec de sa gestion partiale, partielle et inhumaine qu’il nous donne de constater depuis son imposition au pouvoir par Sarkozy en avril 2011.

Pensez-vous Laurent Gbagbo va s’en sortir ?


J’ai foi que le président SEM Laurent Gbagbo sortira, surtout après que cette CPI aux ordres ait affirmé que malgré les montages grossiers des procureurs Ocampo et Bensouda, ils ont été incapables d’avoir des raisons suffisantes de lui coller un procès jusqu’à ce jour. Pour nous cela était déjà un aveu d’échec. Pourtant la vérité saute aux yeux que les hommes en armes, les rebelles qui ont tué depuis 2002 se pavanent librement pendant que celui qui n’avait fait que défendre la légalité constitutionnelle se retrouve en prison sans motif et de surcroît hors de la terre de nos ancêtres. Je n’ai aucun doute que Gbagbo est innocent, donc nous avons des arguments supplémentaires pour croire en sa libération prochaine. Si vraiment ces geôliers colons des temps modernes ont pour ambition d’aider notre pays à retrouver la paix, la concorde et l’ordre constitutionnel ; si les génocidaires qui ont massacré les Ivoiriens sont libres, la libération de Gbagbo n’est en fait qu’une obligation qui s’impose à tous. Nous interpellons leurs consciences. En tout cas pour les hommes et femmes de bon sens.

Peut-on envisager un FPI sans Laurent Gbagbo ?


Nous constatons qu’il n’est pas là et la lutte continue pour l’instant. Par contre le FPI (Front populaire ivoirien) sans Laurent Gbagbo voudrait dire que la Côte d’Ivoire n’aura jamais la paix et la démocratie, et cela est inadmissible et intolérable pour nous. La mort serait mieux, car ce serait le monde à l’envers. Je ne crois pas que la communauté internationale veuille condamner la Côte d’Ivoire au désordre et à l’instabilité interminable. Le FPI sans Gbagbo va générer une crise plus grave que celle qui est là. C’est un peuple debout comme le notre qui se bat jusqu’au bout et nous préférons défendre notre dignité et notre souveraineté.

Pouvez-vous nous dire comment s’est faite l’arrestation du président du COJEP, Charles Blé Goudé ?


Je vous prie de m’épargner ce boulot de commentateur ou de reporter. Blé Goudé est ici entre les mains de gens avec qui, il avait eu des entretiens jusqu’à son enlèvement et ce que j’avais désapprouvé en son temps. Mais aujourd’hui vu l’évolution des choses, je vous invite à constater avec moi que trop de nos amis sont détenus dans des conditions inadmissibles et je préfère dénoncer cela et ne plus m’arrêter sur un seul cas parmi des centaines. Quoi qu’il en soit les événements que nous vivons nous éclairerons tous. J’ai mal pour lui encore et je ne veux pas gérer encore ce genre de choses hors de notre maison à moins que nous en soyons contraints après d’une façon ou d’une autre. Nous cherchons à aller à l’essentiel et laisser le temps au temps de faire son effet. Et n’oubliez pas que je suis moi-même encore de l’autre côté de la rive. Je n’ai pas encore fini de traverser la rivière. L’heure du bilan est loin devant nous. Notre lutte continue et c’est pourquoi nous travaillons à resserrer nos rangs, car l’adversaire n’a rien lâché. Ce qui nous invite à resserrer nos rangs et à serrer la ceinture, car le combat pour la démocratie et l’unité nationale est un vaste chantier devant nous. J’ai mal pour tous nos amis emprisonnés peu importe leurs qualités et spécificités. Même ceux en résidence protégée.

Pourquoi ne rentrez- vous pas au pays ? Que vous reprochez-vous ?


