L'ONU au secours du FPI

  • 25/04/2014
  • Source : Le Pays
« Plus on accepte spontanément, naturellement, les procédés démocratiques, plus on témoigne que l'on préfère les négociations et les compromis au despotisme et à la guerre. » Cette réflexion de Raymond Aron semble avoir fortement inspiré la démarche de la représentante spéciale du secrétaire général de l'ONU en Côte d'Ivoire, Aïchatou Mindaoudou.

En effet, cette diplomate nigérienne, consciencieuse et appliquée, a bien compris que le droit d'opposition est aussi inséparable de la démocratie que la liberté d'élections. Mieux, pour elle, la rivalité des partis, en démocratie, ne doit, en aucun cas, dégénérer en bataille pour la conquête du pouvoir d'Etat.
 
En exhortant la direction du FPI à reprendre le dialogue avec le gouvernement ivoirien, Aïchatou Mindaoudou songe à la présidentielle prévue pour octobre 2015
 
C'est pourquoi elle a rencontré, le 22 avril dernier, l'actuelle direction du Front populaire ivoirien (FPI), au siège de ce parti fondé par l'ancien président Laurent Gbagbo.
Soulignons que depuis la crise post-électorale de 2010-2011, la vie politique ivoirienne navigue entre mythes et symboles. Et rappelons, pour bien cerner la portée hautement symbolique de la démarche de la diplomate nigérienne, que le FPI a décidé, il y a un mois environ, de rompre tout dialogue avec le régime d'Alassane Dramane Ouattara (ADO) et d'appeler au boycott de toutes ses initiatives rassembleuses.

En exhortant la direction du FPI à reprendre le dialogue avec le gouvernement ivoirien, Aïchatou Mindaoudou songe à la présidentielle prévue pour octobre 2015. Et, pour la représentante de l'ONU, il faut tout faire pour éviter à la Côte d'Ivoire, en 2015, le spectre de la répétition du même scénario, voire du pire.
 
A première vue, sa démarche semble avoir séduit la direction du FPI puisque celle-ci a décidé de revenir à la table du dialogue, mais autour de « propositions concrètes ». Comme l'a dit le président du FPI, Pascal Affi N'Guessan, son parti est disponible pour « travailler et à faire en sorte que les choses avancent. Ce serait dramatique s'il n'y avait aucune chance de reprendre le dialogue ».
 
Cela dit, il faut vraiment se méfier des déclarations de cet homme. Car une des armes préférées de ce dirigeant de premier plan de ce parti, est la confusion mentale. Affi N'Guessan n'a cessé et ne cesse de parler, après sa libération provisoire, de paix, de réconciliation, de dialogue, mais tout en déversant, curieusement, des discours belliqueux, pseudo-héroïques, nourris de mythes et d'espérances stériles.

Comme si chez lui, la démocratie appelait le fanatisme politique. Or, il doit savoir que lorsqu'un tel fanatisme s'insinue dans un parti important comme le FPI, il tend à rendre la démocratie impossible. Le FPI sous Affi N'Guessan reste un appareil politique aveuglé par la doctrine du chef charismatique, de surcroît emprisonné à des milliers de kilomètres du sol ivoirien. Cette doctrine du chef, complètement irrationnelle, politiquement absurde, voire criminelle, reste, à l'heure actuelle, la clef de voûte de l'édifice politique du FPI.
 
Il faut dire que cette doctrine semble plébiscitée par la base de ce parti, qui vibre émotionnellement, à la seule évocation du nom de Laurent Gbagbo.

L'ONU a ouvert une brèche entre le pouvoir d'ADO et le FPI
 
Les militants du FPI restent attachés, par-delà le bien et le mal, à l'enfant terrible de Mama. D'ailleurs, nombre d'entre eux restent adeptes de la théorie du complot ourdi par l'Occident, via l'ONUCI, pour empêcher le FPI de revenir au pouvoir, en 2015. En vérité, ce parti manque cruellement d'intellectuels libres et éclairés.

Et, ses errements idéologiques et politiques actuels ne sont que la conséquence d'un tel état de fait. Sinon, cet appareil politique aurait réussi à tirer tous les enseignements liés à sa gestion de l'Etat, et avancer résolument vers l'édification d'une Côte d'Ivoire nouvelle, c'est-à-dire l'instauration d'une démocratie véritable.
 
Au contraire, en refusant de mettre de l'eau dans son vin, et en s'obstinant coûte que coûte à mettre du sable dans le couscous politique d'ADO, le FPI ne fait que contribuer lui-même au noircissement de sa propre image politique. C'est pourquoi il doit se réconcilier avec lui-même, avant de se réconcilier avec le pays. Du fait du radicalisme de ses leaders, le parti cannaît déjà des dissensions internes. Des jeunes dissidents, conduits par un certain Zadi Djéjé, ont fini par créer le Front populaire uni (FPU).
 
Evidemment, si l'ONU vole au secours du FPI pour le réintroduire dans le jeu politique, c'est parce que la Côte d'Ivoire ne peut se passer du FPI. Mais à condition que ce parti accepte, enfin, de partager les souffrances et les espérances du peuple ivoirien. Or, l'actuelle direction du FPI, contre toute logique historique, semble avoir choisi de laisser libre cours à tous les entraînements passionnels, ouvrant la voie à la violence fratricide. Oui, l'ONU à raison d'aider le FPI à sortir de sa solitude politique morose qui n'est rien d'autre qu'une crise intellectuelle et morale.
 
L'ONU a ouvert une brèche entre le pouvoir d'ADO et le FPI. Mais le parti fondé par Laurent Gbagbo parviendra-t-il à s'engouffrer dans cette brèche, avec raison et sagesse ? Rien n'est moins sûr. Quoi qu'il en soit, il est temps que le FPI trouve, enfin, des dirigeants capables de lui redonner un nouveau souffle politique, en prise avec la nouvelle donne actuelle.

Mais très franchement, le FPI a-t-il encore un projet alternatif pour la Côte d'Ivoire ?
 
En attendant, la reprise du dialogue entre le FPI et le régime d'ADO est le préalable indispensable à l'établissement de la paix et de la fraternité entre Ivoiriens, et à l'émergence d'une Côte d'Ivoire démocratique, forte et prospère.