Repositionnement, leadership… Pourquoi les pro-Gbagbo se battent

  • 28/01/2014
  • Source : Nord-Sud
La cohabitation s’avère quelque peu difficile au sein de la mouvance pro-Gbagbo en proie à une guerre sournoise de leadership.

 Voisinage perturbé au sein de la Gauche. Une frange de l’opposition ivoirienne a exposé sur la place publique, vendredi, un fait qui lui paraît désobligeant. Un communiqué de presse a donc suffi à cet effet. De quoi s’agit-il ? Il y a six partis politiques  le Cap-Udd de Gervais Coulibaly,  Lider de Mamadou Kouibaly, le Mnc Alternative de Kabran Appiah, le Rpc-Paix d’Henriette Lagou, l’Udt-Ci de Bertine Tia Monnet et le Rpci de Jérôme Coulibaly Climanlo qui disent qu’ils «ne se reconnaissent pas» dans un ‘’rassemblement unique‘’.

Une initiative du Front populaire ivoirien (Fpi) qui fédère dix autres formations politiques dans un «Front»  contre le régime. Si les six opposants susnommés «apprécient à sa juste valeur cette initiative», pourquoi la boudent-ils ? Le motif de leur attitude est énoncé dans leur adresse aux médias : Ils n’ont pas été associés, se plaignent-ils, au projet en question. Voilà un justificatif bien laconique ! De quoi aiguiser la curiosité…

Soulignons au passage que les six mécontents sont membres de la Ligue des mouvements pour le progrès (Lmp). Une alliance créée début janvier 2012 dont la présidence est tournante. Le clash est parti de là. Car l’avènement de la Lmp n’ayant pas plu au Fpi, il l’a dévalorisée en appelant ses militants à ne pas la considérer.

«Les initiateurs de cette nouvelle plate-forme qui étaient membres de La majorité présidentielle (Lmp/Cnrd) ont une volonté manifeste d’entretenir la confusion dans l’opinion nationale et internationale», la disqualifiait Laurent Akoun dans un communiqué au vitriol, le 6 janvier 2012. L’actuel secrétaire général, porte-parole du Fpi, ne s’est pas arrêté là.

Dans la même adresse, il avait averti l’opinion nationale et internationale de ne pas se laisser abuser par cette pratique, avant d’appeler ses militants à demeurer sereins et de rester à l’écoute des mots d’ordre de la direction de leur parti. Le Fpi ne croyait pas si bien dire. Car il va s’attirer le courroux de ses alliés d’hier dans la mouvance pro-Gbagbo.

Voilà la salve bien dosée qu’il reçoit d’eux dans une déclaration : «Que cessent donc cette insupportable arrogance et cette fâcheuse habitude des coups les plus tordus contre l’unité de la lutte ; ces coups qui nous ont conduits au désastre. Que l’humilité, qui a tant manqué, gagne sur la jactance facile, qui n’a que trop nuit à la lutte commune pour la dignité des Ivoiriens».

Si pour les premiers les seconds ne doivent pas s’approprier le sigle Lmp, ils les soupçonnent de vouloir détourner les partisans de l’ex-chef d’Etat. Quant aux acteurs de la Lmp, ils n’ont pas apprécié que le Fpi fasse de ces trois lettres un bien privé. En fait, ils n’ont pas cessé de jouer à qui veut le mieux pérenniser l’œuvre du mentor commun, Laurent Gbagbo.

Autre clash, même cause
Il intervient alors que la guéguerre autour de la propriété (?) de sigle disputé fait rage. Les mêmes protagonistes se retrouvant à Grand-Bassam, les 27 et 28 avril 2012, avec des représentants du gouvernement, dont l’(ex) Premier ministre Jeannot Kouadio-Ahoussou, concèdent un nouvel antécédent. A ce conclave, en effet, le Fpi décide d’être «observateur» du dialogue et n’en signe pas le communiqué final.

Mal lui en prit, tant il en prendra pour son grade de ‘’parti leader‘’. «N’ayons pas la langue de bois. Un parti en vaut un autre. Nous les signataires représentons de milliers d’Ivoiriens. Nous sommes pour le dialogue. Dano Djédjé (qui représentait le Fpi : Ndlr) a dit hier, en tant que dernier intervenant qu’il repartait réconforté. Il dit qu’il était préoccupé par l’organisation de la convention du Fpi et a souhaité se retirer. (…) En Côte d’Ivoire, je ne serai jamais du côté de ceux qui sont contre l’avancée du pays… », lui a enjoint Laurent Dona Fologo, président du Rpp.

L’ensemble des opposants présents à Bassam n’avaient pas apprécié que le parti de Laurent Gbagbo les considère comme des acteurs de seconde zone. Ils sont confortés dans leur jugement par une revendication du Fpi réclamant un «dialogue direct» avec le gouvernement. Et quand il l’obtient début janvier 2013, il est vivement critiqué par des membres du Cpd.

«On se serait tous mis au Cpd que cela serait une avancée. Mais pendant que nous discutons au sein du Cpd, d’autres discussions se font dans le cadre du dialogue direct…», déplore, par exemple, Anicet Gnanzi Guéla, secrétaire général de l’Udcy, dans une interview accordée à Nord-Sud Quotidien en novembre 2013.
 
Justement, les négociations avec le pouvoir préconisent que l’opposition se désigne un chef. Un leader qui aura rang de ministre d’Etat, un cabinet et de bien d’autres prérogatives. Mais la proposition du conseil des ministres ne passe pas jusque-là. En cause, le complexe de supériorité reproché au Fpi et celui d’infériorité dont s’offusquent les animateurs du Cpd.

Le leadership les a toujours opposés
Les uns ne voulant pas se mettre sous la coupole des autres, ils remettent à plus tard le projet. A la réalité, le Fpi revendiquant l’étiquette d’ «opposition naturelle» au régime se dispute le leadership avec le Cap Udd et Lider. Alors questions… Comment un projet initié par les frontistes pouvait-il tout de suite emballer Lider, quand l’appel pour la création d’une «coalition» lancé par ce parti n’a pas eu d’écho favorable auprès des frontistes?

L’ex-parti au pouvoir parviendra-t-il à convaincre facilement son ancien 3è vice-président Mamadou Koulibaly à adhérer à ce front ? Question légitime, d’autant que des cadres de la direction intérimaire du Fpi avaient traité l’ex-président de l’Assemblée nationale de tous les noms lorsque ce dernier avait claqué la porte? Voilà autant de questions auxquelles il est difficile d’apporter une réponse en l’état actuel des rapports délétères entre ces opposants.

Pour finir, il faut souligner que tant qu’ils joueront à qui veut soumettre l’autre, il leur sera difficile de se regrouper. Aussi longtemps que les uns ou les autres voudront être les interlocuteurs privilégiés du pouvoir, ils ne parviendront pas à parler d’une même voix. Mais comme toute incompréhension est prétexte de rapprochement en vue d’un dialogue, il ne faut pas exclure que les parties se retrouvent un jour en vue d’arrondir les angles.
 
Bidi Ignace