Pourquoi voudriez-vous que je rentre ? Croyez-vous que la Côte d’Ivoire n’a pas suffisamment de prisonniers ? Pensez-vous que tous les Ivoiriens sont d’accord pour s’assouplir devant un régime que nous considérons illégal et illégitime ? Non ! Je ne rentre pas par ce que je dénonce l’imposture que certains nous ont impose le 11 avril 2011. Malgré l’état de fait. Je ne retourne pas parce que celui même que nous avons élu et qui défendait l’ordre constitutionnel est lâchement détenu. Je ne retourne pas pour continuer à dire à la communauté internationale que ce qui se passe dans mon pays est grave, injuste et source de graves crises dans le futur. Enfin, je ne rentre pas parce que je n’ai pas confiance en ce pouvoir et j’ai surtout peur pour ma vie et je ne veux confier ma vie à des ‘’dozos’’ (NDLR : chasseurs traditionnels), des mercenaires ivoiro-phobes et à un régime rattrapage qui cherche encore à se rattraper sur la peau et le sang des Ivoiriens. Sinon, je ne me reproche absolument rien. Mieux vaut souffrir à l’étranger que d’aller exposer ma vie à des irresponsables zozos.

Quels vos conditions de retour en Côte d’Ivoire ?


Je viens de vous dire plus haut pourquoi je ne rentre pas, donc mes conditions pour rentrer dépendent des pas qui seront faits pour rassurer les Ivoiriens que notre vie peut être protégée au cas où malgré toutes nos réserves certains décidaient d’y aller tenter le diable. Je veux voir un début d’amélioration du respect des libertés individuelles et collectives. Je veux voir le discours belliqueux et moqueur des chefs rebelles changer. Je veux voir la libération de tous nos compagnons emprisonnés afin d’être convaincu que je ne serai pas arrêté comme les autres qui ne se reprochent rien. Quoi qu’il en soit pour l’heure, je crois que ma place se trouve hors de la Côte d’Ivoire si vraiment je tiens à ma vie et à la lutte pour la dénonciation du non droit, des coups d’état, des génocides et autres politiques tordues faites de tribalisme, de mensonges, et de répression qui ne donnent aucune place de dignité à l’opposition significative. On nous dit que la justice des vainqueurs est la meilleure en ce moment alors que je crois que les vrais vainqueurs des élections demeurent le FPI et son candidat Laurent Gbagbo. Donc, en restant dans leur logique, M. Ouattara et ses gens font plutôt la justice des collabos et des mercenaires qui ont profité du coup d’état de M. Sarkozy et de la France contre nous. En vérité, M. Ouattara et Soro ne sont vainqueurs de rien, ils sont plutôt des profito-situationnistes véreux à dénoncer haut et fort.

Ne pensez-vous pas que vous devriez accepter la main tendue du président Ouattara pour revenir au pays ?


Cette main sera visible lorsque leur politique ivoiro-phobe va prendre fin. On parlera de main tendue véritablement que lorsque M. Ouattara arrêtera de faire croire par arrogance mensongère qu’il est là pour une religion et un groupe ethnique ou une seule région dont il se réclame. Lui qui n’a pas de religion véritable. Il y aura main tendue si M. Ouattara arrête d’exposer mes parents du Nord à une revanche future des autres populations ivoiriennes médusées et choquées du silence complice des vrais nordistes qui savent d’ailleurs qu’ils ne profitent de rien sous ce régime incapable et méprisant, qui n’a d’yeux que pour l’étranger. M. Ouattara travaille avec une minorité illégitime et centrée sur l’extérieur.

Pourquoi êtes-vous devenu un activiste pro-Gbagbo ? Ne dit-on pas qu’en politique le radicalisme est inopérant ?


