Anne Ouloto ( ministre et cadre de l’ouest) : “ Si Gbagbo doit revenir, il reviendra... Mais il revient à la justice d'en décider. Je suis heureuse qu’il soit en sécurité... "

  • 25/10/2013
  • Source : Le Patriote
Cadre de l’ouest du pays, Anne Désirée Ouloto était de la délégation conduite par le chef de l’Etat, le week-end dernier à Zwedru dans le cadre d’un conclave pour évoquer le retour de milliers de refugiés. Dans cet entretien, elle fait le point de la mission, détermine le cadre de retour de ces réfugiés tout en se projetant sur la réconciliation. Elle commente aussi l’actualité politique au RDR et au sein de l’alliance du RHDP.

Le Patriote : La crise militaro-politique est terminée depuis deux ans. Le pays a retrouvé la normalité. Pourquoi vos parents de l’ouest refusent-ils encore de rentrer au pays surtout ceux qui sont encore au Libéria ?
Anne Désiré Ouloto.
: Je voudrais d’entrée vous remercier, vous-mêmes et toute l’équipe dirigeante du Patriote pour cet intérêt que vous accordez à la situation de l’ouest en particulier et surtout à celle des réfugiés en général. Je crois que les refugiés ne refusent pas de rentrer en Côte d’Ivoire. C’est une question de processus et d’approche. Nous y étions récemment avec le Président de la République dans le cadre d’un conclave relatif à la sécurisation de nos deux frontières, les frontières Côte d’Ivoire – Libéria.

On a forcément abordé la question du retour des refugiés. En bon père de famille, le Président de la République a lancé un ultime appel. Un bon berger, c’est celui qui laisse ses 99 brebis en sécurité et qui va chercher la dernière qui est hors du troupeau, quand il en a 100. C’est en bon Père de famille que le Président de la République a ainsi agi. Le retour de ces personnes refugiées, pas seulement au Libéria, mais aussi au Ghana, ailleurs en Afrique et dans le monde est à l’ordre du jour. Et je crois que les choses avancent très bien. Je vous donne six mois, après on fera le bilan.
 
LP : Pourquoi après deux ans, c’est maintenant que le processus se met en marche ? Pourquoi avoir attendu si longtemps ?
ADO
: Vous savez que nous avions commencé avec plus de 100.000 refugiés. Aujourd’hui nous sommes à 58.000 réfugiés. Les retours se font progressivement. Organiser le retour de ces refugiés, est aussi une question budgétaire, au-delà de la volonté politique.
Le SAARA, fort heureusement y travaille en collaboration avec nos partenaires du HCR et des Nations Unies qui soutiennent et accompagnent la Côte d’Ivoire. Il ne faut pas oublier que ces personnes réfugiées qui sont parties au Libéria, y sont quelques fois depuis 2002.

Ce ne sont donc pas des refugiés uniquement de la crise postélectorale. Deuxièmement, ces personnes qui y sont depuis 10 ans, 8 ans, 5 ans ou même un an ont perdu quelque peu leurs repères. Elles reviendront en Côte d’Ivoire parce qu'elles le souhaitent fortement. Leurs parents ici dans leur villages d’origine le souhaitent également.
Mais quand elles vont revenir, il faudra qu’elles vivent dans la dignité, dans leur résidence, qu’elles puissent se nourrir, nourrir leur famille.... Au Libéria, elles sont tout de même assistées et prises en charge en partie par les humanitaires. Certaines parmi ces personnes, ont quelques fois des lopins de terre autour des camps qui leur permettent de vivre de façon plus ou moins acceptable.

Comment reprendre tout cela et repartir de zéro en rentrant au pays? C'est là l'enjeu! Ceci demande naturellement l’implication de l’Etat et c’est en ce moment-là que le ministère en charge de la Solidarité intervient justement pour cette réinsertion réussie de nos déplacés internes et réfugiés. A cet effet, nous envisageons très prochainement une rencontre avec tous les acteurs concernés afin de rendre nos programmes cohérents et faire en sorte que ce retour de nos réfugiés ou de nos déplacés internes vers leurs résidences d’origine connaisse un succès grâce à un programme d'accueil et de réinsertion.
 
LP : Justement il a été question lors de la rencontre au Libéria le week-end dernier du retour de 16.000 refugiés. Comment cela va se passer concrètement et ça va tenir sur combien de temps ?
ADO
: C’est pour cela que je vous ai annoncé déjà que nous organiserons une rencontre avec nos partenaires du SAARA (Service d’Aide et d’Assistance aux Réfugiés et Apatrides, ndlr).
C'est une structure, qui dépend du ministère des Affaires Etrangères, avec également le ministère de l’Intérieur et le HCR, pour la mise en place d’un programme cohérent qui consistera à accueillir tous ces réfugiés et/ou déplacés qui rentreront chez eux, et à organiser en collaboration avec les collectivités locales, les cadres de ces régions et les ministères techniques concernés, un accueil et leur réinsertion socio-économique.

Il est indispensable que l’Etat encadre les activités liées au retour des réfugiés. Et nous allons assumer nos responsabilités en la matière. Je voudrais en tout cas rassurer tout le monde. Désormais, nous sommes en charge de la question des victimes de guerre. Ces réfugiés qui rentrent font partie naturellement de cette population plus ou moins sinistrée de cette crise. Il est tout à fait indiqué que le ministère en charge de la Solidarité s’implique fortement dans l'accueil de nos réfugiés qui reviennent, dans l’intérêt justement de la cohésion sociale, de la réconciliation nationale et de la paix.
 
LP : Concrètement, qu’allez-vous faire, un cas pratique ?
ADO
: Nous pensons que ces personnes qui rentrent chez elles, doivent être accueillies. Ce qui n'est pas le cas actuellement. Les choses ne se sont pas faites dans les normes à ce niveau. Ce sont les leçons que je tire de ce que j’ai eu à constater personnellement, étant moi-même fille de l’ouest. Il faut absolument qu’il y ait un retour organisé tant au départ qu'à l'arrivée. Les réfugiés arrivent, se fondent dans la population qui réside, retrouvent leurs parents, etc. Les structures qui ont contribué à leur rapatriement, leur offrent des kits.

