Italie: un village vieillissant lance un défi à la mort

  • 15/01/2016
  • Source : AFP
Le maire de Sellia n'en pouvait plus de voir son patelin dépérir: l'été dernier, il a publié un arrêté interdisant à ses administrés de se laisser mourir.

On trouve plus de chats et de chiens errants que d'habitants dans les rues battues par le vent de ce village accroché à flanc de colline, où la moitié des maisons sont vides. Mais depuis le décret, il y a la queue au tout nouveau centre de soins gériatriques.

«La vie humaine a naturellement de la valeur, mais ici elle a une valeur sociale, parce que chaque décès nous rapproche de la mort du village», explique à l'AFP le maire Davide Zicchinella, un pédiatre de 40 ans.

Le phénomène n'est pas nouveau, les grandes vagues d'émigration des années 1920 et 1960 ont vu les jeunes générations partir chercher du travail dans le nord de l'Italie ou à l'étranger. Mais ces quinze dernières années, le taux de mortalité naturelle a fait passer la population de 1000 à 500 habitants.

Pour tenter de retarder l'inévitable, M. Zicchinella a transformé l'ancienne école en centre médical, grâce à des fonds européens, dans le but d'épargner à ses administrés les déplacements et les délais pour se faire suivre et soigner en ville.

Check-up obligatoire


Mais cela n'a pas suffi, car les habitants avaient perdu l'habitude d'aller chez le médecin et la salle d'attente restait vide. Le maire a donc tapé du poing sur la table et sorti son arrêté: check-up médical annuel obligatoire, sous peine d'un impôt supplémentaire de 30 euros par an.

Toujours confrontée à une pauvreté endémique, la Calabre a dû se résoudre à des coupes sévères dans les fonds destinés à la santé, ce qui a entraîné une réduction du service public et un trou de 100'000 euros en cinq ans dans le budget de Sellia.

Dans la salle d'examen, Vincenzo Rotella, un retraité de 79 ans, remonte sa chemise pour un électrocardiogramme. Et d'autres patients sont assis dans la salle d'attente, qui sert aussi de salle de cinéma certains soirs.

«Quand vous atteignez un certain âge, qu'il faut prendre le bus pour aller dans la ville la plus proche voir un médecin, puis attendre des mois pour pouvoir effectuer certains examens, ce n'est pas facile. Nous nous sentons négligés, nous les vieux... mais ici on peut voir un médecin quand on veut», explique-t-il.

Un suivi ophtalmologique et orthopédique est également proposé dans le centre, dont les soins sont subventionnés pour la plupart des patients, voire gratuits pour les plus démunis.

Plusieurs projets touristiques

Giovanna Scozzafava, 71 ans, ne se sentait pas bien depuis un moment mais redoutait de recourir au secteur privé et a donc sauté sur l'occasion. «Tout le monde ne peut pas payer les honoraires du privé. Qu'est-ce qu'on fait quand on a à peine de quoi s'acheter à manger ?», demande-t-elle.

Dans les semaines qui ont suivi l'arrêté, une centaine d'habitants se sont inscrits pour un contrôle, et désormais la moitié du village est suivie dans le centre.

Pour aider ses administrés à atteindre, et si possible à dépasser, l'espérance de vie de 83 ans en Italie, le maire organise aussi des transports en bus réguliers vers un établissement thermal de la région.

Mais M. Zicchinella ne se contente pas de maintenir à bout de bras cette population vieillissante, il cherche aussi à attirer des touristes et de nouveaux habitants dans son charmant village situé au pied d'un château byzantin, à une vingtaine de kilomètres de la côte.

Grâce à un autre chèque de 1,5 million d'euros de Bruxelles, il est en train de transformer une ancienne ferme en parc d'aventure, avec une tyrolienne, des ponts tibétains suspendus entre les arbres, une tour infernale et un grand terrain de jeux accessibles aux personnes handicapées.

L'école maternelle, depuis longtemps à l'abandon, est devenue une auberge de jeunesse et deux gîtes sont prêts à ouvrir au printemps.