Après le rapport des experts de l'onu/ Kahé Eric (Ex-ministre de Gbagbo) : « Comment j'ai échappé à la mort à Cotonou »

  • 07/12/2013
  • Source : Soir Info
Eric Victor Kahé Kplohourou, le président de l'Alliance ivoirienne pour la République et la démocratie (Aird) et ex-ministre du commerce de Laurent Gbagbo, a réagi au rapport des experts de l’Onu selon lesquelles le gouvernement ivoirien a envoyé des «agents ivoiriens » dans le but d’assassiner ou de kidnapper des militants pro-Gbagbo réfugiés au Ghana.

Depuis son lieu d'exil, il a répondu à la question via internet.Comment réagissez-vous aux révélations faites par des experts de l’Onu, selon lesquelles le gouvernement ivoirien a envoyé des «agents ivoiriens » dans le but d’assassiner ou de kidnapper des militants pro-Gbagbo réfugiés au Ghana ?
 
« En général, suite aux événements de 2011 de Duékoué et au rapport tendancieux de l’Onuci qui en a résulté, je me méfie des rapports de l’Onu, parfois manipulés par des fonctionnaires ou des officines tapies dans l’ombre.
 
Mais dans le cas d’espèce, il s’agit d’un groupe d’experts et l’accusation est endossée par les autorités Ghanéennes et singulièrement le Conseil National de Sécurité. Cette accusation est d’autant plus grave que les autorités Ghanéennes parlent de plusieurs tentatives, et que l’Onu -à qui Abidjan doit tout- ne peut être soupçonnée de sympathie pour les exilés estampillés "pro-Gbagbo".

Ces faits alarmants et une fois de plus dégradants pour le pays, rappellent aussi une thèse qui aurait expliqué en son temps l’extradition de Blé Goudé, quand les autorités ghanéennes, le sentant visé par de lourdes menaces émanant de son pays, ont préféré le livrer avant que l’irréparable ne se produise sur leur sol. Une sorte de «sagesse» à la Ponce Pilate.
Par ailleurs, plusieurs jours après la publication de ce rapport, non seulement le Ghana n’a pas protesté mais la Côte d'Ivoire n’a pas démenti le rapport (le gouvernement ivoirien a démenti le lundi 2 décembre 2013, Ndlr). Dès lors, il y a matière à avoir froid dans le dos quant à la nature exacte de nos gouvernants puisque le rapport engage clairement la responsabilité du gouvernement ivoirien, comme vous le formulez vous-même dans votre question.

Pire, un gouvernement installé par des bombes de puissances étrangères au nom de la démocratie, au prix de milliers de morts, peut-il collaborer avec des mercenaires libériens payés en espèces sonnantes et trébuchantes? Ces transactions ont-elles un lien avec la mort de soldats Onusiens? Victime moi-même en son temps d’une visite nocturne dans mon ancien appartement à l’est de Cotonou, je n’ai eu la vie sauve que grâce à l’alerte donnée au voisinage.
 
C’est par la suite que des amis béninois, avec la bienveillance du président Kérékou, nous ont aidé à déménager dans un lieu plus sécurisé. De nombreux exilés ont vu leur vie déréglée, ne dormant plus la nuit. C’est le lieu de remercier les autorités et les peuples de ces divers pays d’accueil qui se substituent à la Côte d'Ivoire pour offrir aux exilés ivoiriens, la protection et la sécurité perdues au motif d’un seul délit : avoir professé une opinion différente de celle du pouvoir.
 
Militant des droits de l’homme, je ne peux que condamner les assassinats politiques et même toute tentative d’assassinat. Je continue de m’étonner que ces assassinats soient imputés à ceux qui se proclament héritiers de Houphouët-Boigny, cet homme qui disait que la vue du sang d’une guenon l’avait fait jurer de ne jamais verser une seule goutte de sang ! Président de la section du Meeci du Lycée Houphouët-Boigny de Korhogo, je lui avais rendu une filiale visite dans son village natal pour m’abreuver de sa sagesse plusieurs jours durant.
 
Je constate avec beaucoup d’amertume que le Rhdp tue le président Félix Houphouët-Boigny chaque jour un peu plus par des actions qui salissent sa mémoire. Il est urgent, dans ses conditions et plus que jamais, que soit entendu notre appel à la raison afin que tout le peuple ivoirien sorte, par un dialogue républicain, de ces graves contradictions où un régime peut se préoccuper du sort des apatrides avec un engagement émouvant, et traquer dans le même temps ses nationaux pour les assassiner, jusque dans leur exil de misère. Si on peut décréter que l’époque des conférences nationales est «dépassée», celle du dialogue républicain est une permanence démocratique des nations civilisées».
 
 
 
Recueillis par SYLLA A.