Déchets toxiques/ Indemnisations - Pipira Denis: ‘‘ Dans un mois, les victimes seront satisfaites’’

  • 26/08/2013
  • Source : L'Hebdo Ivoirien

Sept ans après le déversement des déchets toxiques en Côte d’Ivoire, le président des associations des victimes affirme que des sites dangereux ne sont toujours pas dépollués. Yao Pipira Dennis rassure par ailleurs les victimes quant au versement de leurs indemnités. «D’ici un mois, les victimes seront situées sur leur sort, » prévient-t-il.

Sept ans après le déversement des déchets toxiques en Côte d’Ivoire, quel est l’état des lieux de dépollution des sites contaminés ?


Je vais vous dire avec précision que c’est l’Etat lui-même qui a produit à travers ses structures un rapport, il y a quatre ans, en 2009 pour informer l’opinion de ce que quatre grands sites restaient à être dépollués. Jusqu’à ce jour, malheureusement, rien n’a été fait. On ne pouvait pas imaginer un tel scénario, sept ans après le déversement de boue aussi toxiques, que l’on continue de vivre avec ces déchets. Malheureusement, c’est le cas. Je ne sais pas si c’est parce que nous sommes en Afrique que la dépollution tarde. En tout cas s’est inimaginable et inconcevable.

Quels dangers courent les populations situées à proximité des sites contaminés à Abidjan et banlieues ?


Les déchets ont été déclarés hautement toxiques et plusieurs analyses d’experts ont confirmé la toxicité de ces déchets. Et puis on a laissé ces déchets s’évaporer dans la nature, s’imbiber dans le sol. Aujourd’hui comme je l’ai rappelé quatre grands sites sont toujours là en attente d’être dépollués, nous ne voyons pas de façon apparente ces déchets, avec les effets de la pluie et le soleil. En tant que profane je ne peux pas vous dire avec certitude l’effet que peut produire ces déchets à long terme, puisque ça fait sept ans sur les populations environnantes. Ce que je sais, c’est que la nature a consommé ces déchets. Il faut des experts pour nous sortir une étude claire et nous situer sur les dégâts que ces déchets ont sur notre environnement ainsi que les populations qui vivent à proximité des sites pollués. Il s’agit, d’Akouédo village, de Vridi dans la zone portuaire, de la MACA, de la Djibi village sur la route d’Alépé. Le cas de la Djibi est frappant, il y a des montagnes de déchets toxiques sur la route d’Alépé que le sol imbibe jour et nuit. Nous ne savons pas si la nappe phréatique est atteinte. Nous ne sommes pas des techniciens, par conséquent nous ne pouvons pas faire des affirmations formelles. Notre souhait est qu’une étude soit menée afin que nous soyons situés sur les effets de ces boues toxiques.

En tant que président des associations de défense des victimes des déchets toxiques, quelles actions avez-vous mené afin que ces sites dangereux soient enfin dépollués ?


Nous nous souvenons qu’aux premières heures de versement des déchets toxiques, nous avons bruyamment demandé qu’ils soient enlevés. A la suite des enlèvements, que les sols qui les ont accueilli soient dépollués totalement. Dans l’urgence, on nous a fait croire que c’est ce qui était entrain de se faire. Des sociétés s’étaient mises à la tâche. Aujourd’hui, on nous parle de problèmes financiers qui ont occasionné l’arrêt des actions de dépollution. Nous avons interpelé les organisations environnementales ainsi que l’organisation locale de l’ONU. Le gouvernement a été également interpelé en son temps et nous avons protesté chaque fois que nous avions l’occasion. A l’impossible nul n’est tenu. Jusqu’à ce jour, les déchets sont toujours présents. Quand le nouveau pouvoir s’est installé, nous y avions fondé beaucoup d’espoir. Nous avons adressé des courriers au cabinet du président de la république, à la suite de ces courriers, nous avons obtenu des rencontres avec son conseiller en environnement avec qui nous avons fait plusieurs séances de travail. Assurance nous a été donnée que l’Etat élaborait un projet clair qui allait aboutir à la dépollution totale des sites contaminés. Nous ne voyons pas les choses venir, apparemment des intérêts financiers bloqueraient la question de dépollution.

Combien de victimes compte en ce moment l’association que vous présidez ?

