Les autorités françaises, fer de lance dans la guerre contre l'organisation de l'État islamique, ont officiellement adopté l’acronyme "Daech" pour désigner l’EI dans leurs discours officiels. Une décision qui n'a rien d'anodin.
Il y a un point sur lequel les présidents américain et français, Barack Obama et François Hollande, ainsi que le Premier ministre britannique David Cameron sont d’accord : l’organisation de l’État Islamique (EI) "n’a rien d’islamique et rien d’un État non plus". Mais les autorités françaises ont franchi seules un autre palier dans la guerre sémantique contre le groupe terroriste, en adoptant officiellement l’acronyme arabe "Daech" pour désigner l’EI. Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a d’ailleurs très concrètement appelé les journalistes à bannir les mots "État" et "islamique" dans leur description ou la désignation de l’EI.
"Daech"
La plupart des journalistes et des observateurs pensent que le mot "Daech" est un banal acronyme arabe pour désigner l’EI (al-Daoula Al-[i]slamiya fi al-Erak wal-Cham), sauf que c’est faux. À quelques rares exceptions connues - Hamas palestinien (Harakat Al-Mouquaouam Al-[i]Slamiya) - les organisations et groupes politiques ont peu recours aux acronymes dans le monde arabe.
L'"État Islamique en Irak et au Levant" (EIIL), ancêtre de l’EI, a d’ailleurs d’emblée rejeté l’acronyme "Daech", lancé peu après sa création en avril 2013, par des médias qui lui sont hostiles dont al-Arabiya et plusieurs autres chaînes d’information iraniennes et libanaises. Cette dénomination a fait rapidement des adeptes dans les rangs de ceux qui se battent contre l’EI en Syrie, du côté des rebelles comme du côté du régime de Bachar al-Assad. Le but était justement d’occulter les mots "État" et "Islamique", pour minimiser l’influence de l’organisation au sein des populations de la région et empêcher toute adhésion à son idéologie.
Le choix du mot "Daech"
L’expression, considérée comme "péjorative" par l’organisation terroriste, n’existe pas en tant que telle dans la langue arabe. Mais d’autres mots, proches phonétiquement, existent. À l’instar de "Daes" - celui qui écrase avec son pied - ou de "Dahes" - celui qui sème la discorde ou la zizanie. "Dahes" fait aussi référence à de célèbres batailles de l’histoire du monde arabe, les batailles de Dahes wal Ghabra, entre 608 et 650 ap. J.-C. Elles opposèrent entre elles des tribus arabes dans la période pré- islamique, Jahilya - ignorance en arabe - qui finirent par s’unir "grâce à l’islam".
"Daech" renvoie donc inévitablement à une image et à des concepts très négatifs pour l’EI. Son usage qui se faisait souvent de manière anodine, prend tout son sens en tant qu’ "élément de langage" depuis que les autorités françaises l’ont adopté. Une prise de position politique sans plus aucune ambiguïté.
EI, EIIL, Daech, comment appeler les jihadistes en Irak et en Syrie ? - Photo à titre d'illustration