Ce qui leur permet de subsister juste quelques jours. Et au-delà de cela, malheureusement, ces réfugiés rentrés au bercail, se sentent quelque peu abandonnés, un peu perdus. Parce que, n’ayant plus de repère. Les ministères en charge de l’Intérieur, de l’Agriculture s’activent pour régler les problèmes de conflits fonciers. Parce qu’à la faveur de cette crise, certains réfugiés déplorent le fait que leurs plantations aient été récupérées par des membres de leur famille, ou que ces derniers les aient vendues à des tiers.... Ces questions doivent être réglées.
C’est pour cela que je parle de mise en commun de programmes cohérents, dans le cadre de ce retour des réfugiés. Il importe que ces personnes qui rentrent soient d’abord recensées au plan local, dès leur arrivée, et que leurs problèmes soient identifiés avec les autorités préfectorales, avec les chefs de communauté, les élus locaux et les cadres, pour un retour définitif et réussi.

Il est important d’organiser dans chaque village, dans chaque Sous-préfecture des comités d’accueil pour le retour. Ce qui voudra dire que ces personnes auront la possibilité d’être écoutées et d’être accompagnées dans la résolution de leurs problèmes, au cas par cas. Et le ministère en charge de la Solidarité va y jouer un rôle essentiel. La semaine prochaine déjà, je vous l’ai annoncé, tous les partenaires, toutes les parties prenantes, auront une réunion pour bien maîtriser les étapes de ce retour réussi.

La première étape concerne le ministère des Affaires étrangères et le ministère de l’Intégration africaine qui organisent les retours. Mais une fois que ces retours sont effectifs, l’accueil doit être pris en main par le ministère de l’Intérieur et le ministère de la Solidarité. Cette deuxième étape concerne donc l’accueil, le recensement des ex-réfugiés et l’identification de leurs préoccupations. La troisième étape consistera en la résolution des problèmes posés et à la réinsertion socio-économique. Et là encore, le ministère de la Solidarité interviendra.

Nous y avons travaillé et c’est pour cela que ces trois étapes pour moi, sont essentielles. La troisième étape concerne aussi d’autres ministères sectoriels, le ministère de l’Agriculture, le ministère de la Jeunesse, le ministère du développement animal et halieutique, le ministère des Eaux et Forêts et toutes ces structures qui sont en charge des questions de prises en charges et de réinsertion socioéconomique, par la réalisation d’activités génératrices de revenus.

De petites activités qui permettront à ces familles de retrouver leur dignité et qui d’ailleurs, in fine, permet le respect de leurs droits, comme le gouvernement le souhaite. Le ministère en charge des droits de l’homme est donc également concerné. C’est ce que nous proposons à nos refugiés. Ils ont compris nos préoccupations. Nous allons initier une série de rencontres à l’effet de mettre tout le monde d’accord autour de ce projet.
 
LP : L’une des préoccupations est la question de l’occupation des terres. Est-ce que vous envisagez la rétrocession des terres aux réfugiés à leur retour ?
ADO
: Ecoutez, nous avons une réglementation en la matière. Force restera à la loi. La loi sera appliquée. Nous avons une justice aujourd’hui crédible, nous avons des autorités administratives qui y travaillent. Je pense que ces problèmes seront résolus au cas par cas. Pour notre part, nous veillerons à ce que les choses se passent dans l’intérêt de la cohésion sociale et de la paix.
 
LP : Combien de temps vous donnez-vous pour réussir cette mission ?
ADO
: si je considère la masse de réfugiés que nous avons encore au Libéria, au Ghana, au Togo et ailleurs en Afrique et en Europe, il nous faudra encore du temps. Je tiens à faire cette précision, il s’agit de retour volontaire. Un réfugié qui ne veut pas rentrer chez lui pour une raison ou pour une autre, c’est une autre question. Mais celui qui veut rentrer au pays, il peut le faire sans délai. Il ne s’agit pas de délai pour le retour. Mais, pour leur réinsertion, ce sera en fonction de nos disponibilités financières et dans le cadre d’un processus qui sera déployé.

Je pense que plus tôt ces refugiés viendront, mieux nous pourrons comprendre et cerner leurs préoccupations. Nous pourrons de façon progressive dérouler notre programme. Ce qui est important, c’est que ces personnes rentrent chez elles. On est mieux que chez soi n'est-ce pas! La Côte d’Ivoire nous appartient tous. C’est notre pays. Quand vous êtes dans votre pays, je pense qu’avec la présence de l’Etat, avec la présence des élus locaux, avec la présence de vos parents, vous retrouvez déjà votre dignité. Petit à petit, ensemble, main dans la main, dans une approche d’entraide nous pourrons, chacun, apporter une contribution pour que ces ex-refugiés puissent se prendre en charge.

Je crois que c’est d’abord le retour qui importe. Le reste, c’est une affaire de collaboration entre l’Etat et ces familles. C’est une question d’exécution de nos programmes d’activités. Le Président de la République n’attend que les propositions que nous lui ferons. Il n’arrête pas de demander à ses frères qui sont à l’extérieur de venir. Ce n’est pas pour qu’ils rentrent et soient confrontés à la faim, ce n’est pas pour qu’ils vivent dans l’humiliation.
C’est parce qu’il pense qu’ils doivent contribuer à cette marche vers l’émergence économique de notre pays qu’il demande à tous d’y participer. C’est par le travail que nous y arriverons. Chacun d’entre eux travaillera, notamment dans le domaine agricole.

Leur retour favorisera la sécurité alimentaire par le déploiement de tous nos programmes agricoles. Nous avons besoins d’eux dans ce cadre. Les autres pourront dans leurs secteurs d’activités contribuer aussi au travail national et à l’émergence de la Côte d’Ivoire. C’est pour cela qu’il est temps qu’ils viennent. Il faut qu’ensemble nous nous mettions tous au travail et qu’ensemble autour du travail nous réglions cette question de cohésion sociale et de paix. Quand on ne travaille pas, quand on est pauvre et qu’on a faim, il est difficile de parler de cohésion sociale.

