Autonomisation de la Femme/ Konan Amoin Nahomie (Conductrice de taxi) : "Il est temps de briser les stéréotypes"

  • 25/11/2016
  • Source : Lebabi.net
Elle a un visage d'ange et un cerveau d'ingénieur. Mais, contrairement à beaucoup de jeunes filles de son âge, Konan Amoin Nahomie, étudiante en 2ème année de Cycle Ingénieur -Gestion Commerciale, a choisi d'exercer un métier réservé aux hommes. Elle est conductrice de taxis intercommunaux, communément appelés wôrôwôrô, à Abidjan. A l'occasion de la "Journée internationale d'élimination des violences contre les Femmes", célébrée ce vendredi 25 novembre, la brillante technicienne supérieure vient d'être primée par le ministère ivoirien des Transports. Brandissant fièrement son prix d'Excellence, cette intellectuelle décomplexée explique pourquoi elle préfère être au volant d'un wôrôwôrô. Entretien !

Pourquoi avez-vous choisi d'être chauffeur de taxi?

J'ai toujours cherché quelque chose qui pourrait m'aider à m'assumer et subvenir à mes besoins. C'est ainsi que j'ai fait mon permis de conduire. J'ai appris à conduire et je me suis lancée dans le transport. Je me suis dit qu'avec mon permis, à tout moment, je pouvais aller dans une gare et chercher un contrat, travailler la journée et avoir un peu d'argent le soir.

Parlez nous un peu de votre rêve de jeune fille. Quelle carrière aviez-vous souhaité embrasser?

J'ai toujours rêvé de faire le commerce dans tous ces volets. Et lorsque j'ai obtenu mon permis, je me suis dis; mais tiens, le transport c'est aussi un volet du commerce. Et tout de suite, je me suis lancée. Pour moi, faire le transport, c'est aussi faire le commerce. Donc j'ai trouvé dans le transport un moyen de réaliser mon rêve. J'envisage, dans quelques années, créer une entreprise de transport où je pourrai engager d'autres jeunes qui vont travailler pour pouvoir se prendre en charge.

Êtes-vous épanouie dans le travail que vous faites?

Oui, je suis très épanouie. Les hommes avec qui je travaille sont très cool envers moi. Lorsque je viens au travail, ils me traitent avec respect et je crois que c'est un travail très prometteur et plein d'avenir. J'invite toutes les femmes qui le souhaitent, à s'investir dans ce métier.

Que ressentez-vous après avoir reçu ce prix?

J'éprouve un sentiment de fierté et je voudrais saisir cette occasion pour remercier Monsieur le ministre des Transports, M. Gaoussou Touré et ses collaborateurs et plus particulièrement Madame Soumahoro qui s'occupe de la promotion de la femme dans le milieu du transport. Je salue son courage parce qu'elle travaille jour et nuit pour que les femmes se fassent une place de choix dans le secteur du transport. Mon souhait est que beaucoup d'autres femmes aient l'opportunité d'être primée comme moi.

Cela fait combien d'années que vous exercez dans ce secteur?

J'ai commencé il y a à peu près deux ans.

Vous avez mentionné que c'est la passion qui vous a conduit à ce travail. Deux ans après, lorsque vous faites un bilan, qu'avez-vous pu réaliser?

J'ai beaucoup de choses en cours de réalisation. D'ici quelques années, je pourrai être vraiment fière de montrer ce que j'ai pu réaliser grâce à ce travail. Ma première satisfaction est d'avoir pu relever un  défi: travailler parmi les hommes et dans un environnement que beaucoup jugeraient d'hostile aux femmes. Je me sens très aidée par ses hommes et je pense qu'il est temps de briser les stéréotypes.

Ne vous est-il jamais arrivé d'être en confrontation avec des hommes surtout que ce secteur est caractérisé par la violence?

Non. Lorsque tu sais ce que tu cherches et que tu sais dans quelle direction tu vas, il n'y a pas de raison d'aller se défouler sur quelqu'un ou dire des méchancetés sur les autres. Avec les hommes, on travaille vraiment en harmonie.

Est-ce que vous ne faites pas parfois l'objet d'harcèlement dans un environnement dominé par les hommes? N'auraient-ils pas tendance à vous regarder comme une ''proie'' ?

Je n'ai jamais été confrontée à cela et je ne me suis jamais sentie comme une proie. Bien au contraire, tous les hommes qui me côtoient m'encouragent. Beaucoup de clients préfèrent se déplacer avec une femme au volant qu'avec un homme parce que cela produit chez eux un sentiment de sécurité.

Êtes-vous mariée?

Je suis fiancée.

Et comment votre conjoint appréhende-t-il le fait que vous fassiez un travail en général réservé aux hommes?

Cela ne le gêne pas du tout. C'est lui même qui m'a encouragé à embrasser ce métier, il m'encourage et me soutient chaque jour.

Avez-vous des enfants?

Oui, j'ai un garçon.

Si demain vous avez une fille et qu'elle désire être conductrice de wôrôwôrô comme vous, seriez-vous prête à l'y encourager?

Oui, je l'encouragerai à poursuivre ses rêves. Déjà, j'encourage mes petites sœurs à faire comme moi. Je suis en train de m'organiser pour les aider à passer leur permis de conduire et à s'engager dans ce travail qui permet de se nourrir décemment.

C'est quoi au juste votre plus grande satisfaction en travaillant dans ce milieu?

Ma plus grande satisfaction qui est aussi ma fierté, c'est lorsque les clients me félicitent tous les jours en disant: ''Bravo, on a toujours cru que c'était un métier d'hommes et vous nous démontrez que les femmes peuvent bien faire ce métier''. Je suis très ravie quand j'entends ces propos.

Entretien réalisé par Ben Ayoub