Très dépendante du gaz, la Côte d’Ivoire se convertit, lentement, aux énergies renouvelables

  • 21/11/2016
  • Source : Le Monde Afrique
Traversée d’une Afrique bientôt électrique (13). Les centrales de gaz continuent d’augmenter leur production alors que les gisements du pays seront à sec en 2025. Un mix énergétique comprenant 11 % d’énergies renouvelables sera atteint en 2030.

Afin de réaliser son objectif d’émergence, la Côte d’Ivoire a prévu de doubler son potentiel électrique d’ici à 2020 en passant des 2 000 MW produits aujourd’hui à 4 000 MW. Pour y parvenir, le gouvernement a développé un plan de production destiné à privilégier bientôt l’hydroélectricité et les énergies renouvelables sur le gaz. Pour l’instant, les énergies renouvelables sont peu utilisées malgré un potentiel important en biomasse qu’apporterait la valorisation des déchets dans les cultures de cacao et de coton.

 

Si des barrages sont prévus dans le plan directeur, notamment celui de Soubré qui produira l’année prochaine 275 MW, la stratégie de la Côte d’Ivoire reposera encore ces prochaines années en grande partie sur le gaz. L’Etat ivoirien a demandé aux centrales à gaz du pays d’augmenter leurs capacités de production, même si les gisements gaziers du pays seront à sec d’ici 2025. La Compagnie ivoirienne de production d’électricité (Ciprel), premier producteur d’électricité de Côte d’Ivoire et société appartenant au groupe français Eranove, devrait bientôt signer l’ouverture d’une cinquième centrale à Abidjan. Entretien avec Bernard Kouassi N’Guessan, directeur général de la société.

 

Dans les années 1980 le mix énergétique était dominé par l’hydroélectrique. Depuis la privatisation du secteur de l’électricité en Côte d’Ivoire, c’est le gaz qui est privilégié, pourquoi ?

A la fin des années 1970, la Côte d’Ivoire explorait ses côtes à la recherche de pétrole et de gaz naturel. Ils ont trouvé au large de Jacqueville un champ de gaz sec, sans pétrole, le champ Foxtrot. Mais à l’époque, le gaz n’avait pas autant de valeur que le pétrole. Le puits a donc été rebouché pour ne pas le laisser fuir.

 

Mais une vingtaine d’années plus tard, la Compagnie des énergies nouvelles de Côte d’Ivoire (CENCI) (appartenant au groupement SAUR/Bouygues/EDF) a décidé de l’exploiter pour produire de l’électricité. En 1992, ils ont signé le contrat d’exploitation. Une plateforme a été construite en mer pour acheminer le gaz et commencer à produire de l’électricité. En 1994, ils créent la Compagnie ivoirienne de production d’électricité (Ciprel) afin d’exploiter ce champ de gaz qui encore aujourd’hui alimente nos centrales et délivre plus de 70 % du gaz utilisé dans les centrales du pays.

 

Dans la salle de contrôle de la centrale à gaz de Ciprel, à Abidjan, en Côte d’Ivoire. CRÉDITS : MATTEO MAILLARD

 

Comment Ciprel s’est développée et combien d’énergie produisez-vous ?

Nous avons démarré en 1994 avec une centrale de 99 MW composée de trois turbines à gaz. En 1997, nous nous sommes agrandis avec une deuxième centrale d’une turbine à gaz de 111 MW. La crise de 1999 a ralenti les investissements. La troisième turbine à gaz de 111 MW a été mise en service en 2009. Puis nous sommes passés au cycle combiné : nous avons construit une nouvelle turbine de 111 MW et l’avons reliée à deux chaudières de récupération des gaz d’échappement. La vapeur produite par les chaudières est récupérée dans une turbine à vapeur, produisant ainsi de l’électricité tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Nous produisons au total 556 MW sur le site de Ciprel à Abidjan, où sont regroupées toutes nos centrales.

 

Aujourd’hui vous prévoyez une cinquième centrale ?

Oui, nous avons signé il y a un mois. ll s’agira de construire deux turbines à gaz et une turbine à vapeur avec chaudières de récupération. Les travaux commenceront dès que nous aurons les financements. Nous sommes en train de négocier avec les banques. On espère donner le premier coup de pioche au mois de juillet 2017 et à partir de là, nous pourrons commencer à distribuer le gaz un an et demi plus tard sur le réseau.

 

Les ressources en gaz de la Côte d’Ivoire diminuent et on estime qu’elles auront disparu d’ici à 2025. N’est ce pas un risque de poursuivre dans le gaz ?

Non, car nous pourrons toujours importer du gaz naturel liquéfié (GNL) pour alimenter nos centrales. Total a d’ailleurs signé un contrat avec l’Etat début octobre qui lui donnera la primauté des importations de gaz en Côte d’Ivoire.

 

Cela signifie que la Côte d’Ivoire dépendra à terme de ressources énergétiques étrangères. Cela pourrait augmenter le coût du kilowattheure (kWh) pour les consommateurs ?

De quoi parle-t-on quand on parle du coût de l’électricité ? Est-ce que c’est ce que les gens paient réellement ou est-ce leur perception de ce qu’ils devraient payer ? Le prix de l’électricité n’a pas bougé depuis des années et qu’est-ce qui n’a pas augmenté autour de nous ? Les gens qui me demandent si l’on ne peut pas baisser le coût de l’électricité, je leur réponds : êtes-vous d’accord de baisser votre salaire ?

 

Lorsque nous avons construit Ciprel 3 en 2009, le prix de la turbine est passé de 16 milliards à 32 milliards. Les constructeurs nous ont expliqué qu’à cause de l’inflation en Europe, le prix de l’acier et du cuivre qui composent les turbines, avait quintuplé. Il faut bien qu’à un moment ces coûts se répercutent sur le prix de vente de l’électricité...La suite sur Le Monde Afrique