L’Histoire de l’Afrique entre au Collège de France

  • 03/10/2019
  • Source : RFI
Le Collège de France, à Paris, aura désormais une chaire permanente entièrement consacrée à l'étude du continent, et c’est inédit. Baptisée « Histoire et archéologie des mondes africains », elle est confiée à François-Xavier Fauvelle, qui prononce jeudi 3 octobre au soir sa leçon inaugurale.

Ses cours sur l'Afrique médiévale, ouverts à tous, au Collège de France, commenceront à la fin du mois, à raison d'une heure par semaine. Et c'est un événement, tout un symbole, souligne le professeur Fauvelle. « Cela veut dire que quelque chose bouge dans nos perceptions, que nous ne soyons plus à une époque où l'on peut encore penser et dire qu’il n’y a pas d’Histoire sur le continent africain, ou qu’elle ne serait pas faisable », se réjouit-il, « au contraire, c’est un domaine de connaissance érudite, et la responsabilité de tous les historiens, c’est de diffuser ces savoirs détenus aujourd’hui par quelques dizaines de chercheurs ».

Parce que ces savoirs n’ont pas été suffisamment exposés, explique encore François Xavier Fauvelle, « le vide relatif s’est meublé d’affirmations péremptoires comme quoi il n’y a pas d’histoire de l’Afrique. Il s’est meublé aussi d’idéologies, de discours faciles, identitaires, comme l’afrocentrisme, qui voit une parenté unique entre toutes les sociétés africaines et l’Égypte antique ».

Pour mettre à bas les clichés dont souffre l’histoire du continent, François Xavier Fauvelle a lui-même publié des livres qui ont fait date, touchant le grand public. Parmi eux, Le Rhinocéros d’or. Histoires du Moyen-Âge africain, en 2013, traduit depuis en une dizaine de langues. L’an dernier, il a aussi coordonné un volumineux ouvrage collectif, L’Afrique ancienne, de l’Acacus au Zimbabwe. 20 000 ans avant notre ère – XVIIe siècle. Auparavant, en 2002, il avait publié sa thèse sur les Hottentots, ou plutôt sur le regard occidental porté sur ces populations d’Afrique australe depuis disparues, les Khoisan : L’invention du Hottentot. Histoire du regard occidental sur les Khoisan, XVe – XIXe siècle.

C’est d’ailleurs ce travail qui l’a incité à creuser plus loin l’histoire ancienne de l’Afrique. « J’ai eu le sentiment, à la fin de cette thèse, d’avoir appris plus de choses sur les sociétés européennes que sur les Khoisan, ces sociétés pastorales qui parlent avec des langues à clics, qui avaient été décrites et en même temps détruites par les voyageurs européens », explique l’historien, « c’est ce qui m’a incité à remonter plus haut dans le temps, à me doter de compétences archéologiques, en espérant déchirer les voiles qu’avaient interposé les sources européennes entre les sociétés africaines, et nous ».

C’est ce qui fait de lui aujourd’hui autant un érudit qu’un homme de terrain. François-Xavier Fauvelle a en effet depuis mené des recherches sur le continent. En Afrique du Sud. En Éthiopie aussi, où il a dirigé le Centre français d’Études éthiopiennes et co-découvert il y a une dizaine d’années des vestiges de cités musulmanes, et notamment d’Ifat, capitale du sultanat du même nom au XVe siècle. « Dans le grand public, on a l’idée d’une Éthiopie depuis longtemps chrétienne », raconte François Xavier Fauvelle, « en réalité, des sources chrétiennes du Moyen-Âge et des sources arabes extérieures mentionnent des sociétés musulmanes en Éthiopie. Longtemps, on a cherché au mauvais endroit, en se fiant aux écrits chrétiens qui laissaient entendre que l’ennemi musulman était forcément loin. On a fini par trouver ces villes musulmanes tout près du royaume chrétien », dit-il encore, « ce qui invalidait partiellement l’idée véhiculée par les sources écrites : toutes ces sociétés n’étaient pas simplement juxtaposées, ennemies les unes des autres, mais en conversation économique, politique ou culturelle les unes avec les autres ».

François-Xavier Fauvelle vient aussi de terminer un chantier de fouilles de huit ans à Sijilmâsa au Maroc. Il voulait en savoir plus sur cette oasis, principal port des sables pendant 700 ans, qui permettait de traverser le Sahara en 50-60 jours pour atteindre les Royaumes du Mali ou du Ghana et commercer avec l’Afrique de l’Ouest. Alors que ses cours au Collège de France vont démarrer, alors qu’il enseignera également dans la foulée à l’université américaine de Princeton, il reste membre du laboratoire Traces de recherche en archéologie, qu’il a dirigé de 2013 à 2017 à Toulouse...