Poutine, l’homme fort du Kremlin qui ne rêvait pas de devenir président

  • 19/03/2018
  • Source : France24
Vladimir Poutine a été réélu à la tête de la Russie pour un quatrième mandat. Pourtant, rien ne le prédestinait à incarner avec autorité l'ambition d'une grande Russie à la puissance retrouvée. Portrait d'un homme qui défie l’Occident.

Pas de débat télévisé ni d’affrontement direct avec les sept autres candidats, pas de longs meetings électoraux ni de bains de foule, et surtout aucune promesse. Vladimir Poutine, au pouvoir depuis plus de dix-huit ans, dont une interruption de quatre ans comme Premier ministre – car la Constitution l’empêchait de briguer un troisième mandat consécutif –, n’a pas jugé bon d’essayer de convaincre les électeurs. Pourtant rien ne le prédestinait à devenir celui qui incarne avec autorité l'ambition d'une grande Russie à la puissance retrouvée.

À 65 ans, le président Poutine affiche la plus forte longévité au pouvoir pour un dirigeant russe ou soviétique depuis Joseph Staline. Malgré cette endurance, l’homme reste insaisissable et complexe, aux yeux de ses opposants comme à ceux de ses partisans. "Dans Poutine, il y a plusieurs personnages", résume Vladimir Fédorovski, qui a consacré un livre à l’homme fort de la Russie intitulé "Poutine l’itinéraire secret" (Éd. du Rocher). Dans un entretien au Point, l’écrivain et ancien diplomate russe retrace le parcours spectaculaire d’un homme passé du "James Bond version russe, qui a travaillé dans le contre-espionnage et l’espionnage au sein du KGB" à "l’incontournable" homme politique "élu personnage le plus puissant de la planète par Forbes".

"Un président accidentel"

Né le 7 octobre 1952 dans une famille ouvrière de la banlieue de Leningrad, l'actuelle Saint-Pétersbourg, Vladimir Poutine "n’a jamais planifié de devenir président", assure Mikhail Zygar, auteur des "Hommes du Kremlin" (Éd. du Cherche-Midi), interrogé par le Journal du Dimanche le 17 mars 2018. "Il est un président accidentel", résume-t-il.

Diplômé de droit, le jeune Vladimir Poutine intégre le KGB, dont il devient agent du renseignement extérieur envoyé en mission de 1985 à 1990 à Dresde, en Allemagne de l'Est, un poste plutôt modeste. Après le délitement de l'URSS, il se recycle en conseiller aux relations extérieures du nouveau maire libéral de Saint-Pétersbourg, avant d’être repéré par le clan Eltsine qui cherche au président un dauphin à sa botte, capable d’assurer la stabilité après son départ.

Vladimir Poutine "était jeune, il était une parfaite pop-star en devenir. On pouvait lui mettre n’importe quel maquillage et il allait endosser le rôle qu’on allait lui donner", explique Mikhail Zygar. Une marionnette ? "Pas une marionnette mais ils (les proches d’Eltsine, NDLR) pensaient qu’il était influençable, pas très visionnaire, qu’il n’avait pas de stratégie, ce qui était vrai."

En août 1999, alors qu'il est responsable des services secrets russes chargés de la sécurité intérieure, Boris Eltsine le propulse au poste de Premier ministre. Quasi-inconnu, Vladimir Poutine va dès lors rapidement se forger une image d'homme fort dans un pays traumatisé par une vague d'attentats attribués aux indépendantistes tchétchènes. Le 1er octobre 1999, il promet de "buter les terroristes jusque dans les chiottes" et fait entrer les troupes fédérales russes en Tchétchénie, conflit sanglant marqué par des exactions de l'armée russe et le bombardement aveugle de Grozny. "Cette phrase va choquer parce c’est un langage de criminels, se souvient Vladimir Fédorovski. Mais elle va lui valoir une flambée de popularité de 30 % dans les sondages et il va devenir incontournable"...