Je suis un militant de gauche qui n’a connu que la lutte syndicale et la lutte pour une Afrique unie et libérée des pressions coloniales insupportables. Je suis donc panafricaniste. Laurent Gbagbo est le premier leader ivoirien avec qui nous avons pris goût à la lutte pour le changement démocratique de façon pacifique. J’ai été dès le début révolutionnaire à un moment donné où je refusais le socialisme bourgeois qui ne pouvait nous apporter aucune révolution à la longue en Afrique… Mais à force d’explication Laurent Gbagbo m’a convaincu depuis les années 90 jusqu’au début de l’an 2000 qu’il était hasardeux d’envisager des luttes armées, même contre les pires dictatures en Afrique. Car, très souvent ces luttes armées ne profitent qu’à une bande d’hommes en armes sans vision et sans avenir. C’est pourquoi j’ai décidé de militer pour le Front populaire ivoirien (FPI), car en son sein il y a des hommes et femmes de gauche, d’extrême gauche et souvent même aussi de droite. Moi, j’ai décidé dans tout ceci jusqu’à présent de demeurer révolutionnaire. J’ai choisi plus particulièrement d’être ‘’Gbagboiste’’ dans le FPI, car il nous a éduqué à la patience, à l’éducation des masses qui elles seules imposent la démocratie. Gbagbo nous forme à la difficulté, au sacrifice pour son pays et surtout au dialogue. Malgré tout M. Ouattara se fiche de tout cela. Je ne suis donc pas radical. Je suis simplement un africain révolté contre l’ordre impérialiste qui nous impose toutes sortes de dictatures et d’exploitations en Afrique. Nous sommes en légitime défense, donc je ne me retrouve pas lorsque vous me traitez de radical. J’invite plutôt les Africains à être beaucoup plus conscients et conséquents, car l’Occident abuse de nous chaque fois que nous revendiquons justement en nous cataloguant à tord de radicaux pourtant ce n’est que le minimum vital pour notre peuple que nous recherchons. En vérité, le jour où nous seront réellement radicaux, ce ne serait qu’après avoir acquis la souveraineté et l’indépendance véritable en Afrique. Je ne suis pas radical. Votre question devrait s’adresser plutôt aux Français, Américains, Belges qui nous exploitent, tuent, pillent et utilisent leurs medias pour nous donner la couleur qu’ils veulent aux yeux de notre propre opinion. Ce sont eux les criminels radicaux. Je suis normal et nous devons continuer notre lutte sans complexes aucun. Je me bats dans l’objectif d’obtenir un changement radical de nos mentalités, de peuples colonisés afin d’opérer des révolutions partout en Afrique. Ceci est normal et légitime pour nous qui venons de l’esclavage, de la colonisation et qui ne sommes pas encore sortis de ce tunnel impérialiste.

Que reprochez-vous exactement au pouvoir en place en Côte d’Ivoire au point d’être aussi virulent envers lui ?


Après vous avoir dit tout ceci plus haut, je ne peux que vous dire que je reproche à ce régime son illégalité, son illégitimité, sa violence, sa propension à martyriser les Ivoiriens et nous appauvrir chaque jour et travailler pour des intérêts étrangers aux nôtres. Je crois que ce n’est pas un constat personnel à moi, c’est patent et intolérable pour un Africain responsable, conscient et conséquent que nous voulons être.

Que pensez-vous de la justice ivoirienne ?


Je crois que notre justice est à l’image du régime en place. Il ne peut exister de justice libre dans un pays qui ne l’est pas. Il ne peut exister de justice sous un régime qui ne doit son existence qu’à l’injustice, aux armes et à l’imposture. Juste pour dire que notre justice subit comme tous les Ivoiriens les «politiques tordues», pour paraphraser le président du FPI Affi Nguessan. Des gouvernants qui ont eux même peur du droit, de la Constitution et de la démocratie.
C’est pourquoi, j’invite tous les Ivoiriens à nous battre ensemble pour l’avènement de la démocratie et de la justice dans notre pays et partout en Afrique.
Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’expliquer à travers votre organe auquel je souhaite bon vent pour une AFRIQUE LIBRE ET DIGNE.

Réalisée par Patrick Krou