Villa en Suisse, hôtel particulier à Paris, comptes bancaires chez UBS. Depuis la mort du président ivoirien Félix Houphouët-Boigny, en 1993, une féroce bataille se livre, entre Abidjan, Paris et Genève, pour tenter de récupérer une partie du "magot du père de l’indépendance ivoirienne.
Le père de l'indépendance ivoirienne qui a été aussi plusieurs fois ministre sous René Cotty et le général De gaulle, a au fil des années amassé une véritable fortune, une sorte de trésor, et acquis de nombreux meubles.
La fortune de Houphouët Boigny est au cœur d'une bataille, sa veuve Marie-Thérèse Houphouët Boigny a enfin décider d'engager des poursuites judiciaires.
Des poursuites en France mais également à l'étranger, elle estime avoir été spoliée de son héritage à la mort de son mari, de nombreux biens immobiliers sont concernés, notamment l'hôtel Masserons, un petit bijou historique en plein Paris, devenu propriété officielle de l'état ivoirien et qui contenait de véritables trésors vendus dans d'étranges circonstances s'insurge l'avocat de la veuve du président Houphouët Boigny, Jean-Paul Baduel : « C'est un hôtel particulier du 18e siècle en plein cœur de Paris dans le 7è arrondissement avec un parc de 8000m2, il est évalué en 1998 à plus de 120 millions de francs, maintenant il doit en valoir le triple.
Et surtout, il était meublé avec des collections de tableaux de grands peintres, ces œuvres vont être aussi pillées, puisqu' elles vont être vendues par la maison de vende Sotheby’s à l'étranger, et tous ça, ça disparait dans certaines poches, l'argent n'apparait pas dans le comptes publics de la Côte d'Ivoire mais probablement dans des comptes off-shores situés en Suisse peut être pas très loin de certains établissements de premier plan.»
Autre exemple, en mai 2010, une villa d'Houphouët Boigny à Genève est vendue au nom de la Côte d'Ivoire à 12 million d'euros mais l'argent atterri sur un compte bancaire de la société générale en France.
Pour Sylvain Maier, l'ancien avocat du président déchu Laurent Gbagbo, de telles transactions immobilières s'effectuent souvent dans l'opacité la plus totale : «C'est extrêmement facile de détourner des immeubles, des fonds et autres biens mobiliers et immobiliers, c'est arrivé de faire signer des documents des pouvoirs au président qui ont été utilisés de manière mal intentionnée, on m'a moi même soupçonné de quelque chose de cette nature alors que j'avais fait évaluer le bien par des experts français avant d’en en faire l'acquisition, d'ailleurs que je n'ai pas pu faire puisque je refusais d'entrer dans des opérations malhonnêtes, la personne avec laquelle je me suis fâché avait le pouvoir de vendre des biens immobiliers et c'est lui qui signais pour le compte du président qui lui même représentait l'Etat. On parle d'immeubles à Paris, d''immeubles en Suisse»
En tout cas du côté des proches de Laurent Gbagbo qui est actuellement détenu par la CPI, on dément que l'ancien président ivoirien ait personnellement détourné des biens d'Houphouët Boigny, c'est ce qu'explique l'un de ses fidèles, Guy Labertit : « Quand Laurent Gbagbo était en exercice, une fois il a abordé cette question là, et m'a dit, ‘’Houphouët Boigny a fait un distinguo entre ce qui était à lui personnellement et ce qui était à l'Etat ivoirien et ce distinguo dont j'ai eu connaissance, je le respecte’’, et il m'a dit "je me tient au distinguo qui a été établi par Houphouët Boigny lui même". Mais tout ce qui était du domaine privé d'Houphouët Boigny, il mas dit, "ça je n'y touche pas". Tout le monde sait que Laurent Gbagbo n'est pas un homme d'argent. »
Une partie de sa fortune, Houphouët Boigny l'a placé en Suisse chez UBS. Au début des années 70, le président ivoirien organise sa succession et rédige plusieurs documents manuscrits que nous avons pu consulter, dans lesquels il déclare léguer son argent à son épouse.