Tous les travers de la société naissent de la pauvreté. Il faut régler cette question de pauvreté, mais il faut la régler en même temps et de façon équitable, vis-à-vis de tous les Ivoiriens. Si nous réglons la question de la pauvreté avec seulement ceux qui vivent en Côte d’Ivoire, quel sera notre mérite ? Quand on sait qu’il y a des milliers d’Ivoiriens hors du pays. C’est avec eux que ce problème de lutte contre la pauvreté doit être abordé.
 
LP : On imagine que tout ce processus a un coût. Combien cela va-t-il coûter à l’Etat de Côte d’Ivoire ?
ADO
: Il s’agit d’une activité transversale. Mais croyez-moi, quel que soit le coût, l’Etat en toute responsabilité, assumera. L’Etat prendra sa part et pleinement. Nous avons aussi des partenaires au développement qui nous aident. Je vous ai parlé du HCR. Mais il y a aussi les structures de l’Etat qui ont été mises en place pour aider à la prise en charge de ces réfugiés et de ces déplacés internes.
Dans notre ministère, nous avons aussi la lourde mission de proposer au gouvernement des stratégies de recherche de financement pour les réparations et la réinsertion socioéconomique de nos victimes.

Nous y travaillons. Des personnes de bonne volonté, que ce soit en Côte d’Ivoire ou ailleurs, veulent accompagner notre pays. Tous attendent simplement que les refugiés reviennent. Nous avons des projets d’activités régénératrices de revenus (AGR). J’ai ici un rapport d’une étude que nous avons demandée au BNED pour identifier des activités régénératrices de revenus des personnes déplacées internes dans le District d’Abidjan. Une autre étude est en cours pour les populations vivant en milieu rural. Vous savez qu’avec 400000, 500000,600000 FCFA, une famille reprend sa vie normale.

Ce n’est pas cela que l’Etat ne peut pas leur apporter. Nous avons aujourd’hui la possibilité d’accompagner ces victimes. Nous allons commencer ces projets avec les déplacées internes du District d’Abidjan. Mais il faut en même temps que cela leur permette de retrouver leur dignité, de regagner leur résidence d’origine pour être rassurés. Il faut que l’Etat lui-même ait finalement conscience d’avoir joué son rôle qui est celui de protéger ses citoyens, celui de soutenir ses populations. C’est à cela que l’Etat travaille.
 
LP : Pensez vous que ce retour massif va mettre fin aux attaques récurrentes auxquelles l’on a assistées à la frontière entre le Côte d’Ivoire et le Libéria ?
ADO
: Les attaques ont déjà cessé. Il y a eu beaucoup de manipulations et d’interférences. Certaines personnes ont voulu exploiter les difficultés de nos jeunes. On ne peut pas expliquer ces attaques qui ont causé du tort et du retard à la région. L'homme qui a faim n’est pas un homme libre, nous a enseigné feu le Président Houphouët-Boigny. Vous croyez que ces personnes qui attaquaient n’ont pas la fibre nationaliste ? Ces personnes qui ont attaqué l’ont fait parce que moi je considère qu’elles ont des problèmes, elles ont faim et elles ont été manipulées.

Quand un jeune vous dit : «madame le ministre, vous êtes des nôtres, vous nous demandez de rentrer. Mais voilà tel ancien du village, ou tel ancien adversaire occupe ma plantation, il saigne mon hévéa, il ne veut pas que je revienne».
Ce sont des choses qu’on doit régler. C’est la raison pour laquelle je parle de retour réussi et d’étape d’accueil. C’est très important. Il n’est pas normal que ceux qui, par peur, sont allés au Libéria, ou parce qu’ils ont plus au moins participé à cette crise-là, soient expropriés de leurs biens par ceux qui sont restés ici et menacent de les dénoncer à la police, s’ils reviennent au pays. Ici en Côte d’Ivoire, vous avez toutes ces personnalités du FPI qui font de la politique et qui donnent de la voix, pourquoi diantre ces anonymes qui n’ont rien à voir avec la direction du FPI qui a commanditée tout ce qui s’est passé, doivent-ils payer pour les fautes du FPI? Il faut qu’ils rentrent.
 
LP : Ne seront-ils pas poursuivis par la justice s’ils rentrent ?
ADO :
Le processus est en cours. Le Président de la République a suffisamment donné de gages à ces populations en leur demandant de rentrer. Par la suite, même si la justice doit suivre son cours, ce qui doit être fortement souhaité et recommandé par tous, des mécanismes pourraient être appliqués. Parce qu’un Etat sans justice est un Etat condamné au désordre et aux guerres.
C’est un Etat qui va droit à la mort. Notre Etat doit vivre. Pour vivre, il faut que nous soyons un Etat de droit. La justice oui, mais par la suite, nous avons tout de même un processus de réconciliation en marche. A quoi nous ramène le processus de justice ? Il nous ramène au respect des droits humains, à la reconnaissance de la faute commise, au pardon, au repentir et enfin à la réconciliation.

Je comprends celui qui dit : « je ne veux pas que la justice se prononce pour une faute que j’ai commise, je ne veux pas être condamné, je ne veux pas aller en prison ». C'est vrai que la prison fait peur. Mais en même temps est-ce que vous pensez à l’enfant de ce monsieur qui a été tué, à ce monsieur qui a vu celui qui a brûlé sa maison, celui qui a détruit ses biens ?
Et qui aujourd’hui, est dépouillé de toute dignité ? Quel est le ressentiment de ce monsieur ? En disant aujourd’hui, laissons tomber pas question de justice, qu’ils rentrent et on passe tout ce qui s’est passé par pertes et profits sans en tirer les leçons, vous verrez que nous allons nous engager dans un cycle de violence, dans un cycle de vengeance. Nous ne sommes pas dans un no man’s land.

