Transport/Gares routières anarchiques d’Abidjan: Cette mafia qui brasse des millions de F par jour

  • 01/12/2015
  • Source : Lesursaut.ci
Désordre, insalubrité et violence sont autant de maux qui minent les gares routières qui poussent dans les espaces publics d’Abidjan comme des champignons.

Qui sont les acteurs de ce secteur d’activités? Comment fonctionne cette mafia? Incursion dans un univers où l’anarchie et le racket sont érigés en lois.
 
Nombreux sont les espaces publics transformés en garesroutières où les syndicalistes et loubards appelés «gnambrôs» soumettent les transporteurs au racket,  à travers les dix communes d’Abidjan.

Aujourd’hui, ni le ministère des Transports, nile Haut conseil du patronat des entreprises de transport routier de Côte d’Ivoire (Hcpetci) ne peuvent dire exactement combien il ya de gares routières dans le district d’Abidjan.

« Il faut retenir qu’en la matière, il ya les gares spontanées et lesgares fixes. Pour lesgaresspontanées, nous avons pu recenserpour les communes d’Abobo et d’Adjamé au 30vjuin dernier,7 gares pour les gbakas et 20 pour le Wôrô-wôrô.

Pour lesgares fixes, on a environ 44 dont on peut clairement nommer lesresponsables de jour comme de nuit, à travers le district d’Abidjan », explique Soumahoro, responsable de syndicat.

Au niveau  de la mairie d’Abobo, Gare de Bassam, Treichville, Yopougon Lavage, du grand carrefour de Koumassi, etc. les syndicats  ont installé l'anarchie, en stationnant à tort et à travers dans les coins de rue, sur le trottoir, comme en pleine chaussée.

Les  véhicules stationnent comme ils veulent, à la recherche de potentiels clients exposant les piétons en danger.Au niveau du ministère des Transports, aucune donnée n’est disponible, si ce n’est le  décret visant  à réglementer le secteur en proie au désordre, pris enavril dernier.

Selon le porte-parole du gouvernement, M. Bruno Koné, ce décret va permettre dedéterminer les conditions de création et d’exploitation des gares routières en Côte d’Ivoire. Avec ce décret, ajoute-t-il, on ne verra plus de gares en bordure de route qui gênent la circulation et tous les désagréments que cela peut créer pour les populations et même les passagers, sans que les communes trouvent une solution à cette problématique.

Il devra donc déterminer les conditions dans lesquelles les gares devront se mettre en place, notamment avec une commission d’agrément qui a été créée et l’intervention du ministère pour autoriser la création de gare.  

Huit mois après, rien  n’a changé sur le terrain. Pis, chaque jour se créent de nouvelles gares avec leurs animateurs qui n’hésitent pas à transformer les gares routières en champs de bataille et de violences à la machette et aux gourdins créés et entretenus par des loubards aux muscles impressionnants. L’exemple récent est la commune de Cocody dont le maire a interdit l’activité syndicale sur les gares routières.

Vu que ces prétendus syndicalistes n’hésitent pas à tuer pour une pièce de 100 Fcfa. Ces gambrôs, munis d’une herse appelée ‘’dent de caïman’’, une sacoche contenant couteaux, tickets, voire armes à feu… font la pluie et le beau temps dans les gares routières.

Les minicars appelés gbaka, les taxis communaux appelés wôrô-wôrô, et taxis compteurs qui chargent sur ces gares sont contraints de leur verser de l’argent au risque de leur vie. Les frais encaissés par les jeunes gens varient en fonction du quartier et lieu de chargement.

Ainsi la « taxe » est de 200 Fcfa pour les chargements à Yopougon et 500 à 1000 F à Adjamé pour les premiers chargements. Sans oublier le système de faveur qui coûte 2 à 3000 F et qui permet au chauffeur de charger à n’importe quel moment, sans faire le rang, en stationnement.

Par jour, un chauffeur de gbaka, à en croire les syndicalistes, verse en moyenne 4000 F  dans la commune de Yopougon et 8 000 F à Adjamé. «On croirait qu'il existe une complicité entres les syndicats, les chauffeurs et la police, sinon comment comprendre qu'après les avoir chassés, les policiers qui stationnent tous les matins sur le terre-plein les observent se garer pour charger leur véhicule sur le trottoir sans mot dire, se désole un usager de la route», accusent des personnes interrogées.  

Quant aux forces de l’ordre interrogées, elles disent ne rien se reprocher. «On fait notre travail. Souvent quand on met lesvéhicules en fourrière, on reçoit des ordres de la haut pour les libérer. Quand la volonté viendra d’en haut pour mettre de l’ordre, on le fera », nous a confié un policier, à Abobo, qui a requis l’anonymat.
 
UN BUSINESS QUI RAPPORTE GROS
 
Selon les enquêteurs de l’Onu, l’extorsion de fonds est pratiquée dans le réseau de transports publics d’Abidjan. Ce secteur est essentiellement informel et les véhicules les plus communément utilisés sont des minibus de 14 à 32 places appelés «gbaka» et des voitures de 4 à 8 places appelées «wôro-wôro»...Lire la suite sur Le Sursaut

Ils représentent ensemble environ 67 % du transport motorisé à Abidjan. Aux gares routières, les stations de gbaka et de wôro-wôro sont contrôlées par des associations de transport appelées «syndicats de transport».

Selon le Groupe d’experts de l’Onu  dans leur rapportdétaillé, ces syndicats forment un réseau qui couvre l’ensemble de la ville d’Abidjan. Pour la plupart, leur seule raison d’être est la collecte de droits et de taxes illicites aux gares routières et aux carrefours.

En échange des taxes dont ils s’acquittent, les chauffeurs reçoivent des reçus. Néanmoins, pour certaines des redevances, aucun reçu ne leur est délivré. C’est notamment le cas du «droit de chargement», qui autorise les chauffeurs à prendre des passagers à une gare routière ou sur le trajet entre deux gares, ou encore du «droit de ligne», qui les autorise à transporter des personnes sur un itinéraire donné. Les syndicats consignent dans le détail les passages de véhicules aux gares routières et sur les routes qui sont sous leur contrôle afin de s’assurer du règlement des diverses taxes.

Ils forcent les conducteurs à se conformer à leurs exigences par l’intimidation et la violence physique.

Sur la base d’une analyse de leurs structures, les experts de l’Onu  estiment qu’à Abidjan, les syndicats collectent chaque année au moins 34 milliards de francs Cfa (57,2 millions de dollars). Les gnambrôs sont la face cachée des loubards et des jeunes gens qui faisaient les vols à la tire dans les gares routières.

Ils imposent des taxes aux chauffeurs. Cela veut dire qu’un gbaka qui fait la ligne Adjamé-Abobo paye 10 mille à 12 mille Fcfa par jour à un seul individu. Et disparaît dans la nature et ne viendra jamais au secours de ce chauffeur lorsque ce dernier à des problèmes. Dans notre secteur d’activité le syndicalisme est devenu une profession qui ressemble plutôt à une mafia », accuse un président de syndicat.