Insécurité galopante: Une menace de déstabilisation plane

  • 26/11/2013
  • Source : L'Inter
L'insécurité a atteint un niveau inquiétant en Côte d'Ivoire. Un journaliste tué, dont le corps a été retrouvé le lundi 04 novembre dans la lagune, du côté de Marcory-Anoumabo, un autre assassiné à son domicile dans la nuit du 14 au 15 novembre par des individus armés, un autre encore enlevé par des bandits le 19 novembre avant d'être relâché le même jour, et le dernier, agressé à son domicile.

A côté de ces faits qui s'enchaînent et qui inquiètent, il faut noter cette attaque qui a coûté la vie à deux éléments des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI) à Cocody, dans la nuit du mercredi 13 au jeudi 14 novembre dernier. Ces tueurs auraient laissé une note au domicile où ils ont commis leur forfait, indiquant la mention ''on est ensemble jusqu'au 31 décembre''.
 
Dans la même nuit, une autre attaque plus meurtrière menée contre des éléments du Centre de coordination des décisions opérationnelles (CCDO), aurait fait 8 morts dans les rangs des forces ivoiriennes. Le vendredi 22 novembre dernier, c'est un machiniste de la Sotra qui était tailladé à la machette à Abobo, sans compter les nombreuses agressions à mains armées et autres braquages parfois meurtriers dont la presse n'est pas souvent informée.

Il faut aussi rappeler d'autres attaques perpétrées par un commando invisible à l'intérieur du pays, notamment à Agboville qui bat le record de ces attaques, ainsi que les phénomènes de coupeurs de route et autres bandes armées qui sévissent à Yamoussoukro et dans le nord du pays. Ça fait trop! Tout semble, en effet, dire que des individus armés circulent librement et mènent des attaques contre des cibles identifiées au préalable. L'affaire est prise avec beaucoup de sérieux au niveau du pouvoir, car des ministres et des personnalités de premier plan, selon nos sources, seraient visés.
 
A la faveur de la visite d’État du président de la République dans le Gbêkê, des dispositions sécuritaires corsées, matérialisées par un déploiement massif de corps habillés dans le nord, ont été prises pour parer à toute éventualité. Preuve que la menace est bien réelle. Les grandes oreilles et la grande muette multiplient en effet les efforts pour mettre la main sur ces déstabilisateurs tapis dans l'ombre. A en croire une source militaire qui s'est confiée à nous récemment, il y aurait un profond malaise entre des éléments FRCI et leurs supplétifs qui ont mouillé le maillot pendant la crise post-électorale, et qui estiment avoir été mal récompensés.
 
Ceux-ci ont décidé d'en découdre avec leurs aînés. Des gendarmes auraient été mis en mission à divers endroits du pays pour éviter d'éventuels affrontements entre FRCI et leurs supplétifs. D'autres soupçons sont portés contre des éléments d’Ibrahim Coulibaly alias IB, qui ont disparu dans la nature après la mort brutale du chef du commando invisible. Ils ne se sont pas ralliés, se considérant comme des cibles des nouveaux dirigeants. Ils ne seraient, non plus, dans l'adversité contre le régime en place, mais sont perçus comme une réelle menace.
 
Cette source explique que l'une des missions de l'opération '' Téré '' consiste à traquer tous ces pro-IB et toutes autres bandes armées cachées dans les massifs forestiers, notamment entre Agboville, Adzopé et Sikensi. Des militaires pro-Gbagbo exilés sont également dans le viseur. L'ultimatum lancé par le président de la République, Alassane Ouattara viserait à faire sortir ces militaires de leur cachette ; à défaut, à lancer une traque sans merci à leur encontre. «Ceux qui ne viendront pas seront considérés comme des ennemis et traités comme tels. Nous savons que certains vont choisir de se cacher ou tomber en brousse, mais nous savons où ils sont et nous irons les chercher», nous a indiqué un officier, sûr de son fait.

Trop d'armes circulent encore
 
Cette insécurité chronique dans laquelle la Côte d'Ivoire se trouve plongée depuis qu'elle sort progressivement de la crise, est due au fait que durant les batailles pour le contrôle du pouvoir d'Abidjan, beaucoup d'armes ont été distribuées. Selon un rapport d'Amnesty International, deux ans après sa prise du pouvoir, Laurent Gbagbo a été secoué par une attaque qui s'est transformée en rébellion armée. Cela a ouvert «un programme frénétique d'acquisition d'armes».
 
Selon ce même rapport, l’Angola, la Chine, la Biélorussie, la Bulgarie, l’Ukraine et Israël ont tous vendu des armes au gouvernement ivoirien entre 2002 et 2003. «L’embargo des Nations Unies sur les armes de 2004 n’a pas suffi à interrompre l’afflux d’armes dans le pays. Des armes ont continué à être fournies aux forces pro-Gbagbo pendant la crise post-électorale de 2011.

Cela prouve que même un embargo des Nations Unies est insuffisant pour arrêter le commerce illégal d’armes », indique Salvatore Sagues, chercheur d’Amnesty International spécialisé dans l’Afrique de l’Ouest. Il ajoute que les armes acquises par la rébellion des Forces Nouvelles, qui ont contrôlé le nord du pays de 2002 à 2009, sont encore plus difficilement traçables, car la plupart ne sont pas enregistrées. Selon lui, «les Forces Nouvelles ont eu recours à des fusils d’assaut chinois, polonais et russes».
 
Des armes qui sont encore dans la nature et aux mains de personnes dont on ne maîtrise pas toujours l'état d'esprit ou le projet qu'elles nourrissent. «La détention de ces armes est illégale, mais elles sont faciles à démonter, cacher et transporter», reconnaît le Contrôleur général Désiré Adjoussou, président de la Commission nationale de lutte contre la circulation illicite des armes légères et de petit calibre (Com-Nat). Dans un rapport de cette structure, il est noté que «le trafic d’armes et de munitions est extrêmement répandu dans les villes et les villages [...], parfois avec la complicité de membres des forces de sécurité.

Lors de la crise post-électorale, tout le monde cherchait à se protéger et tout le monde était donc armé. Les armes sont maintenant facilement disponibles et il est aisé de s’en procurer ». Il y a aussi que pendant la crise post-électorale, des commissariats de police, des camps militaires et des brigades de gendarmerie ont été attaqués et des armes ont été emportées. Un véritable cocktail explosif que le gouvernement doit désamorcer.
 
 Hamadou ZIAO