Affaire « Laurent Gbagbo » : Me Altit adresse une requête « urgente » à la Chambre préliminaire 1

  • 28/12/2013
  • Source : Soir Info
Parce que la requête du conseil principal de Laurent Gbagbo était « urgente », le juge unique de la Chambre préliminaire 1 lui a adressé une réponse en l’espace d’une semaine.

Emmanuel Altit avait souhaité, dans une requête « urgente » en date du vendredi 20 décembre 2013, que les délais procéduraux dans l’affaire « Laurent Gbagbo » soient suspendus, le temps des vacances judiciaires d’hiver, notamment du 13 décembre 2013 au 6 janvier 2014. Le juge unique, dans une ordonnance rendue ce vendredi 27 décembre, a rejeté la requête d’Emmanuel Altit. Conséquence : les délais procéduraux, dans l’affaire « Laurent Gbagbo » demeurent inchangés, le juge n’ayant pas suivi Me Altit, dans sa demande de suspension.

Un nouveau calendrier a été établi à la mi-décembre après que les juges ont rejeté l’appel du Procureur contre la décision de la Chambre préliminaire 1 portant ajournement de l'audience de confirmation des charges à l’encontre de Laurent Gbagbo. Le nouveau calendrier ordonne au Procureur Fatou Bensouda de présenter d’ici au lundi 13 janvier 2014 le document amendé contenant les charges, la liste modifiée des éléments de preuve et la mise à jour consolidée du tableau des éléments constitutifs des crimes.

Le même calendrier impose à Emmanuel Altit de présenter ses observations écrites finales en réponse aux observations du Procureur et des victimes d’ici au jeudi 13 mars 2014. Dans son ordonnance rendue, hier, et mise en ligne sur le site internet de la Cour pénale internationale, le juge unique observe que Me Altit « n’identifie pas un seul délai qui expire pendant les vacances judiciaires d'hiver, en dehors des limites de temps pour demander l'autorisation d'interjeter appel relativement à un nombre limité de décisions procédurales (…) ».

Dans sa requête, Emmanuel Altit s’était attelé à démontrer que la non-suspension des délais par les juges porterait préjudice à la Défense. L’avocat a identifié trois types de « conséquences dommageables ». Primo, la non-suspension des délais pendant les vacances judiciaires violerait les droits fondamentaux ( le droit au repos et le droit à une vie privée et familiale notamment) des membres de l’équipe de défense ; secundo, elle mettrait la défense dans une position défavorable par rapport à l’accusation ; tertio, la non-suspension des délais lors des vacances judiciaires, en rendant plus difficile le travail des membres de l’équipe de défense, accentuerait le déséquilibre des moyens à leur détriment.Me Altit évoque une situation « d’autant plus préjudiciable à la défense » que dans l’affaire « Laurent Gbagbo », la durée de la phase préliminaire est plus longue que dans d’autres affaires.« Cette phase est(…) comparable à une phase de procès en termesde durée », relève Me Altit. 

Le juge unique de la Chambre préliminaire 1 n’est pas tout à fait de l’avis de l’avocat français. Elle trouve « inapproprié » de suspendre les délais pendant les vacances judiciaires d’hiver parce que cela aurait une incidence sur « la durée de la procédure
préalable au procès »et, par ricochet, cela aurait des conséquences sur le droit de Laurent Gbagbo « d'être jugé sans retard excessif ».
 
Encadré

L’avocat de Gbagbo fait des révélations sur les sommes reçues par Bensouda et ses collaborateurs.
 
On savait que, dans le cadre des affaires instruites au niveau de la Cpi, le bureau du Procureur bénéficiait de ressources financières pour mener ses investigations. On ignorait, en revanche, l’importance du budget mis à la disposition de l’équipe du Procureur afin de conduire à bien ses dossiers. Emmanuel Altit,
dans sa requête « urgente » adressée à la Cour, le 20 décembre dernier, met en évidence le déséquilibre entre les moyens accordés à la Défense et ceux octroyés au bureau du Procureur.

Il rapporte, ainsi, au paragraphe 42 : « le budget du bureau du Procureur approuvé pour l’année 2012 était de 27.723.700 euros.(Ce budget) pour l’année 2013 était de 28.265.700 euros, se divisant entre ressources de base (5.161.900 euros) et ressources liées aux situations (23.103.800 euros), dont 2.880.700 euros (soit 1.886.858.500 f.cfa) affectés à la situation en Côte d’Ivoire ». Me Altit poursuit sa démonstration, au paragraphe 43 : « Pour l’année 2014, le budget prévisionnel du bureau du Procureur est de 35.744.500 euros ; il est prévu qu’une somme de 5.987.100 euros soit affectée à la situation en Côte d’Ivoire, soit un doublement de la somme allouée en 2013. A titre comparatif, il a été alloué à l’équipe de défense du président Gbagbo en tout et pour tout 76.000 euros (49.780.000 frs cfa) pour qu’elle mène des enquêtes pendant toute la durée de la procédure ».
 
La divulgation de l’ensemble de ces montants participe de la stratégie de la Défense de montrer que dans l’affaire « Laurent Gbagbo », l’Accusation se trouve dans une position nettement confortable, avec des ressources plus importantes. Me Altit souligne, par ailleurs, un personnel réduit, dans le camp de la Défense. Il note que « selon les chiffres connus au 29 juillet 2013, deux cent dix-sept (217) personnes font partie du staff du bureau du Procureur, sans compter les collaborateurs occasionnels, consultants, intervenants, etc. Or, seules dix affaires sont actuellement en cours dont deux encore au stade de l’enquête » (P. 44). Dans de précédentes requêtes, Emmanuel Altit avait fustigé des moyens disproportionnels entre ceux de l’Accusation et ceux de la Défense.