« Le contenu du coffre 674 de l'union des banques Suisse à Genève, doit parvenir après ma mort à ma femme Marie-Thérèse ou à ses héritiers, fait à Genève de ma main, le 27 juillet 1970, Félix Houphouët Boigny »
Cet argent en Suisse, c'est un sujet qui embarrasse. Au début des années 80, Houphouët Boigny est interrogé la dessus lors d'une conférence de presse et voila ce qu'il répond raconte l'avocat, Xavier Guelbert qui travaillait à l'époque en Côte d'Ivoire : «
A l'époque ou la question se posait sur sa fortune à l'étranger, il a répondu, ‘’mais évidement que j'ai des avoirs à l'étranger, qui ne l’aurait pas fait dans ma situation?’’ parlant de l'argent qu'il avait en Suisse il a répondu, ‘’mais j'ai l'essentiel de ma fortune en Côte d'Ivoire parce que j'ai investi dans ce pays j'ai fait fructifier, j'ai développer des tas de filières agricoles en suscitant un mouvement d'entrainement qui s'est traduit par l'accroissement de la production du cacao, du café, des ananas et autres agrumes et d'autres productions agricoles.’’ »

Marie-Thérèse Houphouët Boigny, l'épouse de l'ancien président ivoirien
Mais quand Marie-Thérèse Houphouët Boigny tente de récupérer l'argent de son mari en Suisse, voilà ce que lui répond la banque selon Me Baduel : « C'est très simple, UBS nous dit, circulez, il n'y a rien à voir. C'est à dire que les comptes ont été clôturés il y a plus de 10 ans et nous n'avons plus d'archives. C'est faux puisqu'on a la preuve dans les correspondances de l'UBS qu'elle sait parfaitement quels sont les comptes puisque ses correspondances portent en référence les numéros des comptes tout au long des années 2000.»
A la question de savoir le montant de ces comptes, Me Baduel renchérit : « on parle de dizaines, voir de centaines de francs suisse. C’est une fortune importante, cet argent, il peut servir à acquérir du matériel militaire, des armes, au profit de certains belligérants. En Côte d'ivoire, je pense que certaines personnes ont profité à titre tout à fait personnel pour leurs carrières et leur activité politique, cette situation est totalement inadmissible et il est urgent que les autorités judiciaires suisses se penchent sur ce problème.»
Officiellement donc ces comptes suisses n'existent plus, contactée, UBS nous explique qu'elle est tenue au secret bancaire. Pour tenter de retrouver les bénéficiaires de ces sommes, l'avocat de la veuve d'Houphouët a déposé une plainte en France pour détournement et recel de succession, mais il a également engagé une action judiciaire en Suisse auprès du procureur général de Genève.
Une histoire qui n'étonne guère le spécialiste des paradis fiscaux, Xavier Arel : « Dans les années 20, dans les années 30, un grand nombre de familles juives ont déposé de l'argent en suisse craignant la montée de Nazisme et du Fascisme. Et lorsque la guerre s'est terminée, les survivants ont essayé de récupérer cet argent et sont donc allé voir les banques où leurs pères, leurs oncles avaient déposé des fonds.
Ils sont de façon quasi systématique, tombés face à un mur. Ce que les banques réclamaient à l'époque, c'était un acte de décès comme si à Howsvich on délivrait des actes de décès. Il y a une véritable culture de la dissimulation, il faut bien comprendre que la Suisse et surtout les banquiers suisses ont bâti leurs fortunes sur le secret bancaire. »
Il faut ajouter que selon l'entourage de la veuve d'Houphouët Boigny, ce sont plusieurs centaines de Kilos d'or qui dormiraient également dans des coffres de la banque UBS, des stocks d'or donnés au président ivoirien par l'ancien chef de guerre en Angola, Jonas Savimbi, pour le remercier de son soutien et la fourniture d'armes pendant la guerre froide, tout cela en lien avec les services secrets français.
Une enquête Benoît Collombat
Avec France-inter
Le père de l'indépendance ivoirienne a au fil des années amassé une véritable fortune, une sorte de trésor, et acquis de nombreux meubles.