Nous sommes dans un Etat de droit. C’est la Côte d’Ivoire, un grand pays qui veut être un pays de référence. Si vous voulez être un pays de référence et que vous ne savez pas être un Etat de droit, et que vous ne créez pas dans votre pays un climat de sécurité, de justice entre vos populations, vous ne méritez pas de diriger la Côte d’Ivoire. La capacité à diriger un Etat, c’est aussi la capacité à organiser la vie dans cet Etat-là. Et à créer des conditions de vie dans cet Etat, à créer un code de conduite, à faire respecter nos lois que nous nous sommes données.

Quel est ce pays dans le monde qui accepte qu’on tue ? Aucun Etat ne l’accepte! Quelques soient nos considérations, nos appartenances religieuses, aucune religion n’accepte le crime, n’accepte qu’un homme tue son semblable, qu’un homme fasse du mal à son semblable. Toutes nos religions prônent l’amour, la miséricorde et la justice. Dieu est justice. Le drame auquel nous sommes confrontés c’est que nous entendons, et ça j’ai mal quand je l’entends, nos frères du FPI agir et parler comme s’il ne s’était rien passé en Côte d’Ivoire.
 
LP : Quelle lecture faites-vous de leurs discours, pour des gens qui viennent de sortir de prison ? Comment jugez-vous leur attitude?
ADO
: C’est irresponsable. Vous voyez bien pourquoi ils ont perdu le pouvoir, pourquoi les Ivoiriens ne leur ont pas accordé leurs suffrages en 2010. C’est parce qu’ils ont failli. Ils n’ont pas appris aux Ivoiriens le vivre ensemble. Le vivre ensemble, c’est le respect de l’autre. Le vivre ensemble, c’est le respect de la loi. Le vivre ensemble, c’est l’amour, c’est le pardon, c’est la reconnaissance de ses fautes. C’est la repentance aussi, le vivre ensemble. Il faut que le FPI reconnaisse qu’il a failli. Aujourd’hui au lieu de cela, ils tiennent un discours tout autre.

Vous pensez qu’Affi N’Guessan aime Laurent Gbagbo plus qu’Alassane Ouattara ? Pensez-vous que Affi N’guessan, Odette Lorougnon ou Miaka Oureto aiment Laurent Gbagbo plus que moi, plus que Amadou Soumahoro, plus qu’Henri Konan Bédié ? Nous sommes tous frères. Parce qu’ils sont FPI, quelle est la preuve qu’ils aiment Laurent Gbagbo ? S’ils aimaient Laurent Gbagbo, ils auraient demandé pardon aux Ivoiriens.

Ils n’aiment pas Laurent Gbagbo, je suis désolée. Ils veulent sacrifier Laurent Gbagbo pour leur propre personne. C’est dommage. Je ne peux pas comprendre que ces personnalités aient été incarcérées. Il faut rappeler qu’elles ont été mises aux arrêts dans un contexte bien précis. Nous, nous les avons accueillis à l’hôtel du Golf.
Je ne suis pas sûre que l’accueil que nous leur avons réservé aurait été celui qu’eux, nous auraient réservé si la tendance avait été inversée. Nous nous sommes dépouillés pour eux, nous leur avons donné des habits de rechange, nous avons partagé nos maigres repas que nous avions ce jour-là. Nous nous sommes privés pour eux après avoir passé une journée sans manger, parce que nous n’avions presque plus de vivres.

C’était une ration par jour. Au moment où on devait manger à 18h, le Président Alassane Ouattara a ordonné que nos repas soient donnés aux responsables du FPI. Nous avons attendu pour manger plus tard, après minuit. Sont-ils sûrs qu’ils nous auraient réservé cet accueil ? Ils ont été protégés par le Président Alassane Ouattara, par le Premier ministre d’alors, Guillaume Soro et par nous tous.
 
LP : Pourtant, ils font croire qu’ils ont été maltraités et torturés.
ADO
: ils auraient été maltraités par qui et pour quoi? Vous savez, les circonstances dans lesquelles ces personnalités ont été prises dans le bunker de M. Laurent Gbagbo.
Elles ne seraient pas sorties vivantes dans ces conditions. On était en guerre. C’est parce qu’elles sont vivantes qu’elles parlent. Mais qu’elles aient le courage et l’honnêteté de reconnaitre que les jeunes qui les ont pris là où ils étaient, avaient mal de voir ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire. Malgré tout, ils ont été bien encadrés par les autorités et par des chefs militaires, ils doivent le reconnaitre. Cela a été fait en toute responsabilité.

Tout le monde a vu le Commandant Touré Hervé protéger Laurent Gbagbo. Personne ne peut parfois canaliser les effets de foule. Malgré tout cela, ils ont été protégés et leur dignité a été préservée. Les premières images qui sont apparues sur internet et même à la télévision ont disparu quelques instants après leurs diffusions. Parce qu’il s’est trouvé un homme, le Président Ouattara, pour dire ce sont des frères arrêtez çà.

L’auraient-ils fait, eux ? Moi, j’ai honte de voir d’anciens responsables de la Côte d’Ivoire parler avec tant de légèreté. Ce n’est pas juste. Il faut dire la vérité aux Ivoiriens. Mais mieux, il faut reconnaitre ce qui s’est passé. Ne pas reconnaitre ce qui s’est passé, est un crime, je considère. C’est une faute impardonnable. Parce que si le FPI ne reconnait pas qu’il y a eu des tueries, si le FPI ne le reconnait pas, ce n’est pas pour remuer le couteau dans la plaie, mais pour aller à la paix, nous sommes obligés de parler de vérité et dans la vérité.
 
LP : Pensez-vous que l’attitude des cadres du FPI est un frein à la réconciliation ?

ADO : cette attitude est un frein à la réconciliation. Mais leur attitude n’empêchera pas la réconciliation. Parce qu’ils sont minoritaires et les Ivoiriens veulent la réconciliation. Aujourd’hui, beaucoup de militants du FPI ne partagent pas cette approche de l’équipe dirigeante actuelle. Il faut savoir épouser l’air du temps. L’air du temps, c’est la réconciliation, c’est le pardon.

