Présidentielle en Côte d’Ivoire: "Notre candidat, c’est la paix"

  • 24/10/2015
  • Source : AFP
Sur le thème "Notre candidat, c’est la paix", une caravane sillonne la Côte d’Ivoire avant l’élection présidentielle de dimanche et prône la non-violence dans un pays encore traumatisé par la crise post-électorale de 2010 qui a fait 3.000 morts.

"Nous ne faisons pas de politique. Nous invitons tous les jeunes à aller vers des élections apaisées. Il faut que la Côte d’Ivoire aille de l’avant. Il faut montrer que la crise nous a servi de leçon, qu’il n’y aura pas de violence", affirme Felix Ehui, président du Réseau des jeunes pour l’avenir de la Côte d’Ivoire (Rejaci), à l’origine de l’initiative.
 
La caravane a circulé dans les quartiers populaires d’Abidjan et dans le pays, du sud majoritairement chrétien au nord majoritairement musulman. Plus de 3.000 Ivoiriens étaient morts en cinq mois de violences causées par le refus de l’ancien président Laurent Gbagbo, actuellement emprisonné à la Cour pénale internationale (CPI), de reconnaître la victoire d’Alassane Ouattara à la présidentielle de novembre 2010.
 
Cet épilogue sanglant d’une décennie de tensions politico-militaires est encore dans toutes les mémoires et même sur certains corps. Mariam Kamagate, 25 ans commerçante, porte un bonnet en laine blanc sur la tête. En 2010, "un obus est tombé sur ma maison à Adjamé (quartier populaire d’ Abidjan). Ma mère qui était enceinte et mon neveu de 9 mois sont morts sur le coup", raconte-t-elle, montrant ensuite les photos d’impressionnantes cicatrices sur son crâne provoquées par l’explosion.
 
Partiellement insensible de son côté gauche, elle a passé trois mois à l’hôpital et attend toujours d’être opérée, ne sachant plus trop si elle a encore des éclats logées dans sa boite crânienne ou non Mariam elle est venue pour témoigner que "la guerre n’a pas de visage. On ne sait pas qui a tiré l’obus. Nous n’accusons personne mais on ne veut pas que ça recommence", dit-elle.
 
Chanson et football
 
"Nous, avant tout, ce qu’on veut c’est la paix", ajoute son frère Abdoulaye, soulignant qu’il ira voter et reconnaitra le vainqueur de l’élection quel qu’il soit.
 
Sur une petite place du quartier Sococé d’Abidjan, une centaine de personnes sont réunies sous la pluie. Discours, témoignages mais aussi musiciens traditionnels ou chanteurs comme "Les Playboys", un duo spécialiste du Coupe-Décalé et de variétés.
 
Vêtus l’un d’un costume blanc et orange, l’autre blanc et vert (les couleurs de la Côte d’Ivoire), Jo Charmeur et Vinkedja égrènent en play-back leur chanson "Tous ensemble".
 
"Les ténèbres se sont présentées, (...) Nous avons trop souffert de toutes ces querelles (...) Quand nous regardons autour de nous il n’y a plus d’espoir, puisons le meilleur en nous pour écrire notre histoire (...) Préservons notre héritage, les beaux jours viendrons certainement après
l’orage".
 
Les deux amis étaient étudiants lors de la crise de 2010. "On a perdu des gens du quartier. On avait peur. On croyait qu’on allait tous mourir. On a écrit cette chanson pour dire aux gens qu’il ne faut que ça se reproduise".
 
Leur manager Jean Melaine Bitty ajoute: "les jeunes ont souvent été le bétail électoral. On les a instrumentalisés" lors de la crise, estime-t-il soulignant que chaque camp a embrigadé des jeunes pour ses violences.
 
Parmi les autres animateurs, Abdoulaye Traoré "Ben Badi", champion d’Afrique de football avec la Côte d’Ivoire en 1992. L’ancien "Eléphant" rappelle les bons souvenirs et utilise la victoire comme métaphore: "Dans l’équipe, il n’y avait pas de chrétiens ou de musulmans: il y avait seulement des joueurs de la Côte d’Ivoire. Et, je peux
vous dire, qu’on était pas la meilleure équipe en 1992 mais on était la plus solidaire. C’est pour cela qu’on a gagné".
 
pgf/jhd