Russie: Vladimir Poutine sans rival pour la présidentielle

  • 01/03/2018
  • Source : RFI
Le rendez-vous annuel devait se dérouler en décembre 2017, mais il a été reporté à maintes reprises : Vladimir Poutine s’adresse ce jeudi aux deux chambres du Parlement russe. Cette allocution se déroule dans un contexte particulier : le 18 mars prochain, les Russes sont appelés aux urnes pour désigner leur président. Vladimir Poutine est en lice pour un quatrième mandat.

Vladimir Poutine a jusque-là fait campagne sans véritablement faire campagne. L’absence de programme ne semble pas déranger ses électeurs, et pour cause : « On n’élit pas Vladimir Poutine pour son programme », explique le politologue russe Dmitri Orechkine. De fait, l’actuel locataire du Kremlin se place très au-dessus des autres prétendants. « Quand on vote pour Vladimir Poutine, on vote pour le leader de la nation, pour le chef qui ne s’abaisse pas à évoquer des thèmes aussi mesquins que la question du faible revenu de la population. Poutine, c’est celui qui relève la Russie qui était à genoux, celui qui repousse les manigances des Etats-Unis et de l’Europe, celui qui rattache la Crimée - et ça n’est d’ailleurs pas innocent si l’élection a lieu le jour même du quatrième anniversaire du retour de la Crimée à la Russie. En réalité, il ne peut plus réaliser de nouveaux exploits, et donc l’idée est de conserver cette image de l’aigle qui vole très haut, qui a vaincu et convaincu le monde entier », explique Dmitri Orechkine.

Manque d’équité

La télévision offre une occasion supplémentaire à Vladimir Poutine de se détacher des autres concurrents. Le président russe ne participe d’ailleurs pas aux débats télévisés. Selon Vladimir Ryzhrov, ancien député d’opposition et soutien du candidat du parti libéral Iabloko à la présidentielle, « les candidats n’ont pas tous le même temps d’antenne et surtout, ils sont présentés de manière tout à fait différente. On montre Vladimir Poutine exclusivement sous un jour positif. A chacune de ses apparitions, il parle de choses importantes. A l’inverse, pour les autres candidats, on a tendance à retenir des paroles sans consistance, ou des choses complètement idiotes et absolument sans importance », explique l’homme politique. L’effet sur l’électorat est alors sans appel : « Quand la télévision est votre principale source d’informations, que vous n’utilisez par les réseaux sociaux ou que vous ne lisez pas les journaux de qualité, vous avez cette impression qu’il n’y a qu’un seul candidat qui se préoccupe sérieusement du destin du pays et que tous les autres sont des idiots, qui disent n’importe quoi et ne comprennent rien à rien », résume Vladimir Ryzhkov. « Lorsqu’on parle d’élection honnête, il ne faut pas se cantonner au jour du vote », complète l’homme politique. « On ne peut parler d’élection honnête quand durant la campagne, l’équité des candidats n’est pas garantie. »

Les instituts de sondage donnent Vladimir Poutine gagnant dès le premier tour avec plus de 60 % des intentions de vote. L’institut VTsIOM, proche du gouvernement, le crédite de 69.5 % des suffrages (au 18 février 2018), loin devant le candidat du Parti communiste, le directeur du « Sovkhoze Lénine », Pavel Groudinine (7,5%), qui arrive en deuxième position devant le nationaliste Vladimir Zhirinovsky (5,3%). « Il devrait vraisemblablement réunir entre 65 et 70 % des voix », pronostique Serguei Shpilkin, spécialiste en statistiques électorales.

Stabilité

Le chef de l’Etat russe a nettoyé le champ politique et fait en sorte de n’avoir aucune opposition digne de ce nom. Après 18 années aux affaires, il continue de jouir d’une bonne popularité et est régulièrement présenté comme le garant de la stabilité du pays.

Le contexte socio-économique n’est pourtant pas des plus optimistes. Les problèmes ne manquent pas : « Les revenus réels de la population sont en baisse pour la quatrième année consécutive. Depuis 2013, ils ont été diminués de 15 % et cela fait six ans qu’il n’y a pas de signe de croissance », énumère Vladimir Ryzhov. « La situation n’est pas très agréable pour Vladimir Poutine. Les problèmes sociaux s’accumulent, dans le secteur de la santé, l’éducation. Ces difficultés émergent sur fond de confrontation avec l’Occident et de sanctions économiques. » Pour l’ancien député d’opposition, ce contexte explique, en partie du moins, le fait que la campagne soit assez monotone, et que le chef de l’Etat y fasse le service minimum. « Cette campagne électorale est très courte, elle ne dure qu’un mois, et elle est la plus calme possible, l’objectif étant que les problèmes aigus et criants du pays ne soient pas discutés. »


L'opposant russe Alexeï Navalny, le 24 janvier 2018 devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).REUTERS/Vincent Kessler

Alexeï Navalny, une menace ?

Pour ce scrutin, Vladimir Poutine a face à lui sept autres candidats : trois représentants du camp du libéral, trois communistes et le sulfureux député populiste d’extrême droite Vladimir Jirinovski, qui en est à sa sixième campagne. Aucun de ces prétendants n’est en mesure de faire de l’ombre au président sortant. Le seul qui aurait pu jouer les trouble-fête, Alexeï Navalny, n’a pas été autorisé à se présenter, officiellement en raison de condamnations judiciaires.

L’opposant représente-t-il un réel danger pour le pouvoir ? « Si ce n’était pas le cas, il n’aurait pas été écarté », répond Dmitri Orechkine. Les chances de l’opposant de bousculer le pouvoir sont très faibles, mais son absence du scrutin le prive, en premier lieu, d’un accès aux médias officiels. « Bien sûr, il ne faut pas surestimer son importance, sa côte de popularité n’est pas très élevée, mais Alexeï Navalny est un homme politique très talentueux, et s’il avait été autorisé à concourir, il aurait pu atteindre 10, 12 voire 15 %, or ça, c’est impossible, car les opposants à Vladimir Poutine ne doivent pas récolter plus de 30 % des voix à eux sept, pour lui garantir 70 %. Quant à l’hypothèse d’un deuxième tour, c’est carrément un tabou », souligne le politologue...