Désarmement: ADO réussira-t-il à relever le défi ?

  • 28/08/2013
  • Source : Le Pays

Avec la récente opération de désarmement menée par les autorités ivoiriennes à Abobo, (un quartier populaire d'Abidjan) on peut dire que le processus de désarmement est entré dans une phase importante. Au-delà des chiffres, le fait qu'environ 200 ex-combattants soient venus, volontairement, remettre les armes de combat qu'ils détenaient par devers eux, dont des armes lourdes (des mortiers, des lance-roquettes, des obus) et des armes légères (des kalachnikovs, des fusils mitrailleurs), est un acte majeur à saluer pour sa portée historique. Acte majeur parce que ces ex-combattants n'étaient pas tenus de le faire maintenant, sans contrainte, mais aussi parce que les autorités actuelles ont su poser les actes qu'il faut et trouver les mots justes pour parvenir à ce résultat.

Dans une Côte d'Ivoire qui peine à retrouver sa sérénité, le président Ouattara, qui sait, plus que quiconque, qu'il n'y a pas de développement sans paix ni stabilité, ne ménage aucun effort pour instaurer un climat qui lui permette de travailler efficacement à la reconstruction de son pays. C'est en cela qu'au-delà des chiffres, c'est le geste même qu'il faut saluer parce que, quand des gens détiennent illégalement des armes par devers eux, non seulement il est difficile voire impossible pour l'autorité de les contrôler, mais aussi et surtout rien n'exclut qu'à tous moments ils puissent s'en servir et remettre en cause les acquis durement engrangés, d'autant plus qu'on ne connaît même pas la moralité de tous ceux qui détiennent ces armes. La symbolique du quartier Abobo, réputé fief du président Ouattara durant la crise post-électorale, pour commencer l'opération, est à mettre au crédit des autorités actuelles qui veulent montrer « patte blanche » et demander aux plus irrédentistes des pro-Gbagbo de prendre en marche le train de la réconciliation. Cette opération est aussi bénéfique pour les pays voisins car le contrôle des armes permet de lutter contre la circulation et la prolifération des armes légères, cause de la recrudescence du grand banditisme transfrontalier et à l'intérieur des frontières de beaucoup de pays.

Le président Ouattara est engagé dans une course contre la montre où il lui faut réaliser beaucoup de choses en peu de temps. Aussi, son appel lancé à toute la jeunesse ivoirienne de déposer les armes, quels que soient leurs bords politiques, vise à instaurer un climat de sécurité pour tous les Ivoiriens, condition sine qua non pour pouvoir mener à bien les chantiers de reconstruction dans lesquels il s'est lancé. Si cet appel est bien entendu, cela contribuera non seulement à la sécurisation du pays, mais pourrait contribuer également à accélérer le processus de réconciliation. En cela, il est important que les autorités tiennent parole en travaillant à la réinsertion et à la réintégration effective des ex-combattants qui auront déposé les armes pour qu'ils ne se sentent pas floués et n'en viennent pas à regretter leur acte. La réintégration effective des premiers démobilisés pourrait faire boule de neige et convaincre d'autres à leur emboîter le pas. A partir de là, d'autres actions allant dans le sens de la stabilisation du pays pourraient suivre. Cette action s'inscrit donc dans la logique que les gens retrouvent, peu à peu, les signaux de l'espoir. Beaucoup prennent de plus en plus conscience qu'il ne sert à rien de vivre en marge de la société, en véritable hors-la-loi, parce que les marges de manouvre s'amenuisent de plus en plus, face à la détermination des autorités actuelles à lutter sans merci, à redresser le pays et à contrôler la circulation des armes. Et cela est bénéfique pour la Côte d'Ivoire.

C'est pour cela que cette opération doit aller jusqu'à son terme et s'étendre à tout le pays pour avoir un impact retentissant et de grande ampleur. Mais en cela, il faut que les gens soient francs dans leur démarche et que leur engagement dans le processus soit sincère et total. Il ne sert à rien de venir déposer une arme pendant qu'on en garde deux ou trois par devers soi, bien cachées. A cette allure, c'est tout le processus qui ne sera qu'illusion et leurre, et le réveil risque d'être douloureux pour la Côte d'Ivoire.
C'est en cela que le défi est grand pour le président Ouattara qu'il faut encourager à persévérer dans ses efforts de rassemblement des Ivoiriens, et de main tendue à tous pour, ensemble, panser les plaies, tourner la page et regarder vers l'avenir. Cela passe obligatoirement par la maîtrise de la question sécuritaire. Sera-t-il seulement entendu ?

Outélé KEITA