Naturalisation, foncier, apatridie : les députés votent massivement en présence de Soro

  • 24/08/2013
  • Source : Nouveau Reveil

La tempête n’a pas eu lieu ! Après une semaine d’escarmouches, les députés ont massivement adopté, hier en plénière, les lois sur le foncier rural, l’apatridie et la nationalité.

Le premier texte a même été approuvé à l’unanimité. Il accorde un délai de « 24 mois » pour « la constatation des droits coutumiers sur les terres du domaine coutumier ». Les députés de la dixième législature confirment ainsi que la loi de 1998 était, en elle-même, parfaite, mais qu’elle n’a pu être appliquée faute de sensibilisation des populations et à cause de la lourdeur des procédures. A été également adoptée une loi autorisant le président de la République à ratifier « la convention sur le statut des apatrides signée le 28 septembre 1954 à New York ». Sur 223 députés présents à l’hémicycle, seulement neuf ont voté contre et 7 se sont abstenus. Une autre loi donne quitus au chef de l’Etat pour ratifier l’autre convention de 1961 sur « la réduction des cas d’apatridie ». Cette loi a été aussi massivement approuvée, même si elle a enregistré 16 abstentions pour zéro vote contre. Avec ses deux ratifications, qui pourraient avoir lieu en septembre prochain en marge des assemblées annuelles de l’Onu, la Côte d’Ivoire deviendra le septième pays de la Cedeao à ratifier la convention sur l’apatridie et le 79ème au plan mondial. 24 voix contre et 7 abstentions n’ont pas pesé lourd dans la balance du vote de la loi qui prévoit « des dispositions particulières en matière d’acquisition de la nationalité par déclaration ».

Cette disposition vient réparer une injustice. Elle permet de régulariser la citoyenneté des personnes résidant en Côte d’ Ivoire avant 1972 et celle de leurs enfants. Une autre loi modifie les articles 11, 12, 13, 14 et 16 de loi de 2004 sur le mariage. Les nouvelles dispositions permettent désormais au conjoint étranger de bénéficier de la nationalité ivoirienne, s’il le veut, en cas de mariage avec une ivoirienne. Jusque-là, seule la partenaire étrangère mariée à un Ivoirien avait cette faveur légale. Seulement 4 députés se sont abstenus dans ce vote qui n’a enregistré aucune opposition. Il s’agit-là, selon les députés, de « favoriser l’intégration du conjoint et renforcer la cohésion familiale ». Deux autres lois ont été également adoptées à l’issue d’un marathon ininterrompu de 6 heures de débats. L’une autorise le président de la République à ratifier le traité pour la construction, l’exploitation et le développement de ligne d’interconnexion électrique Côte d’Ivoire-Libéria-Sierra Leone-Guinée. L’autre fixe les règles relatives à la commercialisation, du coton et de l’anacarde. En adoptant ces 7 lois, les députés ont ainsi épuisé l’ordre du jour de la quatrième session extraordinaire ouverte le 12 août dernier, à la demande du chef de l’Etat. Mission remplie pour le président de l’Assemblée nationale qui a personnellement présidé la séance d’hier.

« Nous n’avons pas reculé devant la nécessité d’aborder les questions les plus sensibles et par là même les plus importantes, car nous avons pris la courageuse décision de considérer que, désormais, rien de ce qui est ivoirien ne doit nous être étranger. Il n’est pire faiblesse que de rester insensible aux souffrances et aux frustrations de nos concitoyens. Il n’est pire affront à la grandeur de notre culture et à la tradition de notre civilisation, que de demeurer indifférent aux coups du sort qu’ont eu à subir, au cours de cette malheureuse crise que nous avons traversée, certains de nos compatriotes, et singulièrement les plus démunis et les plus vulnérables d’entre eux », a souligné Guillaume Soro, qui s’est réjoui de voir que le pays qui compte plus de 26% d’étrangers s’engage désormais sur la voie de la résolution du phénomène de l’apatridie. « Fasse le ciel qu’aucun d’entre nous n’ait à souffrir, à l’avenir, de ce que j’appelle le « syndrome de l’aéroport », qui consiste, pour un voyageur, à ne plus pouvoir rester dans l’État qu’il vient de quitter, sans pour autant pouvoir retourner dans le pays où il est né, où il a grandi, où il a appris, où il a aimé, condamné à arpenter indéfiniment les tristes couloirs d’un aérogare sans issue et sans nom », a-t-il dit, avouant toutefois, que les débats ont été parfois houleux. « Plus les divergences étaient grandes au départ entre les représentants de la nation, plus les négociations ont dû être longues et animées. Mais enfin, à l’arrivée, quand la lune se lève au soir à la veillée, on obtient la récompense tant espérée : un accord entre toutes les personnes de bonne volonté », s’est-il satisfait, ajoutant : « qu’il y avait urgence à clarifier cette notion et à en définir, pour notre propre pays, les contours législatifs appropriés ». La sérénité et la tranquillité des débats de la journée d’hier a curieusement tranché avec l’atmosphère d’hostilité qui avait débuté les discussions en Commission sur l’apatridie le 20 août, où des députés du Pdci avaient boycotté les délibérations. Plus de peur que de mal donc.

BENOIT HILI