En Sierra Leone, une élection présidentielle en quête de crédibilité

  • 07/03/2018
  • Source : Le Monde Afrique
Plus de 3,1 millions d’électeurs sont attendus dans les bureaux de vote mercredi pour des scrutins à la fois présidentiel, législatif et communal.

Seize candidats se disputent l’élection présidentielle du mercredi 7 mars, la quatrième depuis la fin de la guerre civile (1991-2002). Jamais depuis l’indépendance du pays, en 1961, la compétition n’a semblé aussi incertaine. D’autant que les quelque 3,1 millions d’électeurs sont également appelés à renouveler le Parlement et à choisir leurs maires.

Le président sortant, Ernest Bai Koroma, élu pour la première fois à la présidence en 2007, termine son second mandat de cinq ans, une limite fixée par la Constitution et qu’il a choisi de respecter. S’il peut se prévaloir d’une certaine stabilité institutionnelle et d’avoir lancé la modernisation des infrastructures, son bilan reste entaché par la précarité des services publics de base, un taux de pauvreté parmi les plus élevés de la planète et une très forte corruption. Les services de contrôle de l’Etat ont notamment mis au jour le détournement de plusieurs millions de dollars de dons internationaux durant la crise du virus Ebola (2014-2016) – qui provoqua la mort de plus de 4 000 personnes –, sans qu’aucune suite judiciaire n’intervienne.

Deux partis dominent le paysage politique. Le Congrès de tout le peuple (APC) du président sortant, qui a imposé son dauphin à sa propre formation, le ministre des affaires étrangères Samura Kamara, et le Parti du peuple de Sierra Leone (SLPP), de Julius Maada Bio, un vétéran de la guerre civile et ancien chef de la junte de 1996 qui rendit le pouvoir aux civils, de nouveau sur les rangs après son échec à la présidentielle de 2012.

Aspiration au changement

Ces deux piliers de la politique sierra-léonaise sont aujourd’hui ébranlés par deux nouvelles formations qui grignotent leurs bases. La Grande Coalition nationale (NGC), de Kandeh Yumkella, ancien directeur général de l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (Onudi) et dissident du SLPP, et la Coalition pour le changement (C4C), de l’ancien vice-président Samuel Sam-Sumana, ex-APC.

Ces deux partis attaquent les assises régionales de l’APC et du SLPP et jouent sur l’aspiration au changement d’une partie de la population, notamment une jeunesse de plus en plus nombreuse et tout autant désœuvrée. Si les chances de victoire de leurs candidats à la présidentielle sont faibles, ils pourraient en revanche être des partenaires incontournables pour la victoire au second tour. Une élection dès le 7 mars semble en effet peu probable, sachant qu’il faut réunir 55 % des voix pour emporter la mise dès le premier tour.

Le NGC et le C4C devraient également brouiller les cartes au Parlement, où les 124 sièges sont en jeu, parmi lesquels douze sont réservés aux chefs traditionnels élus selon un scrutin indirect. Plusieurs centaines d’observateurs étrangers, africains et de l’Union européenne notamment, sont déployés dans tout le pays pour ces élections organisées par une Commission électorale nationale (NEC) jugée indépendante et crédible. Invoquant le risque de violences, le gouvernement a interdit la circulation des véhicules privés le jour du vote, une mesure critiquée par l’opposition comme une tentative de réduire la participation de ses électeurs...