Demandez pardon, n’est pas un signe de faiblesse, au contraire. Seuls les grands hommes savent demander pardon. Et tous les grands hommes de ce pays ont demandé pardon. Henri Konan Bédié a demandé pardon, Alassane Ouattara a demandé pardon. Soro Guillaume l’a fait. Tous autant que nous sommes, nous avons demandé pardon. Qui, diantre, est Affi N’Guessan pour ne pas demander pardon aux Ivoiriens ?

Il est le président du FPI. Et le FPI a été au pouvoir de 2000 à 2010, il y a eu des atrocités dans ce pays. On évoquait il y a quelques jours la mort de Jean Hélène. Il a été tué sous le règne de Affi N’Guessan et de Laurent Gbagbo. Des Ivoiriens ont été brûlés à Yopougon. L’article 125, c’était sous le règne du FPI de Laurent Gbagbo. En toute responsabilité, Affi N’Guessan doit demander pardon aux Ivoiriens.
Personne n’a envie de le voir en prison. Personne ne veut qu’il retourne en prison. Nous voulons tous qu’il se remette au travail. Il faut que le FPI apprenne à travailler. Pendant dix ans, leur gouvernance n’a pas permis au pays d’avancer.

Le pays a régressé. Regardez comment des membres du gouvernement travaillent. Tous ceux qui ont été membres d’un ancien gouvernement disent qu’ils n’ont jamais vu des ministres travailler autant. Le Président de la République surtout travaille. Il suit personnellement les dossiers. Le Premier ministre, n’en parlons pas. Cela veut dire qu’avant, il n’ y a pas eu de travail. Affi N’Guessan, Odette Lorougnon, tous ceux-là, ces gens du FPI, ils peuvent travailler. Pourquoi ne travaillent-ils pas ? Ils parlent, les Ivoiriens sont fatigués des discours.

On veut aujourd’hui des résultats. Qu’est ce que vous êtes capables de montrer aux Ivoiriens ? Vous voulez revenir au pouvoir, il n’y a pas de problème. La démocratie peut vous permettre de revenir au pouvoir. Mais, montrez aux Ivoiriens que vous savez travailler. Vous ne savez pas le faire. Il est temps que chacun se remette en cause. Il faut qu’ils arrêtent de diviser les Ivoiriens. Je ne sais pas s’ils ont le retour de leurs activités. Les Ivoiriens se demandent de quelle planète viennent-ils ? Parce que les choses avancent.
 
LP : Sans le président Gbagbo.
ADO
: Si Gbagbo doit revenir, il reviendra. Je ne suis pas juge. Mais il revient à la justice d'en décider. Je suis heureuse qu’il soit en sécurité. Qu’il mange bien. Qu’il vive bien. Qu’il soit soigné. Et ça déjà, ça me réjouit. Ça réjouit le Président Alassane Ouattara. Ça réjouit le gouvernement.
Et je pense que tous les Ivoiriens sont déjà contents pour cela. Maintenant on est dans le processus de réconciliation, ça n’empêche pas que la justice dise ce qui s’est passé.
Moi, je fais référence souvent aux grands hommes de Dieu. Prenez le Pape Jean-Paul II qui a manqué d’être tué dans son pontificat par un de ses fidèles. La justice a fait son travail. Mais, est-ce que cela a eu un effet dans la relation entre Jean-Paul II et ce monsieur ? C’est ça la fraternité, la relation entre deux personnes. Pour moi, c’est ce qui importe. Mais la faute commise, il ne faut pas l’oublier

Parce qu’elle ne doit plus se répéter. Si on ne juge pas, on ne reconnait pas. Maintenant qu’Affi N’Guessan, comme c’est lui qui peut parler aujourd’hui au nom de Gbagbo, dise aux Ivoiriens ce qu’il pense de l’article 125. Que pense-t-il des jeunes gens qui ont été brulés ? Que pense-t-il de ces femmes qui ont été massacrées à Abobo ? Voilà les questions qu’on doit lui poser. Je veux qu’il réponde à ces questions. Après il verra si lui-même est à l’aise avec sa propre conscience. Cela fait mal. Nous sommes des politiques contemporains.

Mais ce n’est pas ça la politique. Il faut respecter l’homme. Il faut respecter la vie. Si vous êtes dirigeant et que sous votre règne, une seule personne trouve la mort, vous ne pouvez pas être heureux. Regardez comment le gouvernement a été proche de ces victimes du 1er janvier. On a tout arrêté pour soutenir les familles. Prochainement, une mission du ministère de la Solidarité sera à M’Batto, parce que dix Ivoiriens ont péri au cours d’un accident.

Quand des populations de la région de l’ouest ont été victimes d’attaques, qu’elles étaient dans la détresse, j’ai été dans cette localité pour passer une semaine avec ces populations. Le Président de la République a offert des vivres et des non-vivres à ces populations. Cela veut dire que lorsque vous êtes à la tête du pays, tout ce qui s’y passe, est de votre responsabilité. C’est pour cela que je me permets d’interpeller le FPI. Parce que ce qui sort de leur bouche aujourd’hui est de notre responsabilité. Nous devons les encourager à changer de discours.
 
LP : En faisait quoi ?
ADO
: En les interpellant. En dénonçant ce qu’ils font. En prenant l’opinion à témoin. En les invitant à la table de concertation comme le fait le gouvernement. En les invitant à rentrer dans la République. En les invitant à aimer leur pays et à respecter les Ivoiriens. Quand on aime son pays, on ne donne pas une allumette, et de l’essence à des enfants. On ne les endoctrine pas.

On ne les instrumentalise pas. On leur apprend à travailler. Tous ces jeunes qui ont animé les Agoras, la Sorbonne, lequel vit sous son propre toit ? Tous vivent dans les salons de leur grand-frère, de leur cousin ou dans les maisons précaires. Qu’ont-ils appris pendant dix ans ? Voilà le bilan que je veux qu’on demande au FPI. Ils doivent demander pardon aux jeunes pour ça.

