Policiers, Gendarmes, eaux et foêts, syndicats opèrent: des transporteurs victimes de rackets au vu et au su de tous

  • 14/07/2014
  • Source : L'Intelligent d'Abidjan
Tracasseries et exactions des forces de l’ordre sur nos routes. Un disque raillé mais toujours remis au goût du jour. A la vérité, entre les transporteurs et les agents des forces de l’ordre ou autre commis aux contrôles routiers, c’est pratiquement le « je t’aime moi non plus ». Une histoire d’amour qui se conjugue à tous les temps et dont le caractère contre nature n’émeut que pour le temps d’un conflit d’intérêt.

C’est le constat que nous avons fait lors d’un de nos déplacements pour le nord du pays où nous avons de la multitude de barrages et de contrôles routiers. Comme c’est le cas dans les deux corridors (nord et sud) de Bouaké, où depuis quelques jours, il y a de l’électricité dans l’air, avec la grogne de certains conducteurs.

Une grogne qui, si elle est appliquée, risque d’avoir des conséquences économiques et sociales insoupçonnées et surtout qui n’honora pas du tout les autorités gouvernementales. Mais qui, du fait de ce qui précède (l’histoire d’amour), mérite une approche prudente.

Car les affaires de cœur ne se tranchent pas au couteau. Disons le tout de go, les agents commis pour le contrôle routier (policiers, gendarmes, douaniers, agents des eaux et forêts, agents des services municipaux, syndicalistes, etc), rackettent les transporteurs avec le consentement de ces derniers.

La logique est simple en effet, s’il y a un corrompu c’est qu’il y a corrupteur. Il nous a suffi de faire le constat en empruntant quelques routes après recommandation de plusieurs d’entre eux (policiers et gendarmes) pour se rallier à cette triste réalité. Un coup de sifflet ou un jeu de lumière d’une lampe torche, selon qu’il fasse jour ou nuit.

Le véhicule s’immobilise un peu plus loin et l’agent qui n’a pas bougé de son petit coin, se fait rejoindre par le chauffeur ou l’apprenti, lequel a pris soin de glisser négligemment, c'est-à-dire en évidence, un billet de banque dans la pochette contenant les papiers du véhicule. Ce, à défaut de quelques pièces de monnaie enfouies dans le creux de la main.

« C’est malheureux pour des fonctionnaires de l’État de Côte d’Ivoire! », rétorque mon voisin de car. Un manège qui se fait au vu et au su des passagers et qui, à l’heure du bilan quotidien, rapporte une bonne cagnotte aux agents indélicats. La récidive est donc assurée. Voilà qui explique la prolifération des points de contrôle inopinés. Et tant pis pour les bouchons que cela peut créer sur la voie.
 
Au niveau des barrages ça ne se passe guère autrement. Le barrage ne s’ouvre jamais gratuitement. « Contrôle des passagers ? Mon œil, c’est encore et toujours l’argent qui parle », s’insurge Kourouma Abdoul-Kader, chauffeur de taxi communal. Mais cette fois, c’est le chauffeur ou le convoyeur qui joue les intermédiaires. De l’argent est prélevé sur les passagers pour être remis aux forces de l’ordre.

« Pour ne pas perdre du temps », expliquera l’un des intermédiaires dont un certain Doumbia Souleymane, apprenti des nombreux ‘’Badjan’’ stationnés au corridor nord de Bouaké. « Oui, le temps c’est en effet de l’argent. En retour, point de contrôle ». Et c’est justement ce que recherchent moult transporteurs jamais en règle et dont les véhicules « sans papiers » sont autant de dangers sur nous routes.

C’est ce que recherchent également les trafiquants de tout acabit qui inondent ainsi nos marchés avec de la marchandise de contrebande et qui font circuler des armes de guerre et de la drogue sur tout le territoire. Quand des bandits recherchés « s’évadent » ainsi à l’œil, il y a de quoi s’interroger. « Fais nous fais », l’expression est connue. Qui veut dire ici : je paye et tu fermes les yeux sur mes indélicatesses.

Donc une complicité. Mais l’excès en tout nuit. L’économie du pays prend ainsi le coup fatal. Ce sont donc des centaines de milliards de nos francs qui sont détournés. Voilà donc que loin de constituer une force dissuasive et une garantie pour le voyageur et les transporteurs, « nos agents se sont constitués en véritable mafia. Ils s’enrichissent impunément sur le dos de l’État », nous lance Dame Ouattara, institutrice dans un établissement primaire privé.

« Il faut peut-être réinventer une formule qui rétablisse l’autorité et la crédibilité des forces de l’ordre, en même temps que le voyage agréable et sécurisant. Car rien n’oblige à payer quand on est en règle », déclare ce policier resté dans l’anonymat.
 
Aboubacar Al Syddick , correspondant à Bouaké.