L’agence de l’environnement britannique renonce à enquêter sur le déversement des déchets toxiques en Côte d’Ivoire

  • 29/07/2015
  • Source : Lebabi.net
L’agence de l’environnement britannique a renoncé à enquêter sur le déversement des déchets toxiques qui a eu lieu en août 2006 en Côte d’Ivoire et qui a eu des conséquences catastrophiques pour les populations.

Ce refus de l'agence de l’environnement va surement déplaire aux nombreuses victimes des déchets toxiques, qui déjà en Côte d'Ivoire n'ont pas encore été officiellement indemnisées depuis l'incident.
 
Cette dernière, qui a accepté d'examiner le dossier, vient à son tour d'annoncer qu’elle ne se saisirait pas du dossier, expliquant ne pas avoir les compétences et les ressources pour mener l’enquête. 
 
En mars 2014, Amnesty International, envoyant un dossier détaillé à la justice britannique, exposant les nombreux motifs qui justifieraient selon elle l’ouverture d’une enquête, a demandé au parquet britannique et à la police métropolitaine de Londres d'ouvrir une enquête judiciaire sur le rôle de Trafigura dans ce déversement.
 
Le parquet britannique a alors déclaré ne pas être compétent sur le dossier, indiquant qu’une telle affaire devrait être traitée par l’agence de l’environnement.

Celle-ci, à son tour, après moins d'un an d'enquête, vient de se déclarer imcompétente et admet subir des "pressions financières" limitant son pouvoir d’investigation sans toutefois préciser l'origine de ces pressions.
 
Elle indique par ailleurs que Trafigura "prendrait probablement toutes les mesures possibles pour contester ou bloquer toute enquête", ce qui augmenterait considérablement le coût d’investigation, selon l’agence, qui conclut que "le rapport coût / bénéfice s’oppose à la conduite d’une enquête".
 
Quant à la police métropolitaine de Londres, elle n'a jamais répondu à la demande, en dépit de plusieurs relances. 

"Le fait que les autorités britanniques n’aient ni les outils, ni l’expertise ou les ressources pour enquêter sur ce cas est véritablement choquant" déclare Lucy Graham, conseillère juridique d’Amnesty qui a vivement réagi à l’annonce de l’agence de l’environnement.
 
Selon elle, "cela revient à donner aux entreprises multinationales carte blanche pour commettre des crimes à l'étranger".
 
La société Trafigura de son côté s’est dite "déçue" par les accusations répétées d’Amnesty, accusant l’ONG de "recycler" des "affirmations mensongères" à son endroit. 
 
La multinationale n’a en revanche pas souhaité répondre aux questions des journalistes du Guardian, et n’a pas tenu à préciser de quelles affirmations mensongères elle parlait.
 
Notons que Trafigura n'a jamais eu à véritablement rendre des comptes pour son rôle dans le déversement de ces déchets, et nombre de personnes affectées par cette tragédie attendent toujours de réelles réparations et le respect de leur droit à la justice.
 
Cependant, en dépit de son refus d’ouvrir l'enquête, justifié par "l’ancienneté du crime présumé et des faibles chances de présenter une accusation solide", l'agence de l'environnement a concédé que si les accusations à l’encontre de Trafigura étaient vraies, il s’agirait d’une "grave infraction susceptible de concerner la juridiction britannique".
 
Pour Amnesty International, les services britanniques ne veulent pas "demander des comptes aux multinationales" et "n'ont ni les connaissances, ni les compétences ni les capacités nécessaires pour lutter contre la criminalité des entreprises, en particulier à l'étranger."
 
"Force est de constater que les autorités britanniques n'ont pas les moyens de s'attaquer à la criminalité des entreprises. En effet, les services chargés des enquêtes et des poursuites, souffrent d'un manque d'effectifs et de moyens matériels, et ont vu leur budget sévèrement amputé" indique un communiqué de l'ONG.
 
Par ailleurs, il est inquiétant de voir que plus une entreprise est puissante, moins il y a de chances que les pouvoirs publics enquêtent sur ses activités : en décidant de ne pas enquêter, l'Agence pour l'environnement a tenu compte de la capacité de Trafigura à s'opposer aux investigations, puisqu’elle a déclaré : 
 
"Les opérations ayant débouché sur le déversement des déchets en Côte d’Ivoire ont pourtant été coordonnées depuis le Royaume-Uni mais il n’est pas possible d’y ouvrir une procédure judiciaire" déplore Amnesty.
 
"Pour que la justice britannique soit à même de lutter contre la criminalité d'entreprise, la législation et le système doivent évoluer. Notamment il faut inscrire dans la loi un concept cohérent de responsabilité pénale des entreprises permettant aux autorités d'enquêter sur les agissements des sociétés britanniques impliquées dans de graves crimes commis à l'étranger (mettant ou non en cause les droits humains, via des filiales, des partenaires ou autres) et d'engager des poursuites contre lesdites sociétés" poursuit-elle.
 
Rappelons que le 19 août 2006, la ville Abidjan s’est réveillée avec une odeur terrible de soufre, envahissant les habitations, les bureaux, les écoles... 
 
Cette odeur nauséabonde, sentant le pétrole et l’œuf pourri et qui a provoqué des difficultés respiratoires, des nausées, vomissements et irritations des muqueuses et des yeux, provenait de déchets toxiques qui avait été déchargés d'un navire, affrété par la société Trafigura, multinationale spécialisée dans les matières premières. 
 
Cette catastrophe a eu des conséquences dramatiques sur la santé des habitants et leur environnement. Plus de 100 000 personnes ont dû recourir à une assistance médicale. Les pouvoirs publics de la Côte d'Ivoire ont pour leur part enregistré 15 décès. 

APR/LBB