Tous ces jeunes qu’on a amènés dans les stades pour les inciter à la haine et qui aujourd’hui ne savent plus travailler, ne savent même pas monter un projet pour bénéficier des fonds qui sont mis à leur disposition. Vous pensez que ces jeunes-là sont fiers ? Et vous pensez que leurs familles sont contentes ? Un père qui voit son enfant grandir et qui aujourd’hui est à la retraite, se demande si demain son enfant pourra prendre ses funérailles en charge. Il faut que le FPI arrête. On travaille, on fait avancer le pays. Et puis on fait de la politique. La vraie politique. On les attend sur ce terrain là.
 
LP : Vous avez dit tantôt que nous sommes en période de réconciliation. La CDVR avait pour mission de réconcilier les Ivoiriens. Pour beaucoup d’Ivoiriens, son bilan n’est pas satisfaisant. Partagez-vous cet avis ?
ADO
: Je n’ai pas d’éléments probants. Je n’ai pas de rapport pour me permettre d’apprécier. Ce que je sais, c’est qu’aujourd’hui en tant que ministre de la Solidarité en charge des victimes de guerre, il y a problème. Je ferai ma part. Vous savez, j’ai été à Zwedru avec le Président de la République, j’ai vu ce conclave de discussion entre des chefs, entre des jeunes et des femmes.
C’était formidable. Il faut copier ce qui marche. On ne peut pas refaire le monde. Ce qui a marché à Zwedru, ces échanges, cette convivialité, ce consensus, cette fraternité qu’on a vues, doivent être appliqués dans nos localités. Vous vous imaginez ! Les gens peuvent se parler, ce n’est pas sorcier. Mais, je ne sais pas la démarche de la CDVR. Je n’ai pas d’éléments palpables. Mais, je les inviterai aussi à la prochaine rencontre. Je vous ai dit que nous aurons une réunion avec toutes les parties prenantes pour un retour réussi des déplacés internes et des réfugiés. Je crois qu’il y a tout de même une bonne dose d’énergie que nous devons mettre dans la CDVR. Ça je le pense et je l’assume.
 
LP : La réconciliation c’est aussi la prise en charge des victimes, notamment les victimes du RDR qui ont payé le lourd tribut de la guerre. Ils se disent abandonnés. Que leur répondez-vous ?
ADO
: les militants du RDR n’ont pas à se sentir abandonnés. Nous ne voulons pas suivre l’exemple des autres. Les victimes ne sont pas uniquement du RDR. Nous, nous prônons le vivre ensemble, le partage avec les autres. C’est ce vivre ensemble qui se retourne contre nous. Mais, je leur demande de nous faire confiance. C’est un peu comme l’histoire de l’enfant prodige.
Le bon père de famille, il y a un de ses fils qui vient lui dire : « papa, je veux partir pendant que l’autre a toujours soutenu son père. Il a été le plus gros travailleur. Le plus paresseux vient, il dit qu’il veut sa part d’héritage. Le père naturellement lui donne sa part d’héritage, il part. Il revient plus tard. C’est quand même le fils, le père est heureux. Il dit : «mon fils, viens». On tue le veau gras et vous voyez que le fils qui est resté là, qui a souffert avec le père, qui a travaillé dur avec les ouvriers dans les champs, revendique. Il dit : « papa, mais ce n’est pas possible.

Et moi qui étais là ? Tu n’a jamais même tué un cabri pour moi ! Et c’est le veau gras que tu vas donner à ce vaurien. » C’est ce que disent les militants du RDR à Alassane Ouattara. Il faut leur dire de lui faire confiance. Le Président Alassane Ouattara qu’ils ont connu président du RDR, notre mentor n’a pas changé. Et aujourd’hui, il travaille plus pour la dignité du RDR. Parce que tout le monde se souviendra que celui qui a pris le pays de 2010 à 2015 et certainement jusqu’à 2020, qui a été le président du RDR, a réconcilié les Ivoiriens, a traité les Ivoiriens de façon égale, de façon juste en bon père de famille.
 
L.P. : Actuellement les militants se plaignent de vous. Ils disent que vous êtes inaccessibles, vous les cadres.
ADO.
: C’est possible. Moi, je considère que chaque fois que quelqu’un me fait un reproche, j’essaie de comprendre la personne. Vous savez, quand quelqu’un vit une situation de détresse, il a des difficultés. Il ne sait pas comment payer son loyer, comment payer ses factures. Il n’a pas forcément la même lucidité que vous. Donc je comprends cette impatience de nos militants.
C’est pour cela que je dis d’ailleurs que nous devons, nous responsables, nous asseoir et nous rendre disponibles. S’ils disent qu’on n’est pas disponible, on se rendra disponible. En tout cas, je ferai ma part. Et bientôt, ils comprendront que je ferai ma part pour les rassurer davantage. Mais qu’ils sachent que je ne suis plus Secrétaire nationale à la solidarité. Il y a aujourd’hui une équipe intérimaire qui dirige le RDR.

Certains m’appellent directement. Quand je peux régler des questions au cas par cas, je le fais. Mais il appartient à la direction actuelle de s’organiser, je pense qu’elle le fait. La situation est tellement difficile que je comprends que cela ne soit pas facile. Parce qu’il est temps, qu’on se rasseye et qu’on reprenne les choses en main. Qu’on reprenne nos militants et moi je ne suis pas d’accord pour que les militants du RDR se sentent abandonnés.
Ça veut dire qu’un enfant, quand il dit : « papa, tu m’abandonne, tu vas au travail, je reste seul », ça interpelle le père. Donc il faut revoir nos relations avec nos militants. Je suis d’accord avec ça. Mais je voudrais leur dire de faire confiance et au Président de la République et à leurs responsables qui sont au gouvernement. Il n’y a rien de plus décevant que d’apprendre qu’un cadre de votre parti a été appelé au gouvernement et qu’il n’a pas produit de résultats. Il faut qu’ils prient pour nous, il faut qu’ils nous soutiennent, nous qui sommes au gouvernement pour qu’on aide les Ivoiriens.

