Pourquoi Trump a choisi l'Arabie saoudite pour son premier déplacement à l'étranger

  • 20/05/2017
  • Source : huffingtonpost.fr
L'Arabie Saoudite, Israël, Bethléem puis le Vatican, avant un passage à Bruxelles le 25 mai (au cours duquel il rencontrera Emmanuel Macron). Voilà pour le plan de vol chargé de Donald Trump, qui a entamé ce samedi 20 mai son premier voyage présidentiel.

Arrivé en grande pompe a Ryad, le président américain, accompagné de son épouse Melania, a reçu un accueil plutôt chaleureux, comparé à celui qu'avait eu Barack Obama après l'annonce de son rapprochement avec l'Iran. A sa sortie d'Air force One, Donald Trump a été accueilli par le roi Salmane sur un tapis rouge.

Ce dernier a serré la main à Donald Trump, ainsi qu'à son épouse Melania qui, cheveux au vent, était habillée sobrement d'un pantalon ample à taille haute et d'une chemise à manches longues de couleur noire, avec une large ceinture dorée.

Le souverain saoudien de 81 ans, qui tenait une canne, a ensuite accompagné le couple présidentiel au salon d'honneur de l'aéroport où il a pris place entre Donald Trump et son épouse. Ryad était pavoisée de drapeaux saoudiens et américains. Les rues, quasiment désertes, étaient également ornées de photos montrant le roi et le président avec un slogan "Ensemble, nous triomphons".

La fille aînée du président, Ivanka et son époux Jared Kushner font également partie de la délégation américaine.

Un voyage révélateur des ambitions de Donald Trump

Cent vingt-et-un jours après le début de son mandat, le premier séjour à l'étranger du président Trump commence donc dans la très riche Arabie Saoudite, organisatrice de cette rencontre à Ryad. Sont présents de nombreux dirigeants arabes et du Moyen-Orient: les dirigeants des six monarchies du Golfe, mais aussi Benjamin Netanyahu ou encore le président algérien Abdelaziz Bouteflika.

Ce choix pour une première destination peut surprendre de la part d'un président américain, mais il est surtout révélateur des ambitions de Donald Trump. En 2009, Barack Obama avait choisi le voisin canadien pour son premier déplacement officiel. En 2017, son successeur traverse l'océan dans la direction opposée. Géographiquement certes, mais également idéologiquement. Avec une stratégie en trois points.

1. Réchauffer les relations

Entre l'Arabie Saoudite et les Etats-Unis, le contrat est clair: un accès aux immenses ressources pétrolières pour l'un contre l'assurance d'une sécurité face à des voisins un peu trop agités pour l'autre, le tout acté dans le Pacte du Quincy. Sauf que le deuxième mandat de Barack Obama a mis à mal cet accord tacite, vieux de plus de 70 ans.

En août 2013, le massacre de la Ghouta et le refus d'intervention américaine passe mal du côté de Ryad, qui milite en faveur d'une action en Syrie. Deux ans plus tard, l'accord sur le nucléaire iranien irrite à nouveau l'ennemi juré de Téhéran. De quoi mettre un frein très net aux relations entre les Etats-Unis et la monarchie saoudienne, qui depuis s'observent à distance.

Mais c'était sans compter sur l'arrivée de Donald Trump, qui s'est employé à réchauffer les relations entre les deux pays. En mars dernier, il a reçu à la Maison Blanche l'influent vice-prince héritier saoudien, second dans l'ordre de succession et ministre de la Défense, Mohammed ben Salmane. Cette rencontre a abouti à "un partenariat stratégique solide, large et durable basé sur un intérêt et un engagement communs pour la stabilité et la prospérité du Moyen-Orient" selon la Maison Blanche. Un mois plus tard, c'est le secrétaire américain à la Défense Jim Mattis qui rencontrait à Ryad les dirigeants saoudiens, dans le but de "revigorer" l'alliance américano-saoudienne. Il avait alors souligné le rôle crucial de l'Arabie saoudite, dans la restauration de la stabilité au Moyen-Orient. Quelques jours après cette visite, le roi d'Arabie saoudite nommait un de ses fils ambassadeur à Washington.