Il est difficile de donner un nombre exact de victimes parce que les déchets existent toujours. Des cas de contamination sont signalés. En attendant d’avoir des confirmations, des cas de récidive en matière de symptômes de maladies se font signaler. Chaque fois qu’il pleut, les populations situées aux abords des sites non encore dépollués se plaignent qu’il y a des contaminations nouvelles. Il serait hasardeux d’avancer un nombre de victimes. Sans compter qu’il y a eu une pluralité d’associations. Chacune de ces associations gère de façon autonome ses cas. Depuis un moment, nous essayons de centraliser nos actions, je croix que d’ici un mois, toute l’équipe qui travaille sur ce dossier fera une grande sortie en vue de situer les uns et les autres sur le nombre réel des victimes, les actions menées par la fédération et ce qui reste à faire pour ces victimes.

Il est de plus en plus question d’indemnisation des victimes, combien de personnes sont-elles concernées à ce jour et à quand l’entame du processus ?


Nous revenons à l’une des questions posées. Comme je l’ai dit, il y a déjà eu plusieurs étapes quand on parle d’indemnisation. 30 mille victimes ayant engagé une action judiciaire, ont obtenu 22 milliards de FCFA pour leur dédommagement en raison de 750 mille par victime. Plus de 70% d’entre eux ont été indemnisés. Il reste donc 6000 personnes. L’Etat avait obtenu un soulagement dans un accord amiable avec Trafigura, le propriétaire du navire qui a déversé les déchets à Abidjan et banlieues portant sur la somme de 100 milliards de FCFA. Vingt milliards (20) ont été alloués à 101 mille victimes, certaines ont perçu 200 mille FCFA. Sur les 101 mille victimes, 30 mille attendent d’être indemnisées. L’Etat doit distribuer 6 à 7 milliards. La première action judiciaire concernant les 30 mille victimes, 6000 sont toujours en attente alors qu’il reste quatre milliards. Nous nous battons, nous faisons tout ce qui est en notre possible pour que les pauvres victimes puissent entrer dans leur fonds. Il faut souligner que, beaucoup de victimes n’ont pas été pris en compte dans la première action individuelle de victimes. Elles se sont organisées dans la plus grande des actions judiciaire en cours. D’ici un mois ces milliers de victimes seront situés sur leur sort.

Certaines victimes dénoncent enfin, des pratiques de rackettes de la part de vos collaborateurs qui les feraient payer régulièrement des sommes allant de 500 à 2000 FCFA qu’en est-il réellement ?


Je vous ai dit tantôt qu’il y a une pluralité d’associations. Quand on parle d’association, on parle de groupes de personnes qui se sont mis ensemble et se cotisent pour se donner de la force. Lorsqu’il y a eu le déversement, l’Etat formait équipe avec les associations, il les a lâché par la suite en transigeant sur les la somme de 100 milliards. Les associations abandonnées à elles dans leur lutte doivent réunir les moyens pour mener leur combat. Vous savez que dans ce monde on ne peut rien faire sans argent. Les victimes qui sont des personnes intelligentes l’ont compris. Quand on est dans une association, on a des obligations en tant que membre. C’est ce qui se fait d’ailleurs. Malheureusement des personnes font des amalgames, quand les membres essaient de contribuer au fonctionnement de leur association. Elles trouvent à redire alors ce n’est pas nouveau. Dans le monde entier, même dans les pays développés, les plus puissantes associations vivent des dons de leurs membres. Je ne sais pas pourquoi ici, on ne peut pas consentir que chaque membre cotise 500 FCFA, moins d’un euro pour réunir mille euros pour le fonctionnement de l’association. Je ne vois pas de mal en cela. Ce qui est regrettable, c’est qu’à côté, il y a des personnes véreuses qui se donnent à des pratiques pas saines. En toute chose, il y a des petites déviations, l’essentiel est de tenir nos objectifs. En s’associant, nous avons franchi beaucoup d’étapes importantes. Nous sommes surs de tenir une affaire judiciaire d’envergure pour laquelle, si nous ne nous sommes pas donnés les mains, nous n’allons jamais y arriver. Je vous informe que les 500 FCFA qu’on cotise ne peuvent pas tenir une action judiciaire, puisque ce sont des dizaines de milliards qu’il faut, mais ils nous ont permis de commencer et d’obtenir le soutien de banques qui nous accompagnent dans notre action judiciaire.

lhebdoivoirien@yahoo.fr
Interview reprise sur Internet
par Guy Pierre Antoine