Je prends référence sur ceux qui ont récemment quitté le pouvoir. Quand on vous dit que le FPI a été pendant dix ans au pouvoir et qu’il n’a pas donné de résultats, mais ça fait honte aux militants du FPI. Parce que les gens disent qu’ils ont passé dix ans à bavarder, à faire danser les Ivoiriens, à animer les Agoras, à créer des bars climatisés, à créer l’insalubrité, le désordre et je peux même dire la débauche. Regardez aujourd’hui quand vous allez dans certains bars, les habitudes que les Ivoiriens ont acquises, l’alcoolisme. Ça, ce sont les conséquences du populisme. Aujourd’hui avec le Président Ouattara, qu’est ce que nous disons aux Ivoiriens : le travail, les résultats, des routes, des infrastructures.

J’entends dire au FPI que le pont de Jacqueville, c’est nous qui avons initié ça. D’accord, pourquoi, vous n’avez mis qu’une brique ? Ils disent que le troisième pont, ce sont eux qui ont signé, mais où étaient les briques ? Tous ces projets, ce sont les projets d’Houphouët-Boigny. Ça ne vient pas d’ailleurs. Tout ce que Houphouët-Boigny a laissé en 1993 à Alassane Ouattara, c’est ce que le FPI a trouvé, ils en ont fait quoi ? Celui qui a conçu avec Houphouët-Boigny, va terminer. Vous ne pouvez pas mener une politique sur les projets des autres.

Le drame en plus, ils ont parlé de refondation. Vous parlez de refondation et vous voulez vous appuyez sur les fondations des autres. Je ne comprends pas cette politique de refondation. Voilà où ça nous a amenés. Parce que c’était une succession d’imbroglios, des choses qu’on ne comprenait pas. Une refondation sur les fondations des autres. Ça n’amène à rien. Il faut avoir l’humilité de reconnaître que seul on ne peut pas. C’est important. Donc, je dis à nos militants, ce que nous recherchons, c’est l’image du RDR. Le RDR a tellement souffert.
On nous a traités de parti de dioulas. Est-ce que moi, je suis dioula ? Aujourd’hui le monde a vu que le RDR n’est pas un parti de dioula. Ils ont traité le RDR de parti islamiste, qui va envoyer Al qaida en Côte d’Ivoire. Qui aujourd’hui combat le terrorisme en Afrique ? Alassane Ouattara. Ils ont dit que le RDR allait brûler les églises en Côte d’Ivoire. Pendant ce temps, ils ne savent même pas qui est Alassane Ouattara.

Ils ne savent même pas que son épouse est catholique et qu’il l’accompagne à l’église quand il le peut. Ils ne savent même pas que les enfants d’Alassane Ouattara sont des chrétiens. Ils ne savent pas que moi Anne Ouloto, je suis catholique. Et qu’Alassane Ouattara m’aime comme il aime Amadou Gon, musulman, ou Hamed Bakayoko, musulman. Ils ne savent pas que Jeanne Peuhmond est catholique et qu’elle est la conseillère d’Alassane Ouattara. Mais attendez, quelle est cette politique mensongère ? Quelle est l’église qui a été brûlée aujourd’hui en Côte d’Ivoire ? Qui est en train de terminer l’hôpital catholique Saint-Joseph Moscati de Yamoussoukro, un projet dans le cadre de la construction de la Basilique qui a été pensée par le président Houphouët-Boigny ? Qui a permis que Moscati soit achevé ? C’est Alassane Ouattara. Pourquoi n’a-t-il pas brûlé Moscati ?

Dans Moscati, il y aura une chapelle, elle est à côté de la Basilique. Le FPI n’a-t-il pas dirigé pendant dix ans la Côte d’Ivoire avec à sa tête des chrétiens, Gbagbo Laurent et son épouse, qui sont les fruits de l’église catholique même s’ils sont devenus par la suite évangéliques ? Malgré tout, ils n’ont pas construit Moscati. Qui le construit aujourd’hui ? Un musulman. Les militants du RDR doivent être fiers de leur Président.

Ils ont de la matière pour confondre les autres. Il ne faut pas se laisser abusés par les autres. Les autres viendront leur dire : « tu as porté Alassane Ouattara au pouvoir et tu es toujours dans même SICOBOIS-là ? » Il faut dire : « Oui, c’est pour que je sorte de SICOBOIS avec toi qu’Alassane Ouattara travaille ». Il faut que le militant du RDR dans son SICOBOIS, s’il y est toujours, dise au FPI, toi, Gbagbo t’a laissé dans SICOBOIS pour partir, moi Alassane Ouattara ne me laissera pas dans SICOBOIS, c’est pour cela qu’il construit des maisons économiques pour que demain, je sois dans une maison économique. C’est pour cela qu’il fait venir les investisseurs pour que demain, j’aie du travail et je sorte de SICOBOIS. Il faut que nos militants soient patients. La patience est un chemin d’or. Je n’avais même pas imaginé le degré de la catastrophe que le FPI avait laissée la Côte d’Ivoire.

On était tombé bien bas. Quand je suis arrivé en 2011 au ministère de la Salubrité urbaine, il n’y avait ni matériel de travail, ni archives. Aucun document, aucun matériel informatique, aucun véhicule. Et c’était la même chose dans tous les ministères. Tout a été pillé. Les investisseurs étaient partis. Personne n’avait confiance en la Côte d’Ivoire. Il n’y avait rien. Repartez au ministère de la Salubrité urbaine, tout est équipé avec des véhicules, avec une brigade de salubrité qui fonctionne. Quand vous arrivez ici au ministère de la Famille, c’est la même chose. Ma collègue qui arrivait dans ce ministère, n’avait rien trouvé non plus. Mais, aujourd’hui repartez dans les ministères, dans les bureaux et on continue de nous équiper.

