CNP : Joseph Titi (AUJOURDH'UI) dénonce une "mesure de liquidation de la presse bleue"

  • 21/06/2013
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 Je m'appelle Joseph Titi Gnahoua. Je suis le fondateur du journal Aujourd'hui qui fait l'objet, depuis le 6 juin jour de son deuxième anniversaire, d'une mesure de suspension pour non conformité avec les articles 46, 47 et 70 de la loi No 2004-643 du 14 décembre 2004 portant régime juridique de la presse.
 
J'ai l'habitude des suspensions. Dans notre courte existence, nous avons déjà été suspendus quatre fois dont deux suspensions de deux semaines et deux d'un mois. Pire qu'un acharnement, le CNP n'a jamais eu un autre dessein que de détruire le journal Aujourd'hui. Je vous en expliquerai les raisons tout à l'heure.
 
S'agissant de la suspension qui nous frappe, elle a été motivée comme suit, je cite la décision No 034 du 06 juin 2013: "que ces obligations sont relatives au dépôt des états financiers de l'entreprise à la direction générale des impôts (DGI), à la déclaration de l'entreprise à l'inspection du travail et des lois sociales, à l'immatriculation de l'ensemble des journalistes professionnels à la CNPS, à la non production des copies des bulletins de salaires des journalistes professionnels... Que selon l'article 26 du code de la CNPS, tout employeur doit produire en fin d'exercice, une déclaration individuelle des salaires annuels (DISA)".
 
Trois jours plus tard, nous avons produit l'ensemble des documents qui nous étaient demandés et dont je pourrais publier des photocopies en cas de nécessité. Je me croyais donc en règle jusqu'à ce jour du 20 juin où le CNP a refusé de lever ma suspension parce que le rédacteur en chef et le secrétaire de la rédaction dont les cartes de journaliste professionnel n'ont pu être renouvelées, ont tous deux des cartes antérieures à l'année en cours.
Que cela ne soit pas conforme à la loi n'est plus ma préoccupation. En revanche, que pour ce seul motif et malgré tant d'efforts fournis pour régulariser notre situation, le CNP ait décidé de maintenir la suspension qui frappe le journal Aujourd'hui est plutôt révélateur de la répression dont fait l'objet la presse de l'opposition en général.
 
Car au moment où j'écris ces lignes, l'hebdomadaire satirique Bol'kotch fait l'objet d'une suspension de deux mois de la part du CNP. Qu'avant ces suspensions, le CNP a convoqué les quotidiens Le Temps, Le Nouveau Courrier et Aujourd'hui. Qu'à cette séance, les journalistes des dits quotidiens ont été sommés de justifier devant le conseil pourquoi ils écrivent dans leurs différentes publications qu'Alassane Ouattara est un dictateur, que le président Laurent Gbagbo a été renversé par l'armée française après avoir bombardé sa résidence, que pourquoi ils comparent les prisons du nord à des goulags... Que cette rhétorique relevait non seulement d'une stratégie de manipulation de l'information et qu'au surplus elle justifiait le surchauffe que le CNP percevait dans la vie politique nationale.
 
Pour ces raisons, le CNP nous interdisait désormais de reprendre les déclarations des partis politiques dans lesquelles ceux-ci faisaient allusion au renversement de Gbagbo par l'armée française ou à tout autre expression faisant croire que l'ancien président avait gagné les élections de 2010.
Qu'en ce qui concerne le journal Aujourd'hui, il fait l'objet d'une surveillance toute particulière du CNP qui l'a déjà suspendu quatre fois, toujours lourdement, et que chaque semaine nous faisons l'objet des menaces du CNP qui nous inonde d'avertissements.
Que ce harcèlement à nul autre pareil dure depuis deux ans,
 
Que pour ce qui est des dernières mesures, la rédaction du journal Aujourd'hui n'a pas été visitée par le CNP malgré ce qu'il fait croire,
Que le journal qui sort en outre d'une situation pénible où il ne trouvait pas d'imprimeur a dû patienter hors des kiosques pendant cinq mois, cherchait tout de même à trouver une date pour recevoir la délégation du CNP lorsqu'il a été confronté à la fin du moratoire,
Que compte tenu de ce qui précède, le journal qui avait demandé un délai supplémentaire pour régulariser sa situation sans succès, avait cependant réuni certaines conditions. A savoir la preuve de l'immatriculation de l'entreprise à la CNPS, à la production du document montrant que 51% de la rédaction était professionnalisée, sous réserve des deux cartes non mises à jour.
 
Que pour ces raisons et bien d'autres la rhétorique qui fait croire que les journaux suspendus sont ceux qui demeurent dans l'illégalité est purement mensongère parce qu'Aujourd'hui est bloqué dans son activité uniquement parce que deux de ses journalistes ont des cartes de journaliste de 2012,
Que dans les mêmes conditions des journaux comme Le Nouveau Réveil dont le rédacteur en chef n'avait pas renouvelé sa carte de journaliste professionnel et Le Temps dont le quota de journalistes professionnels n'était pas atteint ont tous les deux bénéficié d'une mise en demeure de deux semaines,
 
Que le CNP avait affirmé, pour justifier ses sanctions, que les journaux remplissant les 3/4 des obligations avaient été mis en demeure,
Que malgré ce qu'il fait croire, il n'y a aucune raison d'aller à pas pressés à la régularisation, y compris par la manière forte, soi-disant pour mieux protéger les journalistes contre des patrons véreux,
Qu'en définitive, le but du jeu est de mettre la presse bleue sous coupe réglée en la divisant dans un premier temps,
Que par ailleurs la mesure qui consiste à maintenir La Matinale proche du RDR et L'intelligent d'Abidjan pro-RHDP n'a qu'une visée évidente de rendre digeste cette mesure de liquidation de la presse bleue au moment où la perspective d'une libération de Gbagbo fait peur au régime qui veut couper tous les relais qui le propage,
 
Qu'étant donné que notre droit à la libre expression est menacée dans ce pays où pour exister il nous est commandé de servir de carpettes à M. Alassane Ouattara,
Je voudrais inviter tous nos lecteurs en particulier et l'opinion publique nationale et internationale en général à ne pas se laisser tromper.
D'ailleurs pour lever cet équivoque, j'organiserai, dans les prochains jours, une conférence de presse pour démontrer, preuves à l'appui, que le journal Aujourd'hui est parfaitement en règle. Et que sa suspension ne peut être légalement justifiée par le fait que deux de ses journalistes n'ont pas renouvelé leur carte dont le numéro matricule est par ailleurs le même après chaque renouvellement.
 
Joseph Titi
Fondateur du journal Aujourd'hui