2. Redonner sa place de leader au Royaume

Trump, dont l'élection avait été bien accueillie à Ryad, voit dans le royaume un partenaire essentiel pour la sécurité et l'investissement, selon des analystes. "(Il) reconnaît que le leadership saoudien est le canal principal vers le monde musulman", souligne Salmane al-Ansari, président du Saudi American Public Relation Affairs Committee (SAPRAC).

L'enjeu pour le président américain? Refaire de l'Arabie Saoudite un allié diplomatique en lui redonnant sa place de leader dans un Moyen-Orient miné par les conflits. L'Arabie saoudite (tout comme les autres monarchies du Golfe) ne faisait d'ailleurs pas partie des pays concernés par le très controversé "Muslim Ban", et s'était abstenu de tout commentaire face au tollé qu'il avait provoqué.

En réalité, "oublier" l'Arabie Saoudite dans ce décret pouvait autant arranger les intérêts de Washington que ceux de l'homme d'affaires Donald Trump. Dans une tribune publiée quelques jours après la promulgation du premier décret migratoire, Richard W. Painter et Norman L. Eisen, chefs de l'éthique de la Maison Blanche sous les mandats de George W. Bush et Barack Obama, alertaient sur les intérêts privés du président avec la monarchie saoudienne.

"Les sept pays dont les citoyens sont concernés par le décret sont relativement pauvres. Certains, comme la Syrie, sont dévastés par la guerre civile; d'autres en sortent à peine. La seule chose que ces pays aient en commun, c'est que ce sont des pays avec lesquels l'empire Trump fait peu, voire pas d'affaires", écrivaient-il dans les colonnes du New York Times.

"En revanche, d'autres pays musulmans voisins ne figurent pas sur la liste, même si certains de leurs ressortissants représentent un risque aussi important- si ce n'est plus important- de terrorisme pour les Etats-Unis. Parmi eux se trouve l'Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, et l'Egypte. (...) Ces pays, contrairement à ceux qui sont mentionnés dans le décret, sont ceux avec lesquels Donald Trump fait des affaires. En Arabie Saoudite, la plus récente de ses déclarations financières a révélé la présence de plusieurs sociétés. En Egypte, il possédait deux entreprises Trump enregistrées. Aux Emirats arabes unis, il avait loué sa marque à un complexe de golf de Dubai et à une société immobilière de luxe. Certaines de ces sociétés ont depuis été fermées, d'autres sont toujours actives."

"L'Arabie saoudite est le pays gardien des deux sites les plus sacrés de l'islam", a par ailleurs expliqué Donald Trump le 4 mai, à propos de son voyage. "C'est là que nous commencerons à bâtir les nouvelles fondations de la coopération et du soutien de nos alliés musulmans pour combattre l'extrémisme, le terrorisme et la violence, et à préparer un avenir plus juste et plus optimiste pour les jeunes musulmans de ces pays".

3. Cibler ses ennemis

L'ennemi de mon ami est mon ennemi. Pour rentrer dans les bonnes grâces des dirigeants saoudiens, quoi de mieux que de tirer à boulets rouges sur les adversaires du régime?

L'Iran

En première ligne, l'Iran, snobé par l'Arabie saoudite pour la rencontre du 20 mai. Pendant sa campagne, Donald Trump n'a eu de cesse de condamner l'accord sur le programme nucléaire iranien signé en 2015 par l'administration Obama, qu'il avait même promis de "déchirer". Une position catégorique, qui a (un peu) évolué depuis son élection. Jeudi 18 mai, la diplomatie américaine a ainsi annoncé une prolongation de l'allègement des sanctions économiques contre Téhéran tel qu'il est prévu par l'accord de 2015...