Il n’y avait pas de véhicules dans les commissaires. Il n’y avait même pas de radios pour les policiers, à la gendarmerie. Au niveau de la santé et de l’éducation, n’en parlons pas. Aujourd’hui les enfants vont à l’école. Des classes sont en construction, des tables-bancs ont été distribuées partout. A la santé, des ambulances ont été distribuées dans tout le pays. Ils auraient pu faire ça. Il faut que les militants soient fiers. Maintenant, ce qui nous appartient de faire, en tant que cadres, ce sont les contacts avec nos bases, la communication, les échanges, le rapprochement avec eux. Je suis d’accord. Mais ils doivent dire aux Ivoiriens : « nous RDR, nous avons prôné le vivre ensemble.

On ne veut pas avancer sans les autres. C’est ensemble que nous devons avancer pour mieux vivre ensemble ». Pour une paix définitive et durable. Parce que si nous faisons ce que les gens ont fait, nous allons revenir à une guerre dans quelques années.
Moi, quand je ne serai plus au gouvernement avec Alassane Ouattara, je ne veux pas me retrouver en exil au Ghana. Hubert Oulaye est au Ghana, Voho Sahi est au Ghana. Que font-ils là-bas ? Moi, je ne veux pas être en exil quand on aura fini, notre gouvernance. J’aimerais être dans mon pays et marcher la tête haute. Je veux aller et revenir librement sans avoir la justice à mes trousses. Voilà comment on doit vivre dans un pays. Pourquoi vous avez fini d’être dirigeants et vous fuyez? Nos militants doivent être fiers des ministres, ils doivent être fiers du Président de la République. Je suis convaincu que le RDR donnera l’image du parti le plus républicain.
 
LP : En attendant, les militants sont encore découragés. Est-ce que cette démobilisation ne représente-t-elle pas un danger pour 2015 ?
ADO :
Croyez-moi, le RDR sait traverser les difficultés. Nous allons retomber sur nos pieds. Vous savez ce qu’on a traversé. C’est ce qui nous donne cette hargne au travail. Nous avons souffert. Ce militant qui parle, ce n’est pas parce qu’il veut quitter le RDR. Mais parce qu’il veut un RDR plus fort qu’hier. Il a raison. Vous allez voir. Je vous donne rendez-vous en 2014. De maintenant à 2014, vous verrez le travail que nous allons faire avec nos militants. Qu’ils nous fassent confiance.
 
LP : En 2015, le PDCI, votre allié principal, se propose de présenter un candidat. Est-ce que cela ne va fragiliser l’alliance ?
ADO
: En 2010, le PDCI avait un candidat.
 
LP : Le contexte n’est pas le même.
ADO
: Le PDCI et le RDR sont dans une alliance. Notre alliance ne nous interdit pas l’animation à l’intérieur de nos différentes formations politiques. Notre alliance indiquait qu’au second tour, le mieux placé serait soutenu par les autres. Si c’est le même principe qui est retenu, nous aussi, nous avons notre président qui est candidat, qui a un gouvernement au sein duquel, on compte les militants du PDCI. (rires, ndlr). Il n’ y a pas d’inquiétudes. Le PDCI est un parti, il fait sa politique. Je n’ai pas à dénoncer qu’il ait son candidat. En 2010, nous avons été sur le terrain séparement. Après, on s’est mis ensemble pour porter Alassane Ouattara au pouvoir. Et mieux, on a traversé ensemble, les souffrances du Golf. Aujourd’hui, nous sommes au gouvernement ensemble. Nous produisons les résultats ensemble. Quel programme le PDCI va présenter en 2015 qui n’est pas celui de la gestion collégiale? La politique est un jeu.
 
LP : Ne craignez pas une alliance entre le PDCI et le FPI ?
ADO
: Le FPI doit rendre compte aux Ivoiriens. Qui va aller s’allier à un parti politique qui n’est pas humble et qui n’a pas reconnu ce qu’il a fait ? Les Ivoiriens ne sont pas dupes. Ils attendent le FPI. Nous attendons le FPI. Je suis pressée de voir ce candidat que le FPI va présenter. Mais surtout de voir son bilan de 2000 à 2010. Et de voir le travail qu’ils ont présenté aux Ivoiriens. De voir le bilan que chaque Ivoirien peut présenter dans la période 2000 – 2010 y compris le bilan des Agoras, de la Sorbonne. Je fais confiance aux Ivoiriens. Ils ne les ont votés en 2010, ils ne les voteront pas en 2015. Ils ne voteront pas le FPI en 2020. Maintenant si le FPI fait preuve d’intelligence, de responsabilité en regrettant, en reconnaissant, en demandant pardon et en se mettant au travail alors les Ivoiriens peuvent pardonner. Mais qu’ils apprennent d’abord à travailler.
 
LP : Dernier chapitre de notre entretien : la solidarité. Du 5 au 7 novembre aura lieu la journée nationale de la solidarité. Qu’est-ce qui est prévu à cette occasion ?
ADO
: J’aime revenir à ce sujet, d’autant plus qu’au cœur de ces journées, nous aurons un salon de la solidarité, mais mieux, nous allons placer les victimes au centre de ces journées. Nous considérons que cette question est transversale, elle est très complexe. Elle touche tous les Ivoiriens. Pour arriver à la paix, à la cohésion, il faut bien l’aborder. Voilà l’enjeu de ce salon et de ces journées nationales. Nous aurons des activités éclatées sur toute l’étendue du territoire qui impliqueront toutes les forces vives de la Nation autour du thème : «Réconciliation nationale pour tous, la question des victimes de guerre ».

Tout le monde dit qu’il est victime. On nous parle de réparation, de dédommagement. Dans quelles proportions, comment l’Etat peut-il aborder toutes ces questions ? Ensemble, nous devons nous organiser pour que chacun trouve un réconfort dans un élan de solidarité. Nous voulons rappeler l’importance des relations entre la Côte d’Ivoire et ses partenaires au développement et toutes ces agences des Nations Unies pour avoir traverser avec nous toutes ces périodes difficiles pour l’encadrement des victimes. Y compris celles qui se sont organisées en association des victimes et celles qui ne sont pas membres de ces associations. Il y a des victimes silencieuses.
 
Y.Sangaré et Thiery Latt