Entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, la guerre de l’attiéké est déclarée (Chronique)

  • 29/11/2019
  • Source : Jeune Afrique
C’est une polémique « gros grain » qui secoue le monde de la gastronomie ouest-africaine. Après les débats sur « l’appropriation culturelle » indue, voici venue l’appropriation culinaire illégitime.

Tout commence par une banale remise de prix dans une foire routinière. Le 22 novembre dernier, à Abidjan, à l’occasion de la cinquième édition du Salon international de l’agriculture et des ressources animales (SARA), le fonds Pierre Castel décerne à la Burkinabè Florence Bassono un prix pour son produit dénommé « Faso Attiéké ».

« Touche pas à mon attiéké » ! Une indignation de plus en plus officielle suinte des réseaux sociaux. Ce mets à base de manioc serait estampillé « made in Ivory coast » (« fabriqué en Côte d’Ivoire ») dans la pensée populaire. Et si « garba = Babi », comment une étrangère peut-elle être primée – qui plus est sur le territoire ivoirien – et obtenir sa rentabilité commerciale en exploitant, comme marque, un « trésor » linguistique ivoirien ? Avec des allures de médecin après la mort, le ministre ivoirien du Commerce et de l’Industrie s’émeut. Dans un communiqué, Souleymane Diarrassouba élève une « vive protestation contre l’utilisation de ce nom » sans l’accord préalable des autorités ivoiriennes.

Processus de labellisation
La guerre de l’attiéké est déclarée, rappelant celle du couscous qui déchira les pays du Maghreb, avant que ceux-ci ne tentent de s’unir en vue d’une reconnaissance par l’Unesco. Avant d’invoquer des structures onusiennes, les Ivoiriens et les Burkinabè se tournent vers l’arbitre de la contrefaçon : l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI). L’organisme est compétent pour enregistrer une marque commerciale, tout comme il est habilité à valider une « Indication géographique protégée » – comme la région française de la Champagne qui voulut interdire à d’autres régions la production de